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Radiohead "In Rainbows"

Par Jb
6043b893b76ceeed9f1fdff7c1cf3b3c.jpg Note : 8,5/10
Meilleurs titres : Nude/ Weird Fishes/Arpeggi/ Videotape
Une stratégie commerciale inédite est testée par le groupe Radiohead depuis deux jours : la mise en ligne de leur dernier album, In Rainbows, sur un site spécialement dédié.
L’internaute intéressé peut télécharger l’album en déterminant lui-même le prix qu’il veut y mettre. Et s’il veut le télécharger gratuitement, eh bien il le peut aussi ! En toute légalité évidemment…
Alors, suicide commercial ? Altruisme ? Façon de lutter contre le piratage en espérant que certains le payent 100 livres et compensent ainsi une masse qui risque de le télécharger à l’œil ? Peut-être un peu de tout cela (même si, en décembre, le groupe sortira en CD, et dans le commerce cette fois, l’album + des chansons inédites).
Mais sans doute, surtout, une nouvelle façon d’être originale pour cette formation qui a toujours mis un point d’honneur à surprendre son monde et mêler musique de pointe, esthétique et discours politique.
Mais bon, ne faisons pas de la distribution inédite de l’album l’élément déterminant de cette chronique. Que vaut donc In Rainbows ?
Il s’agit selon moi d’un très bon album, dans la droite lignée du précédent opus, Hail To The Thief. Tout en continuant de proposer une musique exigeante et fouillée, Radiohead revient à des compositions plus abordables et moins expérimentales que celles de Kid A et Amnesiac, ce qui caractérisait déjà Hail To The Thief.
Autre élément central : moins d’électronique, plus de structures guitares/basse/batterie. Un peu comme si, en pondant son album solo The Eraser en juin 2006, Thom Yorke avait évacué ses tentations electro, ce qui lui aurait permis de se recentrer, au sein de Radiohead, sur les fondamentaux. C’est d’ailleurs sans doute volontaire (et ironique) de commencer l’album par la très bonne "15 Step" et son beat electro, car la chanson dérive ensuite sur des logiques presque jazzy qui font oublier ce côté "machinal", ce que confirme le reste de l’album dénué, à de rares exceptions près, de toute tentation techno.
Ce n’est pas pour autant que la batterie ne flirte pas, parfois, avec des beats hip hop ou trip hop : que ce soit "Weird Fishes/Arpeggi", "All I Need" ou encore "Reckoner", ces influences sont présentes – mais cela n’a rien de nouveau dans la discographie du groupe, qui a toujours su les mixer avec des logiques rock ou jazz (que l’on pense, par exemple, à "Talk Show Host" ou "Airbag").
Au chapitre des très bonnes surprises, on peut évoquer "Bodysnatchers" qui est une chanson assez rock, comme les cinq musiciens n’en avaient pas commis depuis un moment. La basse distordue n’est pas sans évoquer la production très sèche de "The National Anthem", sauf qu’ici le titre ne sombre jamais dans l’expérimental, se permettant un break planant avec guitare pleine de reverb et de delay.
Il y a surtout "Nude", une ballade ternaire et poignante, aux guitares subtiles tantôt jazzy tantôt bluesy, sans doute le meilleur titre de l’album (et qui personnellement m’évoque un peu "A Wolf At The Door", le dernier morceau de Hail To The Thief, mais en mieux).
J’aime aussi assez le dernier titre, "Videotape", parce qu’il a ce côté répétitif qui a fait les grandes heures du groupe (même si un ornement supplémentaire n’eût probablement pas été superfétatoire et même si les notes de piano peuvent finir par agacer).
Pourtant, et c’est le regret que l’on peut émettre, l’album manque peut-être d’au moins une autre chanson très fédératrice, malgré la qualité de titres comme "Weird Fishes/Arpeggi" (étonnante avec ses arpèges en cascades et sa montée dans la dernière minute et demie) ou, dans une moindre mesure, "Jigsaw Falling Into Place".
Je ne suis pas sûr par ailleurs que "Nude", malgré sa beauté, se hisse au niveau de classiques comme "Sail To The Moon", "Pyramid Song", "How To Disappear Completely", "Lucky" ou "Street Spirit (Fade Out)". Les écoutes au fil du temps le diront.
Je suis également un peu déçu que Radiohead n’exploite pas davantage "Faust Arp", qui ne dure que deux minutes et dont les accords de guitare et les arrangements orientalisants, très intéressants, auraient gagné à être creusés.
Ces quelques bémols énoncés, il reste que la musique de Radiohead continue de largement dominer ce qui se fait par ailleurs, que leur démarche artistique continue de susciter l’admiration et le respect, et que In Rainbows est une grande réussite qui ne marque en rien un fléchissement.
Moins obnubilés par l’idée de casser leur image, revenus peut-être à la volonté de simplement faire les meilleures chansons possibles, les cinq Anglais vieillissent très bien.

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