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Le PS tirera-t-il les leçons du nouvel échec de la social-démocratie allemande ?

Publié le 06 octobre 2009 par Albert @albertRicchi

Le PS tirera-t-il les leçons du nouvel échec de la social-démocratie allemande ?Dès la soirée électorale des élections allemandes, bon nombre de journalistes, prenant les raccourcis habituels, ont déployé une certaine ingéniosité pour dire finalement que la CDU d’Angela Merkel avait fait un triomphe et que la défaite du SPD était celle de toute la gauche.

Il est certes indéniable que la droite allemande a obtenu une majorité au Bundestag, mais combien de téléspectateurs ou d’auditeurs auront deviné que le parti de la chancelière et le SPD ont fait l'un des pires résultats de leur histoire ? Et cela dans le contexte d’une abstention record de près de 30 %...

Ces élections marquent un tournant important pour l'Allemagne : la CDU fait son plus mauvais score depuis 1949 ! Le SPD, lui, fait le plus mauvais résultat depuis sa création ! En pourcentage, cela fait 33,8% pour l'union CDU/CSU, 23% pour le SPD, 14,6% pour le FDP, 11,9% pour Die Linke et 10,7% pour les Verts.

Les libéraux du FDP marquent des points importants avec près de 15% des suffrages, ce qui est d'autant plus surprenant qu’en pleine crise financière et de polémique sur les dérives du capitalisme, le FDP incarne le libéralisme économique le plus entier.

Cette victoire aura une importance considérable dans la politique du gouvernement à venir car on est plus au temps d'Helmut Kohl où la CDU/CSU dominait nettement. Dans untel rapport de force, Angela Merkel est restée prudente mais elle devra sans doute donner des gages à Guido Westerwelle, chef du FPD, qui a déjà demandé des allégements d’impôts tous azimuts et l’assouplissement des conditions de licenciement des salariés allemands.

Quant au SPD, peut-on expliquer son échec par sa seule coalition avec la CDU ? En 2005, déjà, le SPD avait subi un recul important et cela, après avoir gouverné seul avec les Verts. Gerhard Schröder n’avait eu besoin de personne pour s’attaquer massivement aux services publics et aux retraites. C’est donc bien le glissement néolibéral du SPD qui vient d’être sanctionné par les électeurs.

Si la social-démocratie fait faillite, la gauche ne disparaît pas pour autant. Les Verts et surtout Die Linke progresse (+ 50%) à proportion de ce que la gauche traditionnelle a perdu.

Certes, le rapport de forces n’est pas inversé mais l’hégémonie du SPD au sein de la gauche est largement battue en brèche. Avec Die Linke, une autre force existe et la question des alliances se pose différemment.

Inquiets des positions de cette nouvelle gauche, ce sont les dirigeants du SPD qui ne veulent pas entendre parler de Die Linke. Les conditions posées par son leader Oskar Lafontaine comportent notamment le retrait des troupes allemandes d'Afghanistan, l'instauration d'un salaire minimum ou l'abrogation de la réforme Hartz de l'assurance chômage. Tout ceci n'a rien d'insurmontable pour une gauche tout simplement réformiste. Mais c'est une autre affaire pour les tenants de la ligne démocrate au sein du SPD…

Cette évolution de la social-démocratie allemande est très profondément idéologique et a déteint depuis longtemps sur les autres partis sociaux-démocrates en Europe, regroupés au sein du PSE.

Le discours qui accompagne ce glissement vers la droite ressasse toujours le même refrain : il n’y aurait pas d’autre solution possible que vivre avec son temps et la mondialisation libérale, de voter Oui au TCE en 2005, etc.

En France, on peut situer le tournant libéral du PS au début des années 1980, sous la présidence de François Mitterrand.

Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre de la même année. Dans la Fonction Publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation "prévu" par le gouvernement.

Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du Travail, article L.141-9 : "sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords."

En 1983, Jacques Delors, ministre de l'économie et des finances, décida de deux plans d'austérité et l’échelle mobile des salaires fut complètement supprimé sans pour autant que le chômage diminue.

Depuis cette date, le pouvoir d’achat des salariés diminue régulièrement, le PS, malgré plusieurs passages au pouvoir, s’étant toujours refusé à réaliser une réforme fiscale globale corrigeant une fiscalité autant archaïque qu'injuste. Car aujourd’hui, nous en sommes à 81% d’impôts indirects contre 19% seulement d’impôts sur le revenu dans la répartition des recettes budgétaires de l’Etat. Une situation très choquante car les impôts indirects touchent de la même manière les personnes les plus riches comme les pauvres, situation encore amplifiée par Nicolas Sarkozy avec le bouclier fiscal et la taxe carbone.

La situation actuelle semble même complètement surréaliste quand on sait que les niches fiscales (73 milliards d’euros par an) représentent une fois et demi l'IR et qu’avec la récupération des 2/3 seulement de ces sommes, on résorberait la plupart des déficits sociaux, voire une bonne fois pour toute les intérêts de la dette publique qui se monte à 50 milliards €.

Cette baisse du pouvoir d’achat des salariés en France mais aussi partout en Europe et aux Etats-Unis est la cause principale de la crise financière que nous connaissons car les ménages ont eu recours massivement au crédit et les banques ont fermé les yeux sur un endettement excessif.

L’augmentation et le maintien du pouvoir d’achat ainsi que la nécessité d’une grande réforme fiscale devraient donc être au cœur d’un véritable projet de gauche. Mais le PS n’a toujours pas tiré les leçons du tournant libéral de 1982-1983, ni de l’échec de la gauche plurielle de Lionel Jospin, ni des 35 heures faites dans la plupart des entreprises avec une baisse des salaires.

Et aujourd’hui, sous peine d’être concurrencé sérieusement par d’autres forces politiques situées sur sa gauche ou par le MoDem et Europe Ecologie, le PS devra dire rapidement s'il est enfin prêt à changer de cap et à devenir ou redevenir tout simplement un parti réformiste au vrai sens du terme.

Pour l’instant, l'absence de tout bilan critique, l’organisation de primaires ouvrant la voie à une américanisation de la politique ou l’application du non-cumul de mandat (curieusement voté par les militants socialistes mais sans date d’effet…) ne sauraient constituer une vision alternative à la financiarisation de notre société…


Retour sur les élections en Allemagne et au Portugal
par lepartidegauche



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