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Mon père, ce crétin des Alpes

Par Theclelescinqt

Mon père, ce crétin des Alpes

Que les choses soient bien claires : je n'ai rien contre les habitants des Alpes. J'adore les Alpes. C'est beau, grand, vivifiant, on en mangerait.

C'est une expression qui désigne les rejetons des milieux un peu fermés qui avaient un peu des gueules de fin de race en fin de parcours. Ce qui n'est pas votre cas.

Parlons de mon père.

Mon père est un peu attardé sur les bords. Malheureusement il n'y a pas d'autre manière de le dire. C'est ce qu'on appelle, dès qu'on en connaît un intimement par la force des choses ou du hasard, un crétin. Les crétins font souvent illusion, et en plus ils "s'y croient". Mon père, comme tout plein de crétins, était plutôt beau gosse, grand, très brun, fils de famille,... C'est pourtant un authentique crétin.

Comment je le sais ? Parce qu'il est FAINEANT. Oh, pas la petite paresse du dimanche, pas le coup de barre de 11 h 30. Non, il est fainéant, il ne veut pas se lever pour aller bosser, à moins de recevoir un bon verre d'eau dans la figure vers 8 heures, il ne veut pas aider à la maison, il ne sait rien faire de ses dix doigts, il se trouve un job minable où il peut rentrer chez lui vers 16 heures pour se tourner les pouces, il ne veut même pas torcher ses gosses parce qu'il "ne rentre pas du boulot pour mettre les mains dans la merde",..

Autre argument ? Il est AVARE. Oh, pas la petite radinerie qui vise à vous faire consommer moins pour terminer le mois, ce qui s'appelle en fait de la bonne gestion, non, de l'avarice crasse, retorse et sournoise, comme d'oublier son porte-monnaie systématiquement, comme de ne jamais rien s'acheter, comme de ne jamais rien offrir à personne, même s'il est invité (la bonne aubaine!), quitte à finir en guenilles et slips troués, comme de ne pas avoir de sucre ni d'huile en réserve. Petite note : mon sujet d'étude sur la crétinerie a reçu une (grande) maison en cadeau de noces à 23 ans, et n'a jamais donc eu de sa vie de loyer à payer ou de plan épargne logement à approvisionner.

Autre chose à dire ? Il est SALE. Oh, pas la prétendue saleté du pékin lambda qui un jour ne va pas se doucher parce qu'il a mieux à faire, ou celle qui consiste à dormir une semaine de plus dans des draps fleurant bon les corps mouillés parce que vous êtes un peu crevé, non, de la saleté dégueulasse, qui consiste à fourguer les patates dans le frigo et la terre avec, les chaussures dans le placard à côté des assiettes parce que ça évite de se baisser, voir noircir de pauvres draps qui n'ont rien fait, après plus d'un an à dormir dedans chaque nuit, sans que les fenêtres de la pièce des dits draps aient été ouvertes une seule fois, voir jaunir de pauvres rideaux tout aussi innocents malgré 30 ans de pendaison, et manger avec des couverts malheureusement noirs car rouillés, qui bizarrement retrouvent une couleur inox tout à fait banale après frottement accompagné d'une éponge grattante et d'un peu de produit vaisselle. Je ne vous parle pas des poubelles à ciel ouvert un peu partout ni des poils de chien incrustés façon deuxième moquette, vous êtes peut-être des Alpes mais un peu sensible quand même.

Encore autre chose ? Il n'AIME PAS les gens, il n'aime pas ses gosses, il n'aime personne. Les autres le "font chier", et à vrai dire il préfère rester tout seul. Cri de ralliement : "J'aime pas qu'on m'emmerde." Pour l'emmerder, très simple : vous pouvez a) être là, b) avoir besoin de quelque chose parce que bon sang vous n'avez pas été sur vos jambes une heure après la naissance comme les faons, c) lui parler, d) poser une question, e) faire quelque chose d'exhorbitant comme de ramener un ou deux ami(e)s à la maison par exemple, f) lui emprunter quelque chose, etc. Vous avez compris le principe. Le bon sens aurait voulu de ne pas avoir un père pareil, pour commencer. Mais nous n'en sommes pas là. Nous décrivons seulement le crétin, et surtout, le père crétin. Mais finalement je me demande si le terme connard ne serait pas plus approprié. Ca se discute.

