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Livre I – Partie 11 – La Musique du Nombre – Conclusion

Par Richard Le Menn

PHEDRE. – Je ne t’ai jamais montré, Clinias, les talents de certains des gens de ma maison. Parmi ceux qui sont venus nous chercher sur le chemin pour voir s’il s’avère nécessaire de nous porter jusqu’à chez nous, il y a quelques merveilleux musiciens. Cette jeune fille par exemple est une joueuse de flûte admirable. Celle-ci a une voix enchanteresse. C’est aussi une formidable actrice. Et celui-ci manie la lyre avec une dextérité et une sensibilité sans pareilles. Je te les ferai entendre. Ce sont de mes amis chers … Mais je vois que ceux qui nous ont rencontré en chemin et qui commencent à constituer une foule autour de nous souhaitent les écouter. Soit ! Faisons de notre retour une parade ! …

Après quelques instants, pendant que les mélopées continuent de retentir, Phèdre demande à Clinias de prolonger son discours sur les Sirènes.

PHEDRE. – Clinias, mettons nous un peu à l’écart sur la route et continuons notre discussion sur les Sirènes avec ceux qui souhaitent l’entendre.

CLINIAS. – En effet, malgré la beauté de leurs chants, il nous faut en finir avec notre discussion.

PHEDRE. – Très instructive Clinias.

CLINIAS. – Cependant Phèdre, rien de ce que je te dis n’est de moi. Tout me fut enseigné par des maîtres de chair ou de mots. Certains donc donnent les Sirènes comme étant au nombre de deux ou de trois, filles du fleuve Achéloos1 et de Terpsichore ou de Melpomène et Phorcy. On les dit aussi demeurer à l’ouest de l’île d’Empédocle2. Celles qu'affronte Ulysse dans l'Odyssée d'Homère habitent au sud d’un golfe plus au nord où s’étend une de nos colonies3. On dirait que dans l'Odyssée elles sont deux. Certains textes parlent de Sirènes se trouvant au-delà de l’Indus4. Deux héros sont connus pour avoir résisté à leurs chants : Orphée qui grâce à sa lyre produit des sons encore plus mélodieux et fait éviter à l’embarcation de l’Argo5 des récifs ; et Ulysse qui s’attache au mat de son navire et peut ainsi les entendre sans en subir les conséquences. Si elles font échouer les bateaux des marins qui s’approchent d’elles par l’attrait de leurs chants, elles inspirent aux âmes qui ont quitté ce monde, après la mort, l’amour des choses célestes et divines et l’oubli des choses mortelles. Elles remplissent de joie les âmes, les suivent et accompagnent leurs révolutions. Nous l’avons vu, l’harmonie céleste peut aussi être reproduite sur la terre dans la création de la cité qui s’inspire de la cosmologie pour établir ses règles, ses rites... Avant ses noces avec Harmonie, Cadmos assied les fondations d’une Thèbes sans murailles avec sept portes pareilles aux sept zones du ciel, aux sept sphères célestes. Dans le palais le mariage se déroule avec les dieux qui y sont conviés. Ce cortège est en l’honneur d’Amour. Aphrodite est présente. La trompette y répond à la syrinx. Avec le choeur des immortels, Apollon Isménien est venu jouant sur sa cithare à sept cordes. Les neuf Muses font entendre leurs chants ... Nombre de philosophes se sont intéressés à la Cité et aux révolutions des étoiles.

PHEDRE. - L'idée du chœur des planètes que tu as développée, est sans doute chère à Socrate, puisqu'Aristophane s'en ‘moque’ dans une de ses pièces6. Au début celui-ci y est dépeint suspendu en l'air dans une corbeille scrutant les phénomènes célestes :

« SOCRATE. - C'est que je ne serais jamais parvenu à une connaissance exacte des phénomènes célestes, sans avoir suspendu mon intelligence et confondu ma pensée, subtile qu'elle est, avec l'air de même essence. Si je restais à terre et examinais d'en bas les régions d'en haut, je ne ferais jamais aucune découverte, je dis bien aucune, car la terre attire à elle, de force, l'humidité de la pensée. C'est exactement ce qui arrive pour le cresson. »7

