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La Présidence nous parle de l'Interweb

Publié le 24 août 2009 par H16

Cela faisait longtemps que, du haut de son sérail, la Présidence n'avait plus entretenu le bon peuple sur ce qu'il faut penser en matière de technologies de communication. Cette attente a pris fin vendredi dernier, grâce à la plume brillante et lumineuse du Conseiller en Communication de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, qui nous fait l'honneur de sa fulgurante pensée dans un article d'opinion du Monde. Vite vite, une petite bière, quelques chips, et lisons ceci avec attention : ce n'est pas tous les jours que la Présidence nous parle de l'Interweb.

C'est donc dans un court article du Monde que Franck nous oint de sa bonne parole.

Et pour cela, il procède en deux temps, comme on le lui a appris à l'école de communication : le premier temps consiste à endormir la victime dégrossir le sujet en présentant un rappel historique.

Pour le coup, Franck a choisi de nous parler de Twitter, des élections américaine et de l'obamania qui l'a sous-tendue, de la révolution iranienne et du merveilleux élan de démocratie directe avec des touittes partout, et aussi un peu, du danger qui menace cette merveilleuse liberté de parole lorsque l'état tente de s'emparer de la technique pour censurer.

Jusque là, le message passe à peu près si ce n'était le tourbillon syntaxique confus et les tournures bizarres dans lequel le conseiller en communication nous emmène. D'un autre côté, ce n'est pas lui qui écrit les discours de la Présidence, et il faut admettre qu'on est, du coup, un peu rassuré. Mais on s'inquiète à l'imaginer décrire ses projets de grand communiquant par de vastes moulinets oratoires et des phrases biscornues devant un président extérieurement enthousiaste et intérieurement perplexe. Des guerres ont certainement été déclenchées sur des malentendus, et il serait dommage qu'un conflit le soit parce que Franck aura voulu trouver tout plein d'axes à la démocratie réelle, institutionnelle, participative et joyeuse dans une tournure malheureuse.

Mais baste, passons : se bornant à constater vaporeusement des évidences, il ne retient pour le moment pas vraiment l'attention.

C'est là que les bactéries attaquent.

Car le second temps, lui, est plus sournois. Sa Grande Communiquance nous entretient ensuite du buzz, du ouèbdeuzéro et de touiteur qui permet de mettre tout cela en marche, et de repousser les limites de la censure étatique dont il nous dit que la technique permet de s'affranchir. Ici, on passera pudiquement sur la confusion crasse qui lie le ouebdeuzéro avec le reste de ses élucubrations... Un peu comme si l'arrivée des téléphones DECT avait profondément modifié le contenu des conversations. Et, dans un mouvement assez souple mais qui a dû, très probablement, lui froisser quelques muscles, il introduit une idée terrifiante :

Ce qui menace Twitter, c'est moins la censure que la contrefaçon, la copie, en somme, le faux.

Et oui tiens sapredieu, si les gens qui faisait des blogs, des twitts et des sites avec du ouebdeuzéro un peu partout n'étaient pas vraiment ce qu'ils prétendent être ? Et si le témoignage de certains était - j'ose le mot - bidonné ?

Stupeur !

Et donc, tel un ninja furtif et surentraîné qui se serait pris les pieds dans le tapis et aurait fait s'affaler le vaisselier en s'y raccrochant maladroitement, Franck nous pose une question qui, sur ce blog, nous taraude depuis quelques temps déjà : comment s'assurer que la source des informations est fiable ? Et pour tarauder, ça taraude sec, quand on voit la qualité générale de la presse actuelle, depuis un Figaro qui a largement gagné son prix Organe Officiel de l'Elysée, jusqu'à Libé dont les pignouferies font les petits billets d'ici-bas, en passant par d'autres dont le style vague se dispute au contenu rédactionnel approximatif.

