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La vie rêvée des anges

Publié le 18 septembre 2009 par Fric Frac Club
La vie rêvée des anges La vie rêvée des anges On ne reviendra pas sur le scandale qui avait propulsé James Frey sur le devant de la scène – pour ne pas dire sur scène (chez Oprah Winfrey). La page semble en effet tournée, du moins si l'on en croit l'incipit de L.A. Story, érigé en avertissement :
Il n'y a rien dans ce livre qui doive être considéré comme exact ou digne de foi.
Nous voilà prévenus. Encore qu'après avoir lu ce qui a très justement été qualifié ailleurs de « tentative d'épuisement d'une ville » – par short cuts, pourrait-on ajouter (l'expression n'est pas innocente) – on se demande si Frey ne brouille pas à nouveau les pistes. Short cuts en raison de la construction tout en fragments, en mosaïque
« (…) il y a des tronçons d'extraordinaire richesse et d'autres d'extraordinaire pauvreté. »
pour aboutir à un L.A Story particulièrement cinématographique (d'où la référence à Altman qui vient à l'esprit) avec ses personnages principaux, suivis par épisodes, en courts et moyens métrages ; ses personnages secondaires, ses figurants, et les interventions d'une voix off – brefs passages retraçant l'histoire de Los Angeles, la construction du plus beau, donc forcément cruel, des pièges à rêves –, ces chronomosaïques qui ne sont pas sans rappeler, quoique de très loin, celles du O Révolutions de Mark Z. Danielewski. Un L.A. Story… en mille morceaux. Tiens donc… En mille morceaux, titre de l'autobiographie en partie fictive par laquelle le scandale arriva… Puisque nous en sommes aux références – non, disons plutôt « coïncidences » (et là, nous sommes d'accord, chacun les siennes) – poussons le bouchon plus loin. Les dialogues dénués de tirets lorgnent du côté de La Route, de McCarthy (pas de hurlements outrés, je vous prie). Et de routes il est question dans L.A. Story, notamment lors de l'interminable panoramique balayant les highways longuement décrits, personnalisés ; peut-être le passage le plus éprouvant à lire tant il s'étire et s'étire… à l'égal des embouteillages qui asphyxient circulation et automobilistes. La vie rêvée des anges Tiens donc… Serait-il possible que rien ne soit véritablement gratuit dans L.A. Story, que tout ne soit pas…fiction ? Car après tout, qui sait si le clochard de Venice Beach n'existe pas ? De même que la jeune droguée qu'il découvre ? Et la bonne hispanique, Esperanza ? (dont le travail chez la riche Mrs Campbell présente certaines…coïncidences avec Rose Madder, de Stephen King – ne tournez pas le nez, vous avez été prévenu quelques lignes plus haut). Ceci dit, Frey n'est certes pas Vollmann, même si on le sent affectivement (remplacez cet adverbe par celui de votre choix) proche des moustiques pris au piège des lumières de la ville.
« (…) comme des centaines de milliers de gens chaque année, sont venus à Los Angeles réaliser leurs rêves. Parfois ça arrive. »
Ça arrive, mais lorsqu'on voit la façon très Bret Easton Ellis d'aborder la quête obsessionnelle de cette star virile reconnue et adulée, cet acteur riche et célèbre, « arrivé », donc, on se demande tout de même si ça finit vraiment par arriver. En d'autres termes, l'american dream de chacun des personnages a-t-il un happy end tel que le voudrait la tradition hollywoodienne ? On se contentera de répondre que L.A. Story aborde
« La vie la douleur le soulagement les perspectives l'espoir le connu et l'inconnu. »
sous une forme tellement cinématographique, prenante, surprenante, lassante quelques fois, que « rien n'est exact ou digne de foi » – ce que semblent confirmer non seulement les deux dernières séquences mettant en scène les personnages principaux, mais aussi les remerciements de l'auteur, étirés en infinie énumération/répétition de « merci », parodie de première ou de remise d'Oscar. Effet spécial trop flagrant pour ne pas croire qu'il existe un réel fond d'authenticité dans L.A. Story. Un « rien » beaucoup plus « exact ou digne de foi » que James Frey ne l'affirme, et qui mérite donc qu'on s'y intéresse. La vie rêvée des anges Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marc Cholodenko

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