Magazine Culture

Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Publié le 08 octobre 2009 par Irigoyen
Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Mort accidentellement à Paris en 1938 à l'âge de 36 ans, Ödön von Horváth est un dramaturge, auteur d'une vingtaine de pièces et de trois romans. L'étiquette de « citoyen du monde » colle parfaitement à ce Hongrois de langue allemande, né dans une ville croate un temps administrée par l'Italie fasciste. Horváth symbolise cette génération d'hommes constamment ballottés et que Joseph Roth décrira si merveilleusement dans La fuite sans fin - dont je vous conseille, au passage, la lecture –.

Horváth se sent apatride. Il le revendique et devient très vite l'ennemi du nationalisme montant. L'Allemagne nazie lui interdisant l'accès de son territoire, le voilà contraint à l'errance. C'est à ce moment-là qu'il écrit Figaro divorce, une pièce à la représentation de laquelle j'ai pu assister avant-hier soir à la Comédie-Française, salle Richelieu. Du grand, très grand théâtre qui m'a d'ailleurs fait regretter de ne plus être rentré pendant si longtemps dans cette salle. Mais passons.

Le Figaro dont il est question est le même que celui de Beaumarchais. Le valet, accompagné de sa femme Suzanne, aide ses maîtres, le comte et la comtesse Almaviva, à s'enfuir de leur pays alors en proie à l'hystérie révolutionnaire.

Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Mais la nouvelle vie de l'autre côté de la frontière ne plaît pas à Figaro. Aussi décide-t-il de quitter ses maîtres pour s'installer ailleurs avec sa femme et d'ouvrir un cabinet de coiffure où il pense gagner des galons d'homme respecté, respectable.

Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Tout cela n'a qu'un temps. Et le couple va voler en éclats après que Figaro a décidé de rentrer dans sa patrie, même si ce retour ne peut être réalisé qu'après une autocritique. Entreprise couronnée de succès : il finira en haut de l'affiche puisque son revirement constant n'aura d'égal que celui du gouvernement.

Figaro est l'illustration même de l'opportuniste qui parvient toujours à retomber sur ses pattes tout en sauvant ses intérêts. « Une seule solution : il faut choisir. L'honnêteté ou la débrouillardise. Moi j'ai choisi. » déclare le valet à l'acte III. Il se soucie comme d'une guigne de la fidélité aux idéaux, il s'assoit sur la morale, tandis que son ex-femme, réduite au rang d'immigrée, mène une vie sans avenir, à l'image de celle du comte et la comtesse.

Véritable invitation à réfléchir sur la notion d'engagement, de constance, de fidélité, Figaro divorce est parfaitement en prise avec l'actualité. En effet, la presse s'intéressait de près, hier, au