Pourtant, pour mes gosses, j'ai fait la brave fille : j'ai accepté de le revoir une à deux fois par an. Nous sommes même allés en vacances 15 jours dans sa nouvelle taule maison, dans le marais poitevin. C'est joli le marais poitevin. Mais chez mon père c'était toujours la zone. Heureusement le crétin "travaillait" en journée, ce qui ne nous a pas empêchés d'admirer les magnifiques chiottes qu'il s'était fait installer à côté du bureau.  Enfin d'une table en formica faisant office de bureau. Non, mais vous ne comprenez pas, des chiottes, comme ça, sans cloison, au milieu de la pièce !!

C'est toujours pratique d'avoir des chiottes au rez-de-chaussée.

Depuis dix ans, mon père reluque donc mes mômes une à deux fois par an, en s'étonnant parfois qu'ils ne soient pas plus démonstratifs à son égard. Je ne me fatigue pas à expliquer que s'il reste le cul sur son siège comme un crétin il ne risque pas de les intéresser. Les enfants aiment en général ce qui est gai, remuant et communicatif, comme un papi qui les emmenerait faire du vélo ou qui leur apporterait des coloriages, par exemple. De plus il ne leur offre jamais rien, et chacun sait que les enfants détestent les cadeaux, gros ou minuscules. Par contre il sait en promettre de mirifiques qui ne viennent jamais, mais je ne suis pas assez folle pour leur en avoir jamais parlé. Je protège mon connard de père, quoi.

Depuis quelques années, mon père n'est pas content de moi. Il estime que je ne lui confie pas les enfants, et que j'ai tort. Enfin, que, quand ils sont chez ma mère, il pourrait bien venir les récupérer de temps en temps en journée, voire pendant deux heures, ce qui lui éviterait la moindre dépense, ou temps passé à des conneries du genre courses ou cuisine. En fait ce serait super cool, il ne se ferait pas chier du tout, c'est ma mère qui se taperait tous les ennuis éventuels, toutes les responsabilités en tout cas, et lui pourrait jouer au grand-père à loisir. Il m'a bien prévenue qu'il viendrait quand il le pourrait, mais que par contre il serait incapable d'attacher le moindre siège auto.

Parfois ce n'est pas la peine de s'inquiéter, les éléments naturels se chargeant du problème pour vous.

Ma bécasse de mère l'a immédiatement envoyé bouler. On ne se paie pas une tête de linotte deux fois.

Mon père m'a un jour laissé entendre que, bien sûr, tant que les enfants étaient petits il ne pouvait pas les prendre du tout, mais que quand ils seraient un peu plus grands...  Alors un jour, le voilà qui m'appelle, et qui me dit que "la dernière fois", il a réglé les choses avec Eudes, mon aîné, et que celui-ci était "d'accord" pour venir en vacances chez lui.

Mon crétin de père, lui qui n'aime pas qu'on lui parle, surtout une "pétasse de bourge" comme moi, a dû cette fois-ci laisser ses oreilles ouvertes pour entendre des choses très simples :

- Si tu crois que j'ai oublié ton taudis et ton incapacité à élever ta progéniture, tu te fous le doigt dans l'oeil.

- Tu es incapable de t'occuper de toi-même, et tu es tellement distrait que tu en es dangereux :

- Même pas en rêve t'auras mes gosses.

Point.

Au bout de plusieurs mois, je l'ai de nouveau eu au téléphone par l'opération du Saint Esprit, et j'ai reçu la Bonne Nouvelle, à savoir qu'il "en avait marre de nos gueules" (toujours très distingué), et que "pisque c'était comme ça", il ne viendrait plus. 

J'aurais dû appeler ce billet "Comment j'ai réussi à me débarrasser de mon père !!! "   

BON DEBARRAS !

An Toilet on a Black Sand Beach with Cacti


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