CLINIAS riant. – Oui, Aristophane avait une liberté de ton que n’ont plus les modernes. Mais les ornements du ciel ne sont pas les principaux. Ce sont les mouvements perçus par l'intelligence et la pensée discursive. Ceux du ciel servent de modèles. Tout doit s'harmoniser, comme l'âme et le corps. Le rythme qui s'ensuit est celui du plaisir et de la bonne santé, et non pas de la maladie qui marque un déséquilibre. Platon voit dans les plaisirs et les douleurs, les maladies les plus graves de l'âme qui mettent hors d'état d'écouter la raison qui est l'essence même du bon et du bien. Timée nous raconte la genèse du monde et son harmonie engendrée d'elle-même qui forme un chœur céleste ainsi que les autres qui en résultent, dont celle assignée à la parole, cette harmonie dont les mouvements sont apparentés aux révolutions de l'âme en nous et qui a été donnée à l'homme par les Muses. La formation du monde est aussi celle de la Parole, de la Musique et du Nombre. On sait la puissance du verbe aux temps de Socrate, et encore au notre, du raisonnement déductif, du langage persuasif..., et l'importance de la musique : dans les fêtes solennelles et privées, et dans tous les aspects de la société athénienne si nous associons à la notion de Musique celle de rythme. Ce rythme peut se comprendre par le nombre qui permet de caresser ce mystère de la création grâce aux théories dont parle Platon. L'Âme de l'univers est donc régie selon des rapports harmoniques qui sont susceptibles d'être interprétés comme une musique du monde constituée d'intervalles que l'on peut comparer avec les intervalles musicaux tels que les explique Pythagore. Il y a l'aspect visible et celui invisible mais participant au calcul et à l'harmonie. La véritable sagesse est la connaissance du Nombre. La musique permet de comprendre de façon tangible des rapports mathématiques, qui sans elle semblent plutôt théoriques.

PHEDRE. – Tes mots sont une musique.

CLINIAS. – Ces rapports je les ai appris sans vraiment les comprendre. Je vais te parler d’eux maintenant en te priant d’être indulgent à mon égard. Peut-être plus tard, après avoir écouté cela, tu pourras toi-même m’éclaircir sur ce sujet.

PHEDRE. – Je t’écoute maintenant.

CLINIAS. - Comme je te l'ai déjà dit, la musique fait partie des Mathématiques et la Poésie est incluse dans la Musique. Nous avons vu dès le début de notre discussion comment la Poésie est part de la Musique en particulier dans ses rapports avec le rythme.

PHEDRE. – En effet.

CLINIAS. – Je regrette du reste de ne pas avoir su mettre plus de forme dans ce dialogue.

PHEDRE. – Si tu m’avais parlé en vers, je t’aurais pris pour un dieu !

CLINIAS. - L’Âme du Monde est au centre du corps du Monde et s'étend à travers lui tout entier et même au delà et l'enveloppe. Elle est faite de deux natures l'une indivisible et l'autre divisible (se trouvant dans le corps de l'Univers) et d'une troisième intermédiaire : le fruit de leur mélange. Les trois on été combinées et harmonisées en une forme unique. De ce mélange, une portion a été séparée. Puis on a pris une deuxième portion double de la précédente, une troisième égale à une fois et demie la seconde et à trois fois la première, une quatrième double de la seconde, une cinquième triple de la troisième, une sixième égale à huit fois la première et une septième égale à 27 fois la première (les rapports sont donc : 1, 2, 3, 4, 9, 8, 27). Dans chaque intervalle il y a deux médiétés. La première surpasse les extrêmes ou est surpassée par eux d'une même fraction de chacun d'eux. La seconde surpasse les extrêmes d'une quantité égale à celle dont elle est elle-même surpassée. De ces relations naissent dans les intervalles, des intervalles nouveaux de un plus un demi, un plus un tiers, un plus un huitième (1+1/2= 3/2; 1+1/3=4/3; 1+1/8=9/8).

PHEDRE. - Ceci rejoint l'expérience des enclumes de Phythagore n’est-ce-pas ?

CLINIAS. – En effet Phèdre. Peux-tu me la remémorer ?

PHEDRE. – Oui et dis-moi si je me trompe. Alors que Pythagore se promène en réfléchissant comment il lui serait possible d'imaginer pour l'oreille une aide semblable à celle que possède la vue avec le compas ou la règle, le toucher avec les balances ou les mesures, il passe devant l'atelier d'un forgeron. Là il entend très distinctement des marteaux de fer frappant l'enclume en donnant des sons consonants entre eux, à l'exception d'un seul couple. Rempli de joie il entre dans l'atelier. En faisant différentes expériences il se rend compte que c'est la différence de poids qui crée la différence de son et non l'effort des forgerons ou la force des marteaux. Il relève avec soin le poids des marteaux et leur force impulsive. Chez lui il fixe à un angle de la muraille un clou unique (afin d'éviter que deux différents ayant chacun leur matière propre ne fausse l'expérience). Il y suspend quatre cordes semblables par la substance, le nombre des fils, la grosseur, la torsion et la longueur. Il fait supporter à chacun un poids qu'il fixe à l'extrémité inférieure. Frappant ensemble les cordes deux à deux, il y reconnaît les consonances qu'il cherche et qui varient avec chaque couple de cordes.

