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La bâtarde d'Istanbul d'Elif Shafak

Par Sylvie

TURQUIE- 2007
La bâtarde d'Istanbul
Editions Phébus
Voici ma dernière découverte en littérature orientale ; Elif Shafak, considérée par Orhan Pamuk et Amin Maalouf comme la plus grande romancière turque de ces dix dernières années. Après avoir enseigné aux Etats-unis, elle vit désormais à Istanbul.
Elle signe ici une fresque colorée, cosmopolite, fantaisiste racontant l'histoire de deux familles, turques et arméniennes. Entre Turquie et Etats-Unis, les familles sont écartelées entre cosmopolitisme et communautarisme.
Ne vous imaginez pas une fresque traditionaliste, c'est tout le contraire !  : tout commence un jour à Istanbul ; une jeune fille en mini-jupe et talons hauts arrive chez le gynécologue pour se faire avorter ! Mais finalement, elle renonce et va semer la zizanie chez sa famille constituée uniquement de femmes ! Car, dans la famille Kazanci, tous les hommes meurent avant 40 ans...C'est donc un drôle de gynécée qui mène la barque et qui élèvera Asya "la bâtarde d'Istanbul". Alors que sa mère, la révoltée, devient une professionnelle du tatouage, la bâtarde grandit avec ses tantes : il y tante Banu, la cartomancienne qui parle à ses djinns, Feride l'hypocondriaque, la grand-mère cuisinière....et l'oncle Mustapha, qui a émigré aux Etats-Unis et qui a épousé une américaine pur-souche de l'Amérique bien profonde.
Il se trouve que cette pure américaine, Rose, avait épousé en première noce Barsam Tchakhmakhchian, issu d'une famille arménienne émigrée aux Etats-unis dans les annéers 20....et qu'elle a épousé un turc pour se venger de sa première belle-famille !
Vous suivez toujours ! Vingt ans plus tard, la bâtarde, Asya et la fille de Rose et de Barsam et belle-fille  Mustapha (Armanouch) vont se rencontrer et faire éclater les secrets les mieux gardés....
Entre américains, arméniens et turcs, ça n'est pas triste ! Elif Shafak signe une fable à mi-chemin entre traditions et modernité. Chacun en prend pour son grade : les Américains et leur satanée nourriture, les arméniens et leur obsession de la mémoire, les turcs pour leur méconnaissance de l'Histoire. L'auteur prend bien garde de ne pas prendre partie ; il s'agit plutôt d'interroger leur mémoire commune, de jeter des ponts et d'affirmer le rôle de l'Histoire ; car tous les personnages oscillent entre passé et présent ; ils parviendront à se guérir et se réconcilier en se tournant vers leur passé.
Une belle histoire trépidante, bourrée d'humour et d'originalité qui réjouit les sens ; en effet, chaque chapitre est placé sous le signe d'un plat ou d'un aliment : cannelle, amandes, graines de grenade, figues séchées, il y a même des recettes de cuisine. Tout cela sent l'Orient ! Magie des djinns, empoisonnements secrets, personnages tous un peu félés et excentriques. On rigole, on pleure, on réfléchit. Une histoire pimentée par la toute-puissance des femmes, où les hommes ne font que passer, victimes d'une étrange malédiction.
C'est un peu un conte foldingue, fantaisiste qui n'est pas sans rappeler le réalisme magique sud-américain d'un Garcia Marquez.
A noter que Elif Shafak a été condamnée par son pays pour "insulte à l'identité nationale" pour avoir évoqué le génocide arménien.
C'est bien dommage....Car lorsqu'on lit Elif Shafak, on a l'impression que toutes les communautés et les pays sont liés et que l'identité nationale est bien difficile à définir...


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