Magazine Humeur

« Ça use, ça use… »

Publié le 04 octobre 2009 par Jlhuss

C’est la règle huit fois sur dix : on commence dans le flamboyant et on finit dans le pathétique. La vie rabote, le temps lamine. « Dix kilomètres à pied, ça use, ça use… » Je-tu-il fait ce qu’il peut du joli paquetage endossé en prenant la route. On marche, on marche ; on voyait le trajet plus léger ; on arrêterait bien au prochain village. Ce petit ciel gris de nos rêves plumés, nostalgie du mal-fait-mal-dit qui nous poigne soudain sous le platane un soir d’été, un soir d’hiver devant l’écran d’Urgences, d’automne dans le métro du boulot-dodo, de printemps aux bougies d’un anniversaire ; ce quelque chose en nous d’Alain Souchon, pourquoi les gens illustres y couperaient-ils ? Leur fatigue sous les projecteurs prend valeur de paradigme et nous frappe d’autant plus qu’ils se sont crus, qu’on les croyait rois de la vie, enfants chéris de la fortune. S’ils flipflapent comme nous dans la gadoue, ça les rapproche, ça nous rassure, pour un peu on les aimerait !

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Marilyn Monroe, usée d’amant en amant pour une vie sans amour ; Michael Jackson, de chirurgie en chirurgie pour un nom sans visage ; Diana, Dewaere, Bérégovoy, tant d’autres en tout genre dont le temps a trahi le désir !

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Moins tragique, mais qui dira le chagrin du général de Gaulle après le referendum perdu de 1969 ? Le voyage en Irlande, c’était du Sophocle sans paroles. Puis l’enfoncement solitaire dans la sombre maison proche de l’Aube  ; une visite de haut style à Franco, jugée indigne par les petits esprits ; le remâchement de l’ingratitude ; la pesée des efforts, des succès et des échecs dans le flot de l’histoire, jusqu’à la minute de vérité devant une réussite à la petite table du salon.

Surgeon transplanté de la Hongrie rouge, fils sans père, sang mêlé, petit gars chichement diplômé dans le sérail, Nicolas Sarkozy se voulait Président pour être,  être et faire, être en faisant, faire pour changer les choses, croire qu’on le peut quand on le veut fort. S’il y pensait en se rasant le matin, c’est que tout le reste le rasait jusqu’au soir. L’y voilà. Il est, il fait. Il dit. Les choses sont lourdes, résistent, quand on croyait que les mots vrais les entraîneraient. Les choses ont toujours leur force d’inertie ; les mots, déjà le timbre des refrains. Et donc, lorsque l’élu pour si peu, pour si dur, affirme qu’il ne rêve pas à 2012 en se rasant, croyons-le vaguement quand même…

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Le chef-d’oeuvre de com. de mère Thérésa et sœur Emmanuelle ne serait-il pas d’avoir en confession posthume désacralisé leur sainteté, démythifié leur joie ? On leur sait gré d’avoir souvent porté Dieu sans la foi, répandu en son nom la bienfaisance sans croire à sa bonté.

Carla Bruni se grace-kellyse. Son parfum de fleur grisante s’évente dans la visite d’Etat et l’action sanitaire. On se prend à rêver que son charme pourrait encore surprendre. Elle se poserait en Dior et parachute à la clôture d’un 14 juillet ; irait chanter comme Dietrich et Baker pour nos troupes à Kaboul ; une nouvelle fois séduirait le fils après le père. Colette osa relever ce dernier défi chez les Jouvenel à un âge plus avancé…L’âge, chemin de croix des très jolies femmes.

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Plus pathétique que drôle est la vaincue de l’Elysée-2007 et du Reims-2008, brassant encore et toujours son « désir d’avenir » comme une fourmi éperdue tombée dans le mousseux. Si Mme Royal avait retenu ses stoïciens, elle saurait que le désir d’avenir est une faille en sagesse. Désirer l’avenir c’est lâcher le présent, le seul point du temps qui nous appartienne. Le grand show Fra-ter-ni-té  du Zénith rejoint dans le souvenir ceux de Sheila « reine du disco ». La Fraternité-2009, plus comptée qu’une kermesse de patronage, résonne déjà comme une veillée. Que sont les amis devenus ? Besnehard va coatcher ailleurs ; Berger se dit qu’il n’a pas vendu ses Mondrian, Matisse et autres Picasso pour investir dans le vintage ; Peillon et Valls songent qu’ils sont assez grands garçons pour jouer leurs billes à leur compte. Le pétard du bourrage des urnes a fait pfuit sans plomber le canard. Voilà donc bientôt Ségolène Royal, seule femme baroque du paysage français, au pied du mur du morne verger socialiste ; si elle ne le saute pas, elle y tombera blette de sa branche ; si elle le saute, rien n’assure qu’elle retombe sur ses pieds en terre d’accueil. Probable plutôt qu’elle s’y foule, qu’on l’y plâtre sous les huées ; qu’elle traîne la patte, ne soit plus dans la course : bientôt ne soit plus rien du tout.

N’être plus rien, et si ce n’était pas à craindre ? s’il fallait plutôt le souhaiter aux célébrités intelligentes comme l’occasion de revenir à soi, à l’essentiel de soi, à l’incompressible de la personne, tels qu’à nous-mêmes enfin la désillusion nous révèle.

Arion


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