CLINIAS. - Avec deux poids de 12 et de 6, il obtient l'octave (diapason), et établit que l'octave est donc dans le rapport 2/1. Avec 12 et 8 il obtient la quinte (diapente) selon le rapport 3/2 ; avec 12 et 9 la quarte (diatessarôn) dans le rapport 4/3 ; et avec 9 et 8 il reconnaît l'intervalle d'un ton donc 9/8. Il définit ainsi l'octave comme la réunion de la quinte et de la quarte, soit : 2/1 = 3/2 x 4/3 ; et le ton la différence entre elles : soit 9/8 = 3/2 x 3/4. Pythagore ne se contente pas de cette expérience ; il vérifie la méthode par un autre procédé. Tendant une corde sur une règle, il divise celle-ci en douze parties. Frappant d'abord la corde entière, puis à la moitié de sa longueur, soit six parties, il trouve que la corde entière sonne l'octave avec la demi-corde, résultat que par les autres précédents procédés il a reconnu provenir du rapport double. Aux ¾ il trouve la quarte, aux 2/3 la quinte, et ainsi des autres. Puis après avoir vérifié ces faits de beaucoup d'autres manières, il trouve que les mêmes rapports de consonance résident dans les nombres précités. De l'infinité d'intervalles qui peuvent diviser les sons, il n'y en a qu'un très petit nombre qui servent à former des accords, six en tout : l'épitrite, l'hémiole, les rapports double, triple, quadruple et l'épogdoade. L'épitrite exprime la raison de deux quantités dont la plus grande contient la plus petite une fois, plus son tiers, ou qui sont entre elles comme quatre est à trois. Il s’ensuit la consonance nommée diatessaron. L'hémiole a le même rapport que deux quantités dont la plus grande renferme la plus petite une fois, et sa moitié en sus. Telle est la raison de trois à deux. C'est de ce rapport que naît la consonance appelée diapentès. La raison double est celle de deux quantités dont l'une contient l'autre deux fois, ou qui sont entre elles comme quatre est à deux. On lui doit l'intervalle nommé diapason. La raison triple est le rapport de deux quantités dont la plus grande renferme l'autre trois fois juste, ou qui sont l'une à l'autre comme trois est à un. C'est suivant cette raison que procède la consonance appelée diapason et diapentès. La raison quadruple a lieu lorsque de deux grandeurs, l'une contient l'autre quatre fois juste, ou lorsqu'elles sont entre elles comme quatre est à un. Cette raison donne le double diapason. L'épogdoade est le rapport de deux quantités dont la plus grande contient la plus petite une fois, plus son huitième. Telle est la raison de neuf à huit. C'est cet intervalle que les musiciens désignent sous le nom de ton. Les anciens utilisent un son plus faible que le ton qu'ils appellent demi-ton mais qui ne peut pas être un demi-ton, de même qu'il n'existe pas de demi-voyelle. De plus le ton n'est pas de nature à être divisé en deux parties égales, puisqu'il a pour base 9, dont les deux moitiés ne peuvent être deux entiers. Donc le ton ne peut donner deux demi-tons. Ce son, nommé donc autrefois demi-ton, est au ton comme 243 est à 256. C'est le diésis des premiers pythagoriciens.

PHEDRE. C'est-à-dire ?

CLINIAS. - On appelle diésis un son qui est au-dessous du demi-ton. Et ce dernier, Platon le nomme limma. Il y a donc cinq consonances musicales: ‘le diatessaron’, ‘le diapentès’, ‘le diapason’, ‘le diapason et le diapentès’, et ‘le double diapason’. ‘Le diatessaron’ consiste en deux tons et un demi-ton (pour éviter les difficultés, les tiers et les quarts de ton sont laissés de côté). ‘Le diapentès’ se compose de trois tons et un demi-ton. Il résulte de l'hémiole. ‘Le diapason’ à six tons est né du rapport double. ‘Le diapason et le diapentès’ est formé de neuf tons et d'un demi-ton. On le doit à la raison triple. ‘Le double diapason’ qui renferme douze tons est le résultat de la raison quadruple. C'est à ce nombre, ces cinq consonances musicales que se bornent les intervalles que peut parcourir la voix de l'homme, et que son oreille peut saisir. Mais l'harmonie céleste va bien au-delà de cette portée, puisqu'elle donne quatre fois le diapason et le diapentès. Si tu le souhaites Phèdre, je vais en revenir à la Musique du Monde.

