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121ème semaine de Sarkofrance: Sarko n'a pas changé

Publié le 29 août 2009 par Juan

121ème semaine de Sarkofrance: Sarko n'a pas changé

Le président était de retour, cette semaine, pour deux petits jours de travail et de discours. Jeudi, il était déjà reparti au Cap Nègre pour 4 jours de week-end supplémentaire.
Lors du premier conseil des ministres de cette rentrée, mardi matin, Nicolas Sarkozy a demandé à ses ministres d'afficher leur détermination. Lutte contre la crise et poursuite des "réformes" sont les deux mots d'ordre du moment. Face à la crise, Sarkozy ne lutte pas, il communique. Quant aux réformes, elles sont motivées par l'intérêt particulier du Monarque: sa réélection de 2012. Sarkozy est à mi-mandat. L'échéance s'approche. Et le spectacle, imprévu, d'une opposition partiellement requinquée au sortir de l'été, démontre que rien n'est gagné d'avance.
L'imposture bancaire
Premier acte, tacler les banques. On en viendrait à plaindre les dirigeants de BNP-Paribas. Héros involontaires de l'actualité estivale, ils ont repris leurs habits de bouc-émissaires pour une séance de sermons à l'Elysée mardi. Depuis un an, la Sarkofrance a choisi cette diversion. Depuis un an, les progrès ont été maigres, et toujours obtenus sous la contrainte d'une polémique passagère. Cette fois-ci, Sarkozy crie victoire, négligeant de préciser qu'il a pompé ses idées sur les recommandations de l'autorité boursière britannique publiées voici 15 jours : étalement du versement des bonus sur 3 ans, annulation des bonus en cas de pertes ultérieures dans la période, contrôle des 100 plus fortes rémunérations par un mandataire (en l'occurence, Michel Camdessus, ancien patron du FMI). Au G20, Sarkozy promet même de parler taxation internationale et plafonnement. Un vrai toilettage qui peut même s'avérer dangereux: : les traders resteront motivés à prendre des risques de plus en plus grands pour assurer le versement complet du solde de bonus de l'année précédente. Les banques s'en tirent bien.
L'imposture médiatico-bancaire continue. Sarkozy, comme les dirigeants du G20, est pris en tenaille entre deux impératifs contradictoires: faire patienter son opinion publique, outrée par les excès de quelques-uns, et préserver la "compétitivité" de notre place boursière. Le Monarque est contraint de sur-jouer sa détermination et les progrès accomplis plutôt que d'avouer son impuissance évidente. Il aurait pu saisir son docile gouvernement, faire voter une loi par le Parlement contre cette insécurité boursière persistante... Que nenni !
Grand Emprunt, fausse démocratie
Mercredi, Nicolas Sarkozy installait la fameuse commission chargée de définir, en deux mois, aux priorités du futur "Grand Emprunt". Cette affaire est un déni de démocratie. Une commission d'experts, sans aucun élu à l'exception des deux coprésidents Rocard et Juppé, va réfléchir et proposer d'engager l'argent des contribuables sur des sommes qu'on imagine faramineuses, puis le Monarque disposera. Quelle est la perméabilité aux lobbies de ces 20 experts ? Les finances publiques vont mal. Curieusement, Nicolas Sarkozy ne fixe aucune limite au montant de l'emprunt national: il "dépendra des besoins que vous allez identifier et de la capacité d'endettement que nous aurons". La commission Juppé-Rocard a deux mois pour livrer ses conclusions, deux mois pour établir la plus belle liste de Noël que la France ait connu depuis la Libération ! Cette démarche fusille deux ans de communication gouvernementale sur la réduction des dépenses publiques, déjà mise à mal par le "plan de relance" de novembre 2008.
L'obstination sarkozyenne à maintenir en l'état ses cadeaux fiscaux de l'été 2007, comme la défiscalisation des heures supplémentaires, l'abaissement du bouclier fiscal, ou les larges exonérations de droits de succession, et la crise ont eu raison des ambitions de rigueur budgétaire. En 2009, la dette publique française devrait dépasser les 1 400 milliards, et le déficit budgétaire les 130 milliards, un triplement en l'espace de 12 mois.
Mais ne changeons rien ! Jeudi, le quotidien La Tribune révélait que la droite avait renoncé à toiletter les niches fiscales cette année. Cet été, deux députés UMP, Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez avaient avancé l'idée de remettre à plat les niches fiscales. L'annonce était opportunément tombée en pleine polémique sur les bonus provisionnés de BNP Paribas et l'annonce du triplement du déficit budgétaire. L'habile contre-feu a donc rapidement fait long feu. "Avec le débat sur la taxe carbone, il fallait éviter de prêter le flanc à la critique d'une droite alourdissant la fiscalité" a justifié Pierre Méhaignerie... La fiscalité risque effectivement de s'alourdir pour les ménages français. Christine Lagarde a recommandé de fixer à 15 euros la tonne le montant de la taxe carbone, soit une petite augmentation de 4 centimes par litre d'essence. Une décision qui ne sert à rien la cause environnementale et pèsera quand même sur le budget des ménages...
