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Vie et mort des partis, tribune du Monde

Publié le 09 septembre 2009 par Arnaud Lehmann

Une tribune qui résume assez bien les choses. Sa partie finale m'interpelle, un électorat non-identifiable pour le PS? La question peut se poser pour le MoDem.


Analyse

Tous les partis politiques peuvent mourir, par Bertrand Le Gendre

LE MONDE | 08.09.09 |

Les partis politiques sont mortels, le PS comme les autres, mais comparer sa dégénérescence à celle de la SFIO est un non-sens. La résurrection du parti de Guy Mollet, sous la conduite de François Mitterrand, démontre plutôt qu'une formation politique à l'agonie peut très bien reprendre du poil de la bête.

La comparaison est plus pertinente avec le Parti radical, le RPF, le MRP et le Parti communiste. Tous ont dominé, à un moment ou à un autre, la droite ou la gauche. Ou ont occupé une place charnière dans le jeu politique. Tous ont disparu ou n'existent plus qu'à l'état de trace.

Par quelles ruses de l'histoire ou fatalité sociologique ? Poser la question, c'est y répondre : 1) Les partis politiques ne prospèrent que s'ils épousent leur temps. Ils s'éteignent lorsque la vague historique qui les a portés reflue. 2) Ils n'existent qu'à condition de satisfaire les aspirations d'un électorat identifié. Si celui-ci s'effrite, ils déclinent.

Fondé en 1901, le Parti républicain, radical et radical-socialiste a suivi cette courbe ascendante avant de se perdre dans les sables, sa mission historique accomplie. Il se réclamait de 1789 et incarnait, comme son nom l'indique, la victoire de la République sur la monarchie et le Second Empire. Il avait pour "clientèle" naturelle la classe moyenne d'après 1870 : exploitants agricoles, artisans, commerçants, petits industriels... Cette parfaite adéquation entre un projet politique et les attentes des Français assurait sa domination. Pendant des années, les radicaux ont occupé une position centrale au Palais-Bourbon et ont régné, sans concurrence ou presque, sur la Chambre haute. Cette conjonction des astres ne dura pas. La crise économique de 1929 frappe de plein fouet l'électorat du Parti radical. Une partie de celui-ci le quitte en 1936, séduit par le discours plus... radical des socialistes et des communistes. Concurrencé à gauche, le Parti radical glisse au centre. Contre l'interventionnisme de l'Etat et le collectivisme marxiste, il défend la propriété individuelle. Cette dérive au centre creuse sa tombe.

Il devient un parti fourre-tout dont se réclament, après guerre, des personnalités aussi opposées qu'Edgar Faure ou Mendès France. Cette cohabitation contre nature, cette confusion des genres, rend la scission inévitable. Depuis 1971 existent deux partis radicaux, l'un de droite (présidé aujourd'hui par Jean-Louis Borloo), l'autre de gauche (Jean-Michel Baylet).

Les fractures historiques, comme celle de 1870 pour les radicaux, favorisent l'émergence de nouveaux partis. Le retour au cours normal de l'histoire les engloutit. Tel fut le sort du Rassemblement du peuple français (RPF), créé autour du général de Gaulle en 1947. Et du Mouvement républicain populaire (MRP), d'inspiration démocrate-chrétienne, né en 1945.

Le RPF récolte 40 % des voix aux municipales de 1947, son apogée. La France vit encore dans le souvenir de la Libération. Le prestige de l'homme du 18 Juin semble inentamable. Mais le déclin est rapide. De Gaulle met fin à l'aventure du RPF, presque moribond, en 1953. Six ans à peine pour chuter des sommets.

L'euphorie de la victoire n'a pas suffi à cimenter les Français autour du projet gaulliste. La politique a rapidement repris ses droits, façon IIIe République. Elle a congédié l'histoire. Surtout, la création du RPF reposait sur un constat erroné sociologiquement. De Gaulle et les siens espéraient perpétuer l'unanimisme de 1945 en rassemblant sous une même bannière, au nom de l'intérêt national, l'ouvrier et le patron. Le RPF, prétendait Malraux, "c'est le métro à 6 heures du soir". Il se trompait, mais son intuition première était juste : c'est dans l'est de la France que le parti attrape-tout dont il rêvait a le plus longtemps résisté au déclin. Là où le souvenir de l'envahisseur était le plus vivace. Là où l'histoire gardait ses droits. Transcendant les barrières de classe, ce gaullisme-là était un patriotisme de frontière dont le temps, inévitablement, est venu à bout.

La brève histoire du MRP confirme cette loi d'airain : sans socle sociologique pérenne, aucun parti politique ne survit. Comme le RPF, le MRP se réclamait du combat contre l'Allemagne nazie auquel ses figures de proue avaient été étroitement mêlées : Maurice Schumann, "la voix de la France libre" à Londres, et Georges Bidault, le successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la résistance.

Sauf que se réclamer des valeurs chrétiennes, "faire un parti avec les femmes et les curés" (Bidault), dans une France en voie de déchristianisation, ne pouvait conduire le MRP bien loin. Au moins a-t-il rempli sa mission historique : réintégrer les catholiques dans la République.

Avec 28,2 % des suffrages exprimés aux législatives de juin 1946, le MRP n'avait à l'époque qu'un vrai concurrent : le PCF. Inutile d'épiloguer sur la chute de celui-ci. Chimiquement pur, son déclin marie l'échec du modèle soviétique à la désintégration de la classe ouvrière française. L'histoire et la sociologie à livre ouvert.

Et le parti de Martine Aubry ? Sans projet établi (il est passé à côté de la mondialisation), sans électorat identifiable, sa survie défie les lois de l'histoire et de la sociologie. Pourvu pour lui que cela dure.


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