PHEDRE. – Tu feras très bien Clinias.

CLINIAS. – Nous avons vu que du mélange des trois natures de l’Univers une forme unique a été créée elle-même ensuite divisée selon les rapports 1, 2, 3, 4, 9, 8, 27. Dans les intervalles, des intervalles nouveaux de un plus un demi, un plus un tiers, un plus un huitième (1+1/2= 3/2; 1+1/3=4/3; 1+1/8=9/8) sont établis. Tous les intervalles de un plus un tiers sont comblés à l'aide de l'intervalle de un plus un huitième. De chacun d'eux subsiste une fraction telle que l'intervalle restant est défini par le rapport du nombre deux cent cinquante-six au nombre deux cent quarante-trois. Toute la composition est coupée en deux dans le sens de la longueur. Les deux moitiés sont croisées l'une sur l'autre, en faisant coïncider leurs milieux, comme un Chi, et courbées pour se joindre en cercle, les extrémités de chacune étant unies au point opposé à leur intersection. Elles sont enveloppées du mouvement uniforme qui tourne dans le même lieu. L'un des cercles est extérieur et désigné comme étant le mouvement de la substance du Même, et l'autre intérieur celui de la substance de l'Autre. Le mouvement du Même est orienté suivant le côté d'un parallélogramme, de la gauche vers la droite, et celui de l'Autre suivant la diagonale, de la droite vers la gauche. La prééminence est donnée à la révolution du Même et du semblable car elle est la seule tolérée sans division. La révolution intérieure par contre est divisée en six fois pour faire sept cercles inégaux, suivant les intervalles doubles et suivant les intervalles triples, chacun à chacun, de telle façon qu'il y en ait trois de chaque sorte. Ces cercles vont en sens contraire les uns des autres, trois avec la même vitesse, les quatre autres avec des vitesses différentes, tant entre eux qu'avec les trois premières, mais toujours selon des rapports réguliers. Ce n'est qu'après que l'Âme du Monde soit formée que tout ce qui est corporel y est étendu. Ainsi naissent, d'une part le corps visible du Ciel, et de l'autre, invisible mais participant au calcul et à l'harmonie : l'Âme la plus belle des réalités engendrées. En même temps que le Ciel, est formé le Temps qui vient parfaire cette image du modèle. Celui-ci est lui-même une imitation mobile de l'éternité immobile, celui-ci progressant en cercle suivant la loi du Nombre. Le Soleil, la Lune et les cinq autres astres sont nés pour définir les nombres du Temps et en assurer la conservation. Ceux-ci sont placés dans les sept cercles que décrit la substance de l'Autre. Cette révolution peut être comparée à celle des mêmes planètes décrite par Platon, où les Sirènes, comme il est dit, symbolisent les sons faits en se mouvant, quand ce ne sont pas les Muses dont la réalité est moins « brute » et associées avant tout à une harmonie sociale. Comme je l’ai déjà dit, il semble qu'auparavant on considère les Muses comme des Nymphes, elles-mêmes souvent associées aux cavités représentant le cratère dans lequel se fait le mélange de l'eau et du vin et duquel jaillit la source d'une création tempérée ou au contraire qui surpasse l'être en soi8.

CONCLUSION

CLINIAS. - Mais nous voilà arrivés. Athènes la douce s’étend le long de notre regard.

PHEDRE. – J’ai voyagé si loin avec toi Clinias et les autres de nos amis qu’il me semble découvrir notre cité comme le ferait un étranger. J’ai l’impression d’avoir été accueilli dans la demeure des dieux, avoir partagé avec eux l’ambroisie, être allé aux confins de l’univers, avoir traversé le pays des mages. Combien de vies ont processionné devant moi, combien de mondes ?

CLINIAS amusé. – N’en connais-tu pas le nombre ?

PHEDRE. – En vérité toujours pas. Ce serait présomptueux de ma part de dire le contraire. Je ne suis qu’un poète qui aime ce qui est beau et ce qui est bon, un maître de théâtre et d’illusions.

