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Du Léopard au Rafale : l’échec de l’Europe de la défense ?

Publié le 27 mai 2009 par Infoguerre

Alors que le Rafale, actuellement victime d’un imbroglio en Inde, est toujours en proie à de grandes difficultés à l’export, la question de la défense européenne se pose avec une acuité renouvelée. S’il est un concept qui est en vogue à ce sujet c’est bien celui de souveraineté.

Relancés par l’échec du référendum sur la Constitution Européenne de 2005 puis à nouveau par les retentissantes affaires financières de l’année dernière, les concepts de souveraineté et de spécificité des Etats connaissent actuellement une grande vogue en Europe.

Aussi il nous appartient de nous intéresser à ce renouveau et à ce qu’il signifie dans le cadre actuel de l’Union Européenne. Si nous acceptons l’idée que depuis son début l’essence même de la construction européenne fut de se rapprocher autant que faire se peut de la constitution d’une entité supranationale, force est de constater qu’aujourd’hui nous sommes dans une impasse.

En effet si l’on considère que la puissance régalienne peut se subdiviser en trois entités constitutives : la monnaie, le droit et la force armée ; ou plus explicitement le contrôle des échanges, la production de normes et la capacité de défense, alors l’UE a aujourd’hui en partie achevé le transfert de deux de ces aspects au niveau communautaire. Ainsi le droit européen créé et mis en forme par les institutions communautaires prend aujourd’hui le pas sur les droits des Etats membres. De plus l’Euro, malgré les critiques dont il est régulièrement l’objet, est la première monnaie supranationale du continent et représente l’aboutissement des processus entamés depuis plus de 15 ans.

Toutefois et c’est là pour l’instant l’échec majeur de l’Europe, un de ceux qui constituent un frein majeur au développement de l’Union : l’incapacité à créer des structures de défense communautaires et de se doter d’une cohérence matérielle au niveau de ses armées est une réalité de l’UE. Certes depuis Maastricht et plus récemment avec la définition de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD), l’Europe tente d’afficher un front uni en matière de défense. Néanmoins force est de constater que lorsqu’une question majeure de sécurité se pose, comme la décision de soutenir ou non l’intervention américaine en Irak, les Européens n’arrivent pas à s’accorder, voire se déchirent. Et ce d’autant plus que le seul organe européen de défense, l’UEO créé en 1954, a été totalement absorbé par l’OTAN.

Cet état de fait est dû non seulement à une forte volonté des Etats de conserver jalousement ce dernier pan de puissance régalienne, mais aussi aux stratégies d’entrisme de certaines puissances extra-européennes, au premier rang desquelles les USA. En effet certains sont particulièrement intéressés à ce que le transfert ultime de souveraineté ne soit jamais complètement réalisé pour continuer à bénéficier d’un puissant champ d’influence. Ainsi le levier « défense » est particulièrement utilisé par les Américains pour fragmenter une Europe qui a déjà beaucoup de mal à s’entendre sur ce délicat sujet. Il est par exemple notable que les avions de combats les plus répandus au sein des pays de l’UE sont les F16 de Lockheed Martin (Belgique, Danemark, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal).

Depuis l’échec de la CED en 1954 et l’échec du char européen au début des années 60, le développement de matériels communs semble bloqué. Aujourd’hui l’heure est plus aux initiatives bi ou trilatérales qu’à une réelle volonté de standardisation. L’initiative la plus développée actuellement est l’Eurofighter d’EADS qui regroupe Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni, mais celui-ci se heurte à la concurrence des Français (Rafale Dassault) et Suédois (Gripen JAS). Car c’est ainsi que l’Europe s’handicape elle-même, chacun voulant développer son matériel, comme l’Allemagne l’avait fait avec le char Léopard dans les années 60, l’intégration de l’Europe de la défense prend du retard. Non seulement les matériels coutent plus cher, tant au niveau du développement qu’à celui de l’achat, mais aussi les Européens s’entre-déchirent-ils pour la conquête de marchés extérieurs, laissant le champ libre aux autres puissances.

De plus les rapprochements diplomatiques souvent induits par l’achat de matériel militaire ne pourraient que représenter un bénéfice pour l’Europe. Quand on voit comment les pays équipés « américain » (Espagne, Italie, Pologne) ont défendu les USA lors de l’intervention en Irak en 2003, on se dit qu’une indépendance de l’Europe en ce sens est plus qu’urgente. Quant on voit les échecs répétés à l’export du char Leclerc et du Rafale, on se rend compte qu’aujourd’hui l’égoïsme en la matière n’est plus possible, à moins de vouloir définitivement saborder le savoir-faire européen en matière de défense.

Nicolas Mazzucchi


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LES COMMENTAIRES (2)

Par Robert Schweizer
posté le 28 février à 22:08
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Il faut bien reconnaître que la France veut toujours jouer cavalier seul : Elle n'a pas voulu participer au programme Leopard II ni au programme Eurofighter. Elle a toujours voulu soigner son indépendance et favoriser ses industriels. Il faut maintenant qu'elle tire les conséquences de ses décisions et qu'elle continue avec son matériel euro-incompatible, mais pas inférieur.

Par Robert Schweizer
posté le 28 février à 22:00
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Il faut bien reconnaître que la France veut toujours jouer cavalier seul : Elle n'a pas voulu participer au programme Leopard II ni au programme Eurofighter. Elle a toujours voulu soigner son indépendance et favoriser ses industriels. Il faut maintenant qu'elle tire les conséquences de ses décisions et qu'elle continue avec son matériel euro-incompatible, mais pas inférieur.

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