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Du film pourri comme ciment familial

Publié le 30 septembre 2009 par Francisbf

Je viens, d'un coup, de me rendre compte qu'on a une tradition depuis quelques années avec mes frères et soeurs : venu le temps de nos anniversaires respectifs, on s'offre des DVD.

Mais pas n'importe quels DVD, quand même ! Pas l'édition collector de Pulp Fiction, l'intégrale de Scrubs ou [insérez ici un titre de film de qualité que tout le monde rêverait d'avoir], non, non non non, cent fois non, ça coûte cher et nous sommes bien trop radins !

Non, chez moi, on s'offre des DVD de films de merde à 5 euros qu'on ne regardera jamais tellement c'est nul (parce que nous sommes des gens éduqués, au bon goût assuré, fréquentables, et uniformément beaux (enfin, quand il se lave pour mon petit frère)), et qui resteront dans leur peau de plastique pour l'éternité.

Enfin, c'est le postulat de base.

Parce qu'en réalité, et surtout ces derniers temps, on se surprend à les regarder. Parce qu'il faut avouer que les jaquettes d'Inseminoid, d'Un Baquet de Sang, de Leeches : l'attaque des sansgues mutantes ou de I drink your Blood sont sacrément alléchantes, sinon on ne les aurait pas achetées. On fait dans l'inutile, certes, mais avec classe. De l'inutile qu'on aurait été fier d'aller voir au drive-in dans les années 70 en empruntant le pick-up de Daddy pour emballer la pom-pom girl ou le quaterback sur la banquette arrière, mais pas forcément ailleurs.

Mais je m'égare. Donc, dans des moments d'intense consécration de notre amour fraternel, nous éteignons la lumière de la cuisine, des toilettes qui donnent sur le palier, du palier, de l'escalier, de la véranda, de dehors, nous passons dix minutes à fouiller derrière la télé pour brancher la bonne prise, débranchons la freebox parce que sinon le son est tout faiblard, et lançons le DVD. Puis mettons la bonne chaîne parce qu'en fait les couleurs bizarres ne doivent pas l'être autant. Puis celui qui était en train d'éteindre les lumières rejoint son siège en se cognant les tibias sur la table basse, et le film commence. Puis celui qui était aux toilettes arrive, rejoint son siège en se cognant les tibias sur la table basse, et le film commence.

Enfin, il va commencer. D'abord, on se chamaille sur la version, parce que l'un d'entre nous veut la VO (on est snobs, par chez nous), donc on commence en VO, et finalement, on se dit après la première scène que ce sera encore plus nul en français, et que tout l'intérêt du film est là, et il faut bien avouer que jamais la version française ne nous a déçus pour ces films.

Si on pouvait être déçus, bien sûr. Quand on a un pitch tel que « les stéroïdes que prend l'équipe de nageurs de la petite ville paumée du Mid West (sauf un jeune homme blond sain et honnête que ces pratiques révulsent) vont passer via la douche dans l'étang et contaminer les sangsues qui vont devenir des monstres gros comme le bras du technicien qu'on verra bouger dans sa marionnette de sangsue mal faite et tuer tout le monde sur le campus et rendre fous et super forts les gars qui les mangeront », on n'a pas vraiment besoin de plus.

Pas plus avec une histoire comme « un groupe de hippies satanistes mangent des tartes à la rage confectionnées par le petit-fils du vétérinaire du coin à qui les hippies satanistes ont fait gober du LSD et ils s'entretuent et tuent tout le monde et une hippie couche avec des ouvriers qui attrapent la rage aussi et deviennent fous et tuent tout le monde avec des machettes et une femme enceinte s'enfonce un pieu dans le ventre ». Honnêtement, ça suffirait pour passer un bon moment, malgré (ou grâce ?) que le compositeur ait pour conception d'une bande-son qui fait peur une note aigue insupportable qui augmente un petit peu (iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiIIIIIIIIIIIIIIIIIIII).

Tout comme « une blonde qui fait partie d'une équipe d'explorateurs d'une planète extra-terrestre équipés de masques de soudure se fait inséminer par des ET à la tête en forme de gland et tue tout le monde ».

Quand on a un scénario béton, donc, on se soucie peu du jeu d'acteurs. Mais il faut reconnaître que la VF, aussi navrants soient les dialogues originaux, la VF ajoute un petit plus certain (« Papy, ces individus sont complètement tarés ! »). Un petit plus qui fait toute la différence entre un film tout pourri et un nanard charmant, en fait.

Et c'est en se disputant là-dessus que j'ai découvert à quel point nos goûts étaient en fait similaires.

Et c'est une belle chose à partager. Ces moments de profonde compréhension avec mon frère et mes soeurs sont ce qui nous attache les uns aux autres. Regarder ces films ensemble tisse entre nous des liens indestructibles, et donne à notre amour une trempe que nul différent ne saurait briser.

Bon, en fait, pas vraiment, on se marre juste bien. C'est quand même bien de partager quelque chose. Et un amour commun des films nazes, c'est sans doute mieux que le golf.

Du film pourri comme ciment familial


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