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Choses vues...

Publié le 05 septembre 2009 par Philippejandrok
 

ab57750f7fe38e0bf1c23073d495f558.jpgTous les jours, dès que je me trouve à l’extérieur, j’observe, tel un chat tapi dans la nuit, les souris et les rats qui dansent autour de moi en me remarquant à peine. Je les regarde, ils me surprennent par tant d’attitudes et de comportement étranges qui me montrent à quel point notre société va mal.

La dernière fois, je marchai rue de la Mésange et deux hommes, l’un à pied, l’autre à vélo, s’invectivaient, échange de noms d’oiseaux et agressivité ouvertement déployée :

 - Vas-y répète un peu, si t’es un homme !

 - Connard va !

 - Quoi, vas-y, si t’es un homme, pov’con !

Tout autour d’eux les regards et l’attention des passants étaient portés. Moi, j’avais comme une envie de leur dire :

 - Allons Messieurs, réglons cette affaire autour d’une bière !

Tu parles, l’électricité dans l’air était telle, que si j’étais intervenu, je me serais pris le « connard » comme patronyme et le coup de poing dans la gueule, alors, je les ai laissé faire en continuant mon chemin sans me retourner. En revanche, les bons bourgeois de la ville les observaient en regardant par dessus mon épaule, attendant de voir verser le premier sang :

- Mais tu as vue… Il va… Non… Si… Regarde… C’est pas vrai…

 La suite ? Et bien je ne la connais pas, je ne me suis pas retourné et je les ai laissé se mordre l’œil et s’arracher les oreilles, descendre de vélo, s’agiter comme des coqs de basse-cour, si c’était là, la solution pour qu’ils calment leurs ardeurs et leur testostérone…

Au regard de la scène, vous devez certainement imaginer qu’il s’agissait d’individus issus des classes les plus basses de la population, et bien non, pas de chance, il s’agissait de bons petits bourgeois en polo Lacoste et petit pull assorti avec des Church aux pieds pour l’un, et pour l’autre, des Méphisto, je crois, enfin, tout ça pour dire que les choses vont très mal pour que des gens sensés représenter l’exemple, se donnent ainsi en spectacle. J’ignore tout de ce qui a déclenché cette violence et je m’en fiche, le problème est ailleurs, il est dans une forme de ras-le-bol dans une société qui va mal et qui fait perdre la tête à tout le monde et n’importe qui.

Dans le même genre, hier, en rentrant avec mon caddie, et oui, la caricature de l’homme moderne, sauf que dans mon caddie, je n’avais pas de poireaux, ni de carottes, mais dix manuscrits, mon dernier livre, fraîchement imprimé, à présent une nouvelle bataille commence, celle de la recherche éditoriale, et ce n’est pas une mince affaire.

Je disais donc que je tirai mon caddie en arrivant place Kléber, la place centrale de la ville de Strasbourg, et je reconnus de loin, le père d’une ancienne élève qui se trouvait dans la classe de ma fille il y a deux ans.

Lui, il était d’origine chinoise, courageux, industrieux, il était ophtalmologue à force de travail et d’opiniâtreté, sa femme était de type caucasien et comme son mari était médecin, elle nous regardait toujours de haut, avec un certain mépris.

Alors ça, c’est vraiment un truc de province, se faire juger et considérer socialement à la sortie des écoles par la condition des uns et des autres. Et les parents se retrouvent souvent ainsi, les avocats en rang d’oignons, les médecins en file indienne, les intellos et les marginaux complètement éparpillés, chacun se donnant l’accolade virtuelle ou le mépris consumé. Moi, j’étais toujours à la même place en saluant qui acceptait de l’être sans distinction et sans arrière-pensée, les barrières sociales ne m’ont jamais impressionnée.

Moi, cela me passait au-dessus, mais un jour, j’ai accompagné les enfants lors d’une sortie et j’ai pu apprécier le manque extraordinaire d’intelligence de la femme de médecin, réflexion, hum, quelle réflexion ?

Point de vue rétrograde, étonnant pour une femme qui avait eu l’ouverture d’esprit de faire un mariage mixte. Elle ne nous appréciait pas, et alors, nous non plus, nous étions quittes, de toute façon nous n’avions rien à nous dire et n’étant pas adepte du « Small talk », je gardai souvent le silence en sa présence et elle également, et cela valait mieux car, je n’étais pas certain de ne pas éclater de rire face à la bêtise, et oui, c’est bien l’effet que cela me fait la bêtise, elle me fait rire.

