Toute la philosophie est comme un arbre…

Qu’est-ce que la philosophie ? Il est difficile de comprendre cette activité, car dès qu’on la définit, on la confond avec autre chose. En cherchant à la cerner, on saisit une autre activité. La caractériser, c’est lui faire perdre sa spécificité : en voulant parler d’elle, on se met à parler d’autre chose…

On prétend que philosopher consiste à réfléchir, à se poser des questions et à penser. Le philosophe se confond alors avec tout le monde, car qu’est-ce qui distingue l’homme ordinaire réfléchissant au bonheur du philosophe interrogeant cette même notion ? Ce qui semble propre à elle est en réalité commun à tous, et ainsi ce qui semblait spécial est en réalité fort général.

On dit encore que le philosophe poursuit la vérité. Il critique par lassitude de l’incertain, il doute parce qu’il veut la certitude. Quelle différence alors entre le philosophe et le savant ? Se posant des questions, il fait comme tout le monde ; cherchant la vérité, il fait comme le savant. Philosopher ne comporte-t-il aucune spécificité ?

Toute la philosophie est comme un arbre, disait Descartes, dont les racines sont la métaphysique, le tronc la physique, et les branches tous les autres savoirs. Le propre de la philosophie est d’être en effet un savoir global, la totalité de tous les savoirs, dit Descartes. Rien de ce qui est connaissable ne lui est étranger mais tout se comprend en elle. Cela signifie que tous les énoncés vrais, scientifiques ou historiques par exemple, contiennent en sourdine une thèse de nature métaphysique. Aucun n’est donc tout à fait complet sans elle.

Ne suffit-il pas d’affirmer une « vérité » pour présupposer une certaine définition souterraine, apparemment acquise, de la vérité ? Peut-on parler de pensée ou du passé, sans présupposer là encore des thèses à leur sujet : que la pensée est, ou non, de nature spirituelle, que le passé est distinct du présent ? La philosophie rend possible l’achèvement de la science, et la science en retour garantit le réalisme de ses énoncés.