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Vandromme, Dupré & cie

Par Joseph Vebret
J’aime lire ou relire un livre à l’aune de son auteur, sa vie, ses postures, son comportement, ses prises de position ; une lecture en perspective donc ; dans la logique et la continuité d’une vie. Et, quoi qu’ait fait de son existence ledit individu, cela ne constituera pas un critère positif ou négatif d’appréciation du style, de la maîtrise d’écriture ou du plaisir de Bul Cél lecture. En fait, la biographie éclaire la bibliographie sans que la première ne me détourne de la seconde. Et personne ne peut prétendre écrire en étant déconnecté de lui-même, de son quotidien, de son passé, de son ressenti… tous ces éléments qui, mis bout à bout, forment un tout en mouvement perpétuel, avec ses logiques et ses contradictions. Même Flaubert, le stakhanoviste du style, l’apparatchik de la forme est tout entier dans son œuvre. Relire s’il le faut sa correspondance avec George Sand. Ou réfléchir à cette approche du regretté Pol Vandromme (auquel Le Bulletin célinien de septembre consacre un émouvant numéro spécial) : « La vie de Céline ne fut pas exemplaire. Aucune vie ne l’est, même si quelques-unes sont moins indignes que d’autres. Un pauvre type survit en nous interminablement. Simenon a creusé cette intuition de livre en livre. »

Je ne sais plus comment je suis entré en contact la première fois avec Pol Vandromme. Il m’envoyait régulièrement des textes que je publiais. J’ai dans ma bibliothèque la plupart de ses livres, notamment ses biographies et ses recueils de portraits d’écrivains tirés de ses chroniques. Il parvenait en quelques lignes à peine à saisir ses personnages, donner l’essentiel. Matzneff par exemple : « En dépit de certaines apparences, le contraire d’un homme de lettres : son encre est son sang. » Ou Morand : « Le désespoir de sa vie était la chance de son œuvre. » Ou encore Sollers : « Il a du talent ; hélas ! il ne reconnaît pas le sien, se refusant à sa vocation d’essayiste pour se prêter une légende de romancier. » Je n’oublie pas en revanche que c’est lui qui m’a mit en contact avec Guy Dupré dont me parlait souvent Sarah Vajda. Gracq venait de disparaître, je cherchais un proche susceptible de rédiger rapidement un hommage pour le Magazine des Livres en plein bouclage. Ariel Denis déclina la proposition, incapable m’expliqua-t-il d’écrire sous l’émotion et Pol Vandromme venait de se faire opérer d’un œil. Il me donna les coordonnées de Guy Dupré dont Les fiancées sont froides, premier roman paru en 1953, régulièrement réédité, lu l’année précédente, m’avait profondément marqué. Guy Dupré accepta et me reçu le surlendemain pour me remettre sa copie, un texte intimiste où il saluait l’homme autant que l’œuvre, égrainant des souvenirs communs, parfois intimes, donnant une dimension plus humaine du mythique ermite de Saint-Florent-le-Vieil que l’image qu’il s’est finalement forgé en refusant les médias, les honneurs et toute forme de bavardage inutile. Nous sommes revus, nous nous voyons souvent.
Post scriptum
Lire sur Pol Vandromme le texte de Pierre Assouline : Qu'est-ce qu'un critique de droite ?

À signaler également un blog qui intéressera les amateurs de Céline : Le petit célinien.

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