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Le glacier de nos rêves

Publié le 18 septembre 2009 par Bonamangangu
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"...//...Les marchands s'installèrent sur le parvis de ma cathédrale et c'est eux qui occupèrent l'espace jusqu'à l'horizon des terres émergées. Ils envahirent aussi la mer et le ciel, et les oiseaux de mes rêves ne purent même plus voler. Ils étaient pris dans les filets du peuple des marchands qui remplissaient la terre, la mer et l'air , et qui vendaient les plumes de mes oiseaux aux plus riches. Ceux-ci les plantaient dans leurs cheveux pour décorer leur narcissisme et se faire adorer des foules asservies.

2009_02_17_8238.jpg Le glacier de mes rêves ne servit qu'à alimenter le fleuve de la technique et celle-ci alla se perdre dans l'océan des objets manufacturés. Tout au long de ce parcours sinueux, enrichi d'affluents nombreux, de lacs de retenue et du lent déroulement de l'eau qui traversait les plaines, les hiérarchies s'installèrent. Les hiérarchies occupèrent l'espace humain. Elles distribuèrent les objets et les êtres, le travail et la souffrance, la propriété et le pouvoir. 2009_03_04_0528 (1).jpg

Les plumes bariolées des oiseaux de mes rêves remplissaient l'espace au hasard comme le nuage qui s'échappe de l'oreiller que l'on crève avec un couteau. Au lieu de conserver la majestueuse ordonnance de la gorge qui les avait vus naître, elles s'éparpillaient au hasard, rendant l'air irrespirable, la terre inhabitable, l'eau impropre à tempérer la soif. Les rayons du soleil ne trouvèrent plus le chemin qui les guidait jusqu'au monde microscopique capable de les utiliser pour engendrer la vie. Les plantes et les fleurs asphyxiaient, les espèces disparurent et l'homme se trouva seul au monde.

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Il se dressa orgueilleusement, face au soleil, trônant sur ses déchets et sur ses oiseaux morts. Mais il eut beau tendre les bras, et refermer ses doigts sur les rayons impalpables, nul miel n'en coula. Et du haut du clocher de ma cathédrale je le vis s'étendre et mourir. Le nuage de plumes, lentement, s'affaissa sur la terre.

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A quelque temps de là, perçant le tapis bariolé dont il l'avait recouverte, on vit lentement poindre une tige qui s'orna bientôt d'une fleur. Mais il n'y avait plus personne pour la sentir..."

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Henri Laborit, Eloge de la fuite, Folio Gallimard, 1976

Photo: Mike Hollingshead, Oies sauvages, Squaw Creek National Wildlife Refuge, Missouri, Ohio. Plus de photos sur

www.extremeinstability.com

Photo: Patrick Maucci, Erg Ubari (Libye) Seul au monde.



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