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Manaudou et la "vraie vie"

Publié le 19 septembre 2009 par Philostrate
Manaudou et la     
    "Vingt-trois ans, c'est jeune pour arrêter."
Le journalisme peut-être, quoique, à lire les analyses de certains rubricards sportifs, on se dit que ça éviterait sans doute de gâcher du papier. La natation, certainement pas surtout lorsque, comme Laure Manaudou, on a bouffé chaque jour que Neptune fait depuis l'âge de quatorze ans du carrelage au kilomètre. Que l'on s'est levé à pas d'heure, pour troquer la douceur de sa couette contre le froid de l'aurore et les odeurs de chlore. Que l'on s'est déjà enfilé l'équivalent d'une journée de travail à l'heure où le plumitif moyen de notre quotidien sportif national en est encore à se demander devant la machine s'il va prendre un café allongé ou un court sucré…
    Alors oui, Laure Manaudou arrête sa carrière à 23 ans pour vivre "la vraie vie". Qui pourrait l'en blâmer, elle qui a tout gagné - sans doute trop vite…- et collectionné les podiums et les records sur 200, 400 et 800 mètres ? Certes, elle gâche un peu ses adieux, avec cette sortie de ligne en queue de poisson amorcée en 2007 avec la fin des années Lucas, confirmée en 2008 aux JO de Pékin et entérinée en cette fin d'été 2009. Mais, n'en déplaise aux victimes de l'hystérie cumularde à l'américaine, qui l'auraient voulu insatiable dévoreuse de lauriers olympiques jusqu'en 2012, le vrai gâchis est ailleurs…
    Il réside avant tout dans un système qui autorise une gamine de quatorze ans à bazarder les études, avec l'assentiment de sa famille, pour devenir une machine de guerre aquatique. Oui, Laure est devenue une championne, l'une des plus grandes de l'histoire de la natation. Mais qui s'est alors soucié de son épanouissement ? Qui a tenté de lui faire comprendre qu'elle pouvait aussi tirer du plaisir à nager ? Stakhanoviste de l'école Lucas, comme sa copine Esther Baron, fraîchement retraitée elle aussi à vingt-et-un ans - un hasard ?-, la gamine timide et renfermée qu'elle était n'avait aucune chance de s'ouvrir sur le monde. De voir plus loin que le bout de ses claquettes et les murs aseptisés des centres nautiques. Ebahis devant cette naïade croqueuse de titres, sa fédération comme les journalistes témoins de ses exploits ne sont pas nombreux à s'être posé ces questions. C'est pourtant ce qui explique qu'aujourd'hui, à 23 ans, par-delà la célébrité et la reconnaissance sportive et médiatique, Laure reste à bien des égards une adolescente qui se cherche encore. Laissons-la faire des conneries et vivre sa vie, enfin. Et puisse son exemple faire réfléchir les parents et les éleveurs de bébés champions, qui continuent à parier avec légèreté sur l'avenir de leurs enfants prodiges.

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