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Apocalypse now

Publié le 03 septembre 2009 par Eric Viennot
Stalker Alors que Take 2, éditeur du best seller mondial GTA, vient d’annoncer de lourdes pertes, l’information est presque passée inaperçue. Il faut dire que l’été a été riche, si l’on peut dire, de communiqués du même acabit : Ubisoft plombé par la crise, Konami en plein marasme, Sony dans le rouge, EA continue de s’enfoncer, les ventes de consoles en chute libre… Une véritable hécatombe qui ne laisse plus aucun doute : le marché du jeu vidéo est à son tour rattrapé par la crise. Les mirages ont une durée de vie limitée...
Les médias, c’est certain, ont des effets grossissants. Autant ils ont minimisé pendant des mois l’impact réel de la crise sur notre secteur (sans doute nourris par un travail de persuasion au corps à corps des éditeurs afin de reculer au maximum les annonces difficiles pour la motivation des troupes et l’appui des milieux financiers) autant ils ont sans doute accentué le catastrophisme ambiant. Pourtant, la crise est bien réelle. Le communiqué de Nintendo annonçant une baisse de ses ventes de plus de 40% pour son premier trimestre a sans doute achevé de convaincre les plus sceptiques. Habitué à surfer depuis 3 ans sur des chiffres de ventes phénoménaux, le géant japonais montre pour la première fois depuis longtemps de sérieux signes d’essoufflement.
Anticipant une fin d’année qui ne s’annonce pas sous les meilleurs hospices, la plupart des gros éditeurs ont préféré d’ailleurs décaler la sortie d’un nombre important de jeux. On ne compte plus les sorties initialement prévues pour 2009, reportées en 2010 : Mafia 2, Bioshock 2, Max Payne 3, Heavy Rain, Splinter Cell Conviction, Red Steel 2, Bayonetta, Singularity

Mais au-delà de cet aspect conjoncturel, indéniablement dû à la crise, ajouté au fait habituel que notre industrie s’essouffle de manière cyclique 3 ou 4 ans après l’apparition d’une nouvelle génération de consoles, certains commencent à se demander si ces mauvais résultats ne seraient pas imputables à un effet structurel plus profond. Créer  + produire + vendre des jeux vidéo n’a jamais été une équation aussi compliquée.  Même si le public est beaucoup plus important qu’il y a dix ans, il est extrêmement fragmenté. Le nombre de plateformes de jeux n’a jamais été aussi élevé. Leurs spécificités aussi éloignées les unes des autres. Produire pour des supports aussi différents que la PS3, le PSN, la PSP, la DS, la DSI, la Xbox, le XBLA, la Wii, le Wiiware, l’Iphone, les nombreux modèles de téléphone mobile, et enfin le PC dans toute sa diversité, cela signifie pour les créateurs un champ de possibilités quasi infini mais cela ne facilite pas la tache des producteurs et des éditeurs. Afin de pouvoir rentabiliser leurs licences sur un maximum de supports, ceux-ci voient en effet leurs coûts augmenter sans cesse. Sans parler bien-sûr des coûts de plus en plus faramineux liés désormais aux exigences des consoles HD.

A ce casse-tête, se rajoute également, la multiplication des modèles économiques : vente  classique en magasins, plateformes de téléchargement payant sur PC ou consoles, jeux en ligne en Free to play, micro-paiement, jeux en lignes par épisodes ou par abonnement, consoles dématérialisées de type Onlive… Même les plus gros ont du mal à être présents sur tous les fronts. Il va falloir forcément faire des choix. Et surtout les bons choix. Mais qui peut aujourd’hui prévoir ce qui se passera dans seulement un ou deux ans ? Publics de plus en plus variés et changeants, consoles multiples, interfaces innovantes, habitudes nouvelles, distribution dématérialisée, piratage : l’équation est complexe. Pour s'en sortir et parvenir à se développer dans cette jungle, il faudrait avoir la souplesse et la réactivité propres aux studios indépendants, alliés à la force de frappe d’un gros éditeur. Pas évident !

Intitulé de manière provocatrice « Video Games are Dead », un excellent reportage réalisé par Scott Steinberg, a été mis en ligne début août.

(désolé je n’ai pas trouvé de version sous-titrée en français).

Sa diffusion a fait pas mal de remous dans l’industrie, parce qu’il ose aborder, sans la langue de bois habituelle, tous ces sujets, dont certains sont forcément polémiques : rentabilité de certains jeux, choix stratégiques de certains éditeurs, relations développeurs-éditeurs, manque d’originalité et de prise de risque. Ce qui m’a surpris en le regardant c’est la confrontation de points de vue parfois radicalement opposés sur l’état de l’art, révélateurs du doute, pour ne pas dire du désarroi, qui a saisi depuis quelques temps un grand nombre d’acteurs de notre industrie.

Alors, apocalypse now ? Non, bien-sûr. Comme la plupart des industries naissantes, le jeu vidéo vit sans doute les premiers soubresauts d’une nouvelle crise de croissance. Mais il va falloir s’accrocher. Comme disait mon moniteur de voile quand j’étais gamin : « boutonnez vos gilets les gars, ça va piauler ! »

PS : vous pouvez désormais suivre mes pérégrinations sur Twitter.

Illustration : S.T.A.L.K.E.R, Shadow of Chernobyl


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