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PS : comité d’éthique, idée en toc ?

Publié le 14 septembre 2009 par Variae

A toutes les crises que traverse le Parti socialiste est venue s’ajouter, avec la parution de l’enquête d’A. André et K. Rissouli, une dimension proprement morale. Non pas que l’on ignorait les pratiques frauduleuses décrites dans l’ouvrage. Mais ce qui étonne et scandalise est bien le flegme relatif avec lequel « victimes » et « tricheurs » ont accueilli la soudaine médiatisation de ces dérives, se contentant de répéter qu’il fallait aller de l’avant, et faire en sorte que pareils épisodes ne se reproduisent plus.

Je reviendrai plus loin sur l’opportunité d’un tel comportement. Mais je voudrais d’abord examiner la proposition faite dans le cadre de la consultation militante sur la rénovation : celle d’une « autorité indépendante et incontestée, chargée de faire respecter les règles d’éthique et de droit », accompagnée de la « mise en œuvre dans les scrutins internes du parti de nouveaux mécanismes, inspirés des règles et des moyens de la République [ !], garantissant la sincérité et la fiabilité des votes ».

PS : comité d’éthique, idée en toc ?

On aura compris qu’il s’agit de « professionnaliser » et de dépassionner, dépolitiser la gestion des scrutins. J’ai d’ailleurs entendu en plus petit comité l’un des promoteurs de cette idée, avocat de profession, préciser sa pensée : dans l’idéal, il s’agirait de tendre vers une commission des conflits qui ne soit plus élue à la proportionnelle des sensibilités du parti, et vers des « fonctionnaires » du PS chargés de la surveillance et de l’organisation des scrutins.

Ces propositions me semblent à la fois inefficaces et dangereuses. D’abord le principe même de « personnalité incontestée », faisant « autorité » dans le parti. Même si j’imagine que tout le monde pense au sempiternel Robert Badinter, j’aimerais que l’on m’explique qui décidera des critères exacts de l’incontestabilité, et surtout qui choisira, sur la base de ces critères, parmi les candidats au titre. La solution la plus démocratique serait une élection par les militants, qui doivent bien être capables de juger de la moralité des uns et des autres. Mais le principe même d’autorité éthique, indépendante, etc. exclut cette possibilité – il ne faudrait pas réintroduire de la politisation dans cette commission. Exit donc la désignation par la base. Alors, un choix par le Bureau National, le Premier secrétaire ? Mais alors, le choix sera encore plus politique, comme le montre d’ailleurs la dérive de la désignation des responsables des autorités indépendantes par le Président de la République ! Ou encore, peut-être pense-t-on à une sorte de désignation d’évidence, du type : il est évident que Robert Badinter, Pierre Mauroy ou Lionel Jospin sont des hommes politiques au-dessus de tout soupçon, car en fin de carrière et ayant exercé des responsabilités importantes dont ils se sont bien acquittés. D’une part, on entérinerait de la sorte un conservatisme très discutable. D’autre part, à l’heure du triomphe du confusionnisme et de l’ouverture sarkozienne, comment peut-on être évidemmentsûr de qui que ce soit ? Qui aurait cru que Michel Rocard pourrait glisser du côté obscur ? Et même sans douter de la capacité de résistance aux sirènes de l’Élysée, force est de constater que tous les « vieux sages » du parti ont pris position lors du dernier congrès – ce qui est tout à fait normal. En résumé, au lieu d’une commission surplombant les courants et les intérêts particuliers, on risque d’avoir un cénacle officiellement neutre, mais travaillé par des non-dits très politiciens – alors que la Commission Nationale des Conflits a le mérite d’être constituée en reconnaissance des sensibilités qui, de toute façon, existent. Quelle image pour le parti si une décision de « l’autorité indépendante d’éthique » était contestée par un camp, avec des accusations et des preuves de partialité !

Vient ensuite la question de l’efficience et des moyens de rétorsion d’une telle commission. De deux choses l’une : soit elle est purement consultative au sens le plus cynique du terme (une assemblée de vieux sages faisant les gros yeux, mais sommés de se taire au bout du compte), soit elle dispose de véritables moyens d’action. Le texte présenté au Conseil national oscille entre les deux possibilités, parlant d’abord de « proposition » et de « rappel à l’ordre » avant d’être plus incisif (la commission « trancherait en dernier ressort »). Inutile de s’appesantir sur la première possibilité. La seconde en revanche est tout à fait inquiétante, si elle conduit à la mise en place d’un organe échappant de facto au contrôle des militants, mais disposant du pouvoir de décider politiquement d’invalider – ou de légitimer – un vote politique. Sans parler de l’idée qu’ont apparemment certains d’un corps d’observateurs ou de contrôleurs, militants professionnels ou permanents, officiellement neutres (comment le vérifier ?) et disposant du même pouvoir écrasant au niveau local. Là encore, on aurait une bureaucratie indépendante … des militants.

Derrière toutes ces propositions à première vue irréprochables et courageuses, il y a une analogie très discutable entre un parti politique et l’État, la République et son « intérêt général ». Or un parti politique n’a pas à être au-dessus des intérêts individuels et partisans, puisqu’il les représente. Le PS n’est pas le gardien d’un idéal indiscutable et immuable dans le ciel des idées, ni d’un « intérêt supérieur » des ouvriers, employés, ou qui sais-je d’autre, au nom duquel on pourrait constituer un corps de sages ou de bureaucrates qui l’incarneraient objectivement. Il est, et doit être, un lieu traversé de débats politiques, et il est bon et normal que son organisation et sa direction soient le reflet du rapport de force entre idées et sensibilités. Ou alors, on accepte la logique du parti-État dont il est inutile de rappeler, je pense, les antécédents historiques et les dérives prévisibles.

Le problème que nous traversons est un problème de morale interne, de décence commune qui ne peut être réglé par des solutions purement institutionnelles ; ou alors, si le comportement des uns et des autres ne change pas, les institutions créées ne feront que masquer et légitimer les actes répréhensibles, dans une complète tartufferie. On peut d’ailleurs faire le même constat sur la question de la proportionnelle des courants, désormais accusée de paralyser le parti : c’est un très bon principe car il garantit le pluralisme ; en le réduisant, on amoindrira le pluralisme, mais on ne changera rien aux pratiques déplorables qui sont devenues coutume.

J’en reviens maintenant à ma question initiale. Je ne crois pas un seul instant que des rafistolages réglementaires apporteront une réponse à la crise d’image que nous traversons, celle d’un parti s’accommodant de fraudes – ou alors commençons déjà par appliquer tous les outils dont nous disposons, comme la centralisation de tous les fichiers fédéraux de militants dans le système ROSAM. On mesure sans doute mal les dégâts que notre absence de réaction audible sont en train de faire dans l’opinion. Le PS est atteint en son sens même. Alors, à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Un congrès extraordinaire de refondation (comme l’a proposé Malek Boutih au dernier Conseil national), auquel on convierait tous nos partenaires fidèles ou plus récents (PRG, MRC, communistes unitaires, membres du Front de Gauche), et qui remettrait absolument tout à plat, depuis notre identité jusqu’à notre nom. On peut comprendre la crainte de bousculer encore un peu plus un édifice vermoulu, juste avant des élections. Mais un acte courageux et répondant à la colère des hommes et des femmes de gauche serait sans doute la meilleure façon de les mobiliser pour les prochaines élections régionales. « Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau », écrivait Saint Just. A Martine Aubry de sortir de l’ambiguïté des solutions médianes, et de laver en même temps les doutes qui entachent son élection.

Romain Pigenel


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