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S. Thomas d'Aquin, Commentaire sur Jean 6 (5)

Publié le 06 août 2009 par Walterman

TRAVAILLEZ NON PAS EN VUE DE LA NOURRITURE QUI PÉRIT, MAIS EN VUE DE CELLE QUI DEMEURE POUR LA VIE ÉTERNELLE.

La puissance de cette nourriture ressort du fait qu’elle ne périt pas. Sachons à ce propos que les réalités corporelles ont une certaine ressemblance avec les réalités spi rituelles dans la mesure où celles-ci en sont cause et source; et c’est pourquoi elles imitent en quelque manière les réalités spirituelles. Or le corps est soutenu par la nourriture; cela donc qui soutient l’esprit, quoi que ce soit, en est appelé la nourriture. Et ce qui soutient le corps, puisqu’il passe dans la nature de ce corps, est corruptible; mais la nourriture qui soutient l’esprit est incorruptible parce qu’elle n’est pas changée en l’esprit lui-même, mais c’est au contraire l’esprit qui est changé en la nourriture. Voilà pourquoi Augustin dit: "Je suis la nourriture des grands; grandis et tu me mangeras. Et tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair; mais c’est toi qui seras changé en moi.
C’est pour cela que le Seigneur dit: TRAVAILLEZ, c’est-à-dire, recherchez en travaillant — autrement dit, méritez par vos travaux — non pas LA NOURRITURE QUI PERIT, celle qui est corporelle — Les aliments sont pour le ventre et le ventre pour les aliments, et Dieu abolira l’un comme l'autre, les autres parce qu’on ne fera pas toujours usage des aliments, mais TRAVAILLEZ en vue de cette nourriture, celle de l’esprit, QUI DEMEURE POUR LA VIE ÉTERNELLE. Cette nourriture est Dieu lui-même en tant qu’il est la vérité à contempler et la bonté à aimer qui nourrissent l’esprit — Mangez mon pain — Elle l’a nourri d’un pain de vie et d’intelligence. Cette nourriture est aussi l’obéissance aux commandements divins — Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé; et encore le Christ lui-même — C’est moi qui suis le pain de vie. Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson, cela en tant que [sa chair est] conjointe au Verbe de Dieu qui est la nourriture dont vivent les anges. Plus haut, à propos de la boisson corporelle et de la boisson spirituelle, il avait mis en lumière une différence semblable à celle qu’il établit ici entre la nourriture corporelle et la nourriture spirituelle: Quiconque boit de cette eau aura encore soif mais celui qui boit de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif. La raison en est que les réalités corporelles sont corruptibles, tandis que les réalités spirituel les, et Dieu plus que tout, demeurent éternellement.
Mais il faut savoir, selon Augustin (dans son livre sur Le travail des moines), que sur cette parole TRAVAILLEZ NON PAS EN VUE DE LA NOURRITURE QUI PÉRIT, MAIS EN VUE DE CELLE QUI DEMEURE POUR LA VIE ETERNELLE, certains moines trouvèrent le moyen d’errer en disant que les hommes spirituels ne devaient pas travailler de leurs mains, à quelque oeuvre que ce soit. Mais cette interprétation est fausse, puisque Paul, qui fut éminemment spirituel, a travaillé de ses propres mains, comme lui-même le rapporte dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens: Nous n'avons pas mangé gratuitement le pain de qui conque, mais dans le labeur et la fatigue, oeuvrant jour et nuit, afin de n’être un poids pour personne. La véritable intelligence du passage est donc que nous orientions notre oeuvre, c’est-à-dire notre principal effort et notre intention, vers la recherche de la nourriture qui conduit à la vie éternelle, c’est-à-dire vers les biens spirituels. Sur les choses temporel les, nous ne devons pas porter en premier lieu notre attention, mais seulement d’une manière relative: nous les procurer uniquement en raison de notre corps corruptible qu’il faut soutenir aussi longtemps que nous vivons ici-bas. Pour cette raison, et à l’encontre de ces moines, l’Apôtre dit explicitement: Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus, comme s’il disait: ceux qui disent qu’il ne faut travailler à aucune oeuvre corporelle — et manger en est bien une —, ceux-là doivent aussi ne pas manger.

 ET QUE LE FILS DE L’HOMME VOUS DONNERA; CAR DIEU LE PÈRE L’A MARQUÉ.

L’Évangéliste considère ici l’auteur du don de la nourriture spirituelle. Il mentionne d’abord de qui il s’agit, puis montre d’où lui vient l’autorité de la donner.
L’auteur et le donateur de la nourriture spirituelle est le Christ. Et c’est pourquoi il dit CELLE, c’est-à-dire la nourriture qui ne périt pas, QUE LE FILS DE L’HOMME VOUS DONNERA. S’il avait dit "le Fils de Dieu ", on n’y aurait rien vu d’étonnant. Mais que ce soit le Fils de l’homme qui la donne est plus propre à éveiller l’attention. La raison pour laquelle il revient proprement au Fils de l’homme de don ner est que la nature humaine blessée par le péché se dégoûtait de la nourriture spirituelle, et n’était pas capable de la prendre dans ce qu’elle a de spirituel: pour cette rai son, il a été nécessaire que le Fils de Dieu prît chair et que, par sa chair, il nous redonnât vigueur — Tu as préparé devant moi une table.
D’où lui vient l’autorité de donner? L’Évangéliste le dit: DIEU LE PERE L’A MARQUE, comme s’il disait: si le Fils donne, cela ne lui revient qu’à cause du caractère uni que et éminent de sa plénitude de grâce, par laquelle il sur passe tous les fils des hommes. Il l’a MARQUE, c’est-à-dire choisi explicitement parmi les autres: Dieu, ton Dieu, t’a oint d’une huile d’allégresse de préférence à tous tes compagnons.
Ou, selon Hilaire, il l’a MARQUÉ, c’est-à-dire marqué de son sceau. Quand on a imprimé un sceau dans de la cire, celle-ci conserve toute la figure du sceau. De même, le Fils reçoit toute la forme du Père. Et c’est de deux manières que le Fils reçoit du Père: l’une est éternelle et ce qui est dit ici ne la signifie pas, parce que dans l’apposition d’un sceau, autre est la nature de ce qui reçoit, autre celle de ce qui imprime. Mais il faut le comprendre du mystère de l’Incarnation, parce que Dieu le Père a imprimé dans la nature humaine le Verbe qui, par son Incarnation, est le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance.
Ou, selon Chrysostome, il l’a MARQUE, c’est-à-dire Dieu le Père l’a établi spécialement pour donner la vie éternelle au monde: Moi, je suis venu pour que mes brebis aient la vie et qu’elles l’aient plus abondamment. Ainsi en effet, quand quelqu’un est choisi pour assumer une fonction importante, on dit qu’il est détaché en vue d’exercer cette fonction: Après cela, le Seigneur détacha encore soixante-douze autres disciples. Ou encore, il l'a MARQUE, c'est-à-dire l'a manifesté par la voix lors du baptême, et par les oeuvres, comme on l’a dit plus haut.
Ensuite, en disant: ILS LUI DIRENT DONC: "QUE FERONS-NOUS POUR TRAVAILLER AUX OEUVRES DE DIEU?", l’Evangéliste manifeste ce qu’est la nourriture spirituelle; il note d’abord la question des Juifs, puis la réponse de Jésus-Christ.


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