Plus tristement, le chômage est reparti à la hausse en juillet. Le nombre total de demandeurs d'emplois s'élève à 3.668.100, en progression de 25% sur un an, et de 33 000 sur le seul mois de juillet. Christine Lagarde promet la publication de treize fiches pratiques pour aider les chômeurs dans leurs démarches. Et Laurent Wauquiez, son secrétaire d'Etat à l'Emploi, sort 1,6 milliards d'euros de budget supplémentaire pour financer de nouvelles exonérations de charges sociales (pour les TPE), et d'autres autres mesures d'aide. Il a promis également de relever à 1000 heures par an le plafond autorisé de chômage partiel dès septembre. Laisser l'inactivité dans les entreprises est la nouvelle recette du gouvernement. Les agents du pôle emploi redoutent l'engorgement. Moins de 2000 renforts arrivent dans leurs agences, quand les nouveaux recalés de l'emploi se chiffrent en centaines de milliers. La fusion ANPE-ASSEDIC, très certainement une bonne mesure en soi, a été réalisée dans la précipitation en janvier dernier.
Le discours aux ambassadeurs
Mercredi après midi, avant de repartir en week-end, Nicolas Sarkozy recevait les ambassadeurs français, pour son traditionnel discours de politique étrangère: Iran, crise mondiale, réchauffement climatique, les grands sujets du moments ont tous été évoqués. Sarkozy a surtout donné des leçons de moralité et de responsabilité tous azimuts. A ses homologues du G20, il pose un ultimatum: reprenant à nouveau à son compte, sans le dire, les propositions anglaises d'étalement des bonus sur trois ans, il toilette un système vicié et crie à l'exemplarité française. Plus tard, il traite les dirigeants iraniens de menteurs, quelques jours après avoir évité une catastrophe humanitaire avec la détention de Clotilde Reiss. La violence de certains mots frise l'irresponsabilité diplomatique. Barack Obama a choisit de prendre à revers le régime iranien, en lui tendant la main. Sarkozy n'a rien compris, et joue au taurillon. Qui a oublié ses embrassades à répétition avec tous les dictateurs "utiles" de la planète ? La "real-politik" est un fait. Il n'est pas question de se fâcher avec tout le monde, juste de tenir un peu son rang et la crédibilité française sur la scène internationale. Quelle légitimité Sarkozy a-t-il encore à fustiger l'Iran, à crier à la guerre contre "la barbarie" en Afghanistan quand il embrasse aussi facilement la Chine ou la Syrie ?
Comble du narcissisme, il réécrit aussi complètement l'histoire et s'érige en sauveur du monde: la crise aurait démarré à cause des excès de la finance mondiale ? C'est faux; en France, comme ailleurs, la situation de l'emploi a commencé à se dégrader dès avril 2008, avec la chute du marché de l'intérim et l'envolée des prix de l'énergie depuis 2001 devait bloquer tout ou tard la croissance mondiale. Grâce à Sarkozy, les dirigeants du monde se seraient concertés, les paradis fiscaux auraient disparu, la catastrophe aurait été évité: "dès le 23 septembre 2008, à la tribune des Nations Unies, au nom de l’Europe, j’ai proposé la tenue d’un sommet des principaux dirigeants mondiaux. Cinq semaines plus tard, c’était le sommet de Washington ; cinq mois plus tard, c’était le sommet de Londres ; et fin septembre, ce sera Pittsburgh." Pourtant, qui a oublié l'attentisme français des premières semaines ? Le 15 septembre, Sarkozy est resté tétanisé, paralysé tel un lapin les yeux pris dans les phares d'une voiture en pleine nuit. Qui a oublié son visage crispé au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, quand, pressé par des journalistes de réagir à l'effondrement en cascade des bourses du monde, il prétextait "une petite nuit", tout occupé qu'il était à "faire libérer" deux otages français pour pouvoir répondre ? Dix longs jours plus tard, la première réaction sarkozyenne ne fut pas un appel à la concertation. A Toulon, Sarkozy imita simplement ses collègues étrangers en promettant la garantie de l'Etat aux banques et épargnants français.
Mercredi devant les ambassadeurs, Sarkozy a donc fait son one-man-show où il a pu réécrire l'histoire, exagérer son importance, mettre en scène sa détermination.
La veille, Ted Kennedy est mort. L'Elysée n'a publié aucun communiqué. En revanche, Kadhafi aura l'honneur d'une représentation française pour le 40ème anniversaire de sa dictature en Libye. Les symboles ont la vie dure en Sarkofrance.
Rien n'a changé, tout continue.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?

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