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Projections (14) Texte en plusieurs parties publié par Arthur Vertrou

Publié le 13 septembre 2009 par Yiannis



Au commencement elle n’est rien.

Elle ne peut être autre chose qu’une silhouette.

C’est ce que vous vivrez ensemble, à ce moment précis de ta vie, sa capacité à fuir aussi, à rester floue, qui fera naître... Les sentiments.

La trouvais-tu jolie, avant ?

Tu ne te souviens pas, ni de l’avoir désirée vraiment.

Elle était là.

Deux ans…

Peut-être plus…

Ca fait longtemps que tu connais Milena…

Mais tu ne fais pas attention à elle. Trop fluette… elle est de ces filles qui font tapisserie dans une conversation…

Milena boit peu… n’a pas tellement d’avis sur rien, car ça ne l’intéresse pas d’en avoir un au fond.

Petite souris, elle se cache.

S’habille à la va vite, ne dit rien qu’elle ne pense vraiment… se tait souvent.

Même sa voix au téléphone tu ne l’as pas reconnue ; d’ailleurs, tu n’avais jamais pris la peine d’enregistrer son numéro.  

Elle t’a téléphoné, prétextant qu’elle passait près de chez toi, comme ça, par hasard.

Elle t’a téléphoné ce soir et maintenant elle gratte à ta porte…

Comme une petite chatte égarée, à pas menus, elle traverse le couloir…

Ca tête bouge comme celle d’un pigeon sur la place publique, elle s’amuse de ta plante verte posée dans un arrosoir un peu kitch… elle tourne et vire à travers ton appartement, sans se soucier du bordel… Et puis, pareille à une touriste dans un musée, elle prend la pose devant un portrait de Van Gogh, qu’enfant, tu avais dessiné.

Elle semble étonnée.

Un peu perdue…

Furète de partout ! Je crois qu’elle cherche, à travers ces objets, à mieux te connaître.

Voilà qu’elle se dirige vers ta bibliothèque.

Milena pense comme toi, sans doute… Les livres renferment mieux que n’importe quel C.V, la personnalité d’un être ! 

Toi, tu ne te méfies pas.

Tu la laisses fouiner.

Tu suis des yeux, tendrement, cette étrangère qui pénètre ton intimité.

Tu ne sais rien de Milena.

Pour l’instant tu t’amuses… de la voir si sensible à des objets qui t’appartiennent, de la sentir timide et désorientée… et, bien sûr, un peu sur la défensive.

Voilà que maintenant ses petites manies, sa manière de te regarder, de rouler une cigarette, de boire son verre par petites gorgées, ce manque de confiance en elle, évident, ce besoin d’être rassurée, tout ça te revient…

Assise dans ta cuisine, déjà elle ne semble pas à sa place !

Tu ne sais rien de tout cela…

Tu la trouves juste touchante !

Tu joues avec elle.

Elle est une poupée de porcelaine… tu n’as rien à craindre, d’elle.

Tu t’engouffres dans le présent !

C’est simple de se laisse aller…

Tu l’as trouves jolie… tu aimes la tonalité de sa voix…

Même quand elle dit n’importe quoi, tu te laisses charmer.

Elle n’est même plus Milena mais une entité…

Elle est, pour toi, la représentation de la femme rêvée...

Tu la connais si peu… tout est permis !

Tu te sens bien, et déjà...

Déjà !

Ce n’est plus toi qui parle.

Mais… ton imagination !

Ton imagination la remodèle à sa guise, l’invente différente !

Part d’ombres… Rêves… îles au trésor, corps dissimulé sous ce pull en laine de garçon...

Te revoilà et il est trop tard…

L’idée peu à peu fera son chemin…

Tu auras beau la rejeter, relativiser la situation… L’idée naitra… tu ne pourras l’assassiner…

L’idée !

Qu’avec Milena tu pourrais tout recommencer !

L’idée…

A nouveau…

C’est aussi simple que cela !

Ta vie tout à coup devient supportable…

Milena s’en va !

Tu sens déjà monter en toi quelque chose d’étrange.

Une sensation familière…

Voilà quelqu’un à qui penser avant de t’endormir…

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