CLINIAS. – Nous avons touché du doigt l’endroit où réalité et illusion se rejoignent. Je connais une personne qui chaque fois que quelque chose l’étonne lance en riant : « Le monde est grand !». Il l’est en effet, et tout y est possible. Faisons en sorte que cela soit toujours le meilleur qui jalonne notre route de pétales de roses ... Tu vois cette fontaine, elle ne contient que de l’eau. Certains disent y avoir rencontré une divinité. Un jour j’y ai vu une nymphe de chair et d’os. C’était une femme étrangère qui venait s’y désaltérer et dont j’ai fait mon amie. Pour nous deux qui sommes assis dessus, elle est un espace rafraîchissant dans lequel nos âmes se rencontrent. Phèdre, pour moi ce moment est important. Je ne sais rien de tout ce que je t’ai dit. Je l’ai dit pourtant et nous y avons trouvé du plaisir. Athènes qui s’étend là à nos pieds est l’endroit où nous sommes nés. Que dire d’autre ? Il est certain que l’intelligence ne se loge pas dans la force destructrice, ni dans la dureté. Elle ne revêt jamais le manteau de la souffrance ou de la peur. Elle ne juge pas mais discerne chaque chose. Elle ne connaît ni la défaite, ni la guerre, pas même le besoin. Elle possède toutes les qualités : de la douceur, de la finesse, de la tendresse, de la joie, du plaisir, de la richesse…

PHEDRE. – Vas-tu énumérer toutes les bontés du monde ! Je sais que l’intelligence ne peut s’acquérir, ni s’apprendre, qu’elle se manifeste dans tout ce qui est beau et bon comme dans de purs dialogues. L’intelligence n’éclot pas lentement. Elle ne connaît que l’égalité, la liberté et le bonheur… Par Héra, si l’on savait ce que je vois en ce moment !

CLINIAS. – Ne vois-tu pas ce qu’il y a autour de nous ?

PHEDRE. – Je vois mon esprit en paix !... Allons maintenant. Et que la sagesse nous guide.

CLINIAS. - Allons nous reposer chez nous. N’avons-nous pas refait le monde ? Sans doute cette foule n’acceptera pas volontiers qu’il faille maintenant nous quitter. Je donnerai dans quelques jours une fête ou vous serez tous conviés. Cela se passera au théâtre.

PHEDRE. – Quant à moi, je vous laisse pour la nuit mes musiciens pour que vous continuiez à vous amuser ! Clinias, quel nectar distillé par ta bouche jusqu’à mon cœur ! Je suis encore ivre du vin et de tes paroles. Ce que nous avons fait me remplit de joie. Et la suite n’est présage que de félicité ! Je m’en vais maintenant m’occuper de mes affaires. J’ai en ma maison tellement de gents gens et de belles choses ! J’ai envie de partager mon bonheur avec les autres que j’aime et qui sont eux aussi mon enchantement. Il n’est pas question pour moi de me reposer, si ce n’est dans les bras de l’Amour ! Tu connais ma richesse. Ma famille est ancienne. Socrate même foula de ses pieds nus la demeure qui aujourd’hui m’appartient. Malgré cela, je sais que ma maison n’est pas assez bien pour toi. Je me permets cependant de t’y inviter le plus vite possible. Nous sommes des amis d’enfance, et je veux t’y voir plus souvent ! Quel merveilleux moment j’ai passé en ta compagnie Clinias.

CLINIAS. – Moi aussi Phèdre ... Si j’avais eu plus d’esprit et plus d’art, cette relation t’aurait été plus agréable. Mais pour le moment, c’est ainsi que se termine ce banquet.

« Αΰτη τοΰ τότε συμποσίου κατάλυσίς έγένετσ » 9C'est ainsi que se termina ce banquet », Xénophon, Banquet, IX, 7.

NOTES

1 Fleuve né dans le Pinde et se jetant dans la mer Ionienne. Il fait 220 km. Dans la mythologie grecque, le dieu-fleuve Achéloos passe pour être l'aîné de ses trois mille semblables. Il se transforme en taureau pour combattre celui-ci. Vaincu, une de ses cornes est arrachée par Heraclès. Garnie par les Nymphes, elle est la corne d’abondance. 2 La Sicile. 3 Golfe de Naples, dans l'actuelle Sorrente, où il semble que durant l'Antiquité, au bout de la presqu'île, se trouve un temple qui leur est dédié, et qu'au sud de celle-ci, trois rochers portent le nom d'îles Sirénuses. 4 En Inde. 5 Bateau avec lequel les Argonautes vont conquérir la toison d’or. 6 Les Nuées. 7 Aristophane, Les Nuées. 8 Cette correspondance entre les Muses, les éléments, les astres, la gamme musicale, fait écho bien au delà de l'Antiquité. Dans Expliquer l'Harmonie?, Jacques Chaillet reproduit plusieurs illustrations, dont certaines du XVIIe siècle qui le soulignent. 9 « C'est ainsi que se termina ce banquet », Xénophon, Banquet, IX, 7. Par La Mesure de l'Excellence
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