En bref : point n'est besoin d'évoquer les touites, les ouebs, les fassebouk et autres technologies pour trouver du bidon et de l'information frelatée. Ouvrir un canard moyen, en France, suffit amplement à se faire une idée du désastre.

Mais le ninja, non content d'avoir ruiné le service 12 pièces de grand-mère et le buffet 2 corps de papy, se met ensuite à - furtivement, toujours - chier sur la moquette !

Et si c'est grâce aux actualités américaine et iranienne que nous sommes sensibilisés au potentiel démocratique de ces nouveaux médias, c'est bien la France qui est à l'avant-garde. Plus que tout autre débat sur la planète, c'est le cas Hadopi qui pose aujourd'hui les questions auxquelles nos sociétés devront répondre demain sur le terrain de la démocratie.

Oh !
La Présidence nous parle de l'Interweb
Un ninja-communiquant-furtif, ça ressemble à ça.
Par un extraordinaire mouvement rotatoire dit du "contre coup de pied-rotatif en low-kick avec écrasement des disques cervicaux", il nous sort un petit Hadopi des familles qu'on n'avait pas du tout vu venir depuis les méandres marécageux des paragraphes 1 à 6.

Il n'y a pas à dire : ils sont très très forts, les Communiquants de l'Elysée. On est dans le l33t haxxor de la communication furtive. Parce qu'ensuite, on ne remarque pas du tout que Franck Louvrier nous sert un abominable pot-pourri de tout et de n'importe quoi. Non seulement, il y a du caca dans le salon, mais en plus notre homme s'est mis fiévreusement à faire un château-fort et des remparts avec :

Sur le pouvoir multiplicateur d'Internet, il en est de même pour la viralité des contenus sur Twitter que pour la circulation des oeuvres musicales : les mécanismes de la censure sont incomplets.

Ah oui pardi, je n'y avais pas pensé : faire du twitt et copier un flim sur le cyclimse, c'est kif kif. On regrette qu'il ne soit pas allé plus loin, par exemple "Chaque fois que vous twittez, Dieu tue un châton". Et c'est d'ailleurs ce que notre ami communiquant se charge bien vite de faire dans un dernier paragraphe flamboyant, véritable feux d'artifice d'excréments odorants qui viendront consteller les murs du salon dans un festival pyrotechnique de marrons fumants:

Reconnaître le caractère inaliénable d'un témoignage personnel, tel est le sens profond de la réflexion en cours dans Hadopi, qui rayonne bien au-delà de l'industrie du disque, jusqu'au sens de notre vie en commun dans une démocratie.

En somme, et si on lit entre les petites lignes, HADOPI permet la démocratie en s'assurant qu'un témoignage personnel n'est pas bidonné.

Si c'était une arme basée sur la bêtise, elle est d'ampleur thermonucléaire...

Imaginer une seule seconde qu'HADOPI, élément crassouille qui instaure la censure, renverse la charge de la preuve, patauge dans l'approximation technique et juridique, va permettre un gain de démocratie, c'est prendre le lecteur pour un bulot. Ce qui, du reste, n'est pas totalement surprenant lorsque les Communiquants de la Présidence s'expriment.

Le salon est totalement ruiné, il y a des petits bouts d'étron un peu partout, et notre ninja, au milieu d'une pile de vaisselle cassée et des planches brisées du buffet, s'ébroue joyeusement dans la merde, sourire béat aux lèvres, en criant "HADOPI !", "HADOPI !", "HADOPI !" ...

Le constat est sans appel. Ce texte est l'exemple type de ce qu'il ne faut pas faire, une démonstration magistrale d'une incompréhension complète du sujet enfouie dans un déluge de concepts bancals. Cette "opinion" ne permettra, tout au plus, que de dire, avec force, le regard tourné vers l'horizon et le torse bombé de la fierté retrouvée d'être Français sous cette belle Présidence : Yes, Franck Louvrier, You suck at teh Interweb !


Note : je découvre que Maître Eolas a déjà écrit un billet au même sujet.


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