Bref ! Revenons à son mari. Il était ce jour-là en trottinette, et oui, un adulte en trottinette cela se voit de plus en plus, lorsque l’on pense aux trottinettes de notre enfance, nous sommes passés à côté du progrès technologique avec nostalgie.

Il avait une casquette à visière sur la tête, la vraie caricature d’un bon petit américain, tennis aux pieds, pantalon impeccable, il ne lui manquait plus que les oreilles de Mickey, il était parfaitement soigné, un exemple pour tous, enfin, peut-être pas. Il poussait sa trottinette sur les pavés de la place Kléber, puis, il passa devant un groupe de trois personnes marginales qui sifflaient des bières depuis des heures à voir le nombre de cadavres de cannettes sur le sol à leurs pieds. Une femme, jeune et même énorme, adepte des « fatfood », des chips et des boissons sucrées, d’ailleurs, on lui coupait les bras et les jambes et on en faisait une boule de bowling pour faire un « strike » ou un ballon de baudruche dans Shrek. La « fille » en question, plus proche de la trentaine, le poursuivi avec assiduité en hurlant :

 - Hey ! Hey ! Mais ta trottinette, faut monter dessus, faut pas la pousser, Hein ! Faut pas la pousser… Faut pas la pousser…

L’ophtalmologue déguisé en gamin l’a ignoré et a continué sur sa lancée, puis, les dalles ont succédé au pavé et il a lancé sa monture pour filer comme le vent vers… Très loin de ce crapaud buffle qui se fichait de lui. Lorsqu’elle l’a vue partir, elle s’est retournée en se marrant :

 - Ah ! Ah ! Ah ! Je l’ai bien eu le tching tchaing tchang, avec sa trottinette, le mec y comprend même pas comment on doit rouler. Ah ! Ah ! Ah ! Je l’ai bien eu le Chintok !

Et là, je n’ai vraiment pas eu envie de rire, c’était désespérant de sottise et de méchanceté, de dépit et de haine gratuite, de racisme primaire, c’était la représentation de la lutte des classes, basique, souterraine et facile, du genre « moi, je suis pauvre et fière de l’être et j’emmerde les bourgeois ! » Les bourgeois, qui sans eux, cette pauvre fille ne pourrait même pas vivre.

Et moi, qui arrivais avec mon caddie, je m’attendais à une réflexion du même genre de la grosse belette, alors, j’ai construit un mur autour de moi et je suis passé en roulant droit devant.

Comme le crapaud avalait une gorgée de bière, je suis passé de justesse sous le filet de sa médisance grossière et irrespectueuse pour échapper à sa vindicte arrogante qui visait essentiellement à séduire les deux autres lascars édentés, qui, une fois complètement beurrés la prendrait pour une vénus de temple grec pour se la mettre sur le bout comme la femelle en rut qu’elle était. Mais fallait-il être aveugle pour ne pas voir comme elle se rapprochait plus du monde animal que de la femme, enfin, complètement ivre, on se sait plus ce que l’on fait et je crois bien qu’elle attendait ce moment avec impatience, la bave aux lèvres et le papier qui colle au bonbon sous son pantalon de jogging qu’elle avait dû prendre à la Croix-Rouge.

Le médecin à roulettes devait se dire qu’il payait des impôts pour que ces « salops de pauvres » l’insultent, les mêmes qui venaient dans son cabinet pour bénéficier de soins CMU, sans jamais payer et qui se moquaient bien de lui et de sa condition. Il y avait de quoi enrager.

Il est vrai que, parfois, il y a de quoi donner des coups de bâton à celui qui crache dans la main de celui qui le nourrit. Mais, la vie moderne est ainsi faite.

Des pauvres de plus en plus pauvres, mais ils sont là, ils existent, et si on n’aide pas ces gens-là que deviendront-ils ? On ne peut tout de même pas les tuer ? Alors, qu’elle est la solution ? Pas de travail, peu d’allocations, que reste-t-il à ces gens désespérés ? La boisson, la drogue, le pire, et le pire engendre la délinquance inévitable, la délinquance par nécessité.

C’est comme pour la maladie, on ne soigne pas un symptôme, une cause, on prévoit le drame avant qu’il n’arrive en encourageant le terrain, en le renforçant pour empêcher que la maladie ne trouve une brèche dans le système.

Allez, nous vivons une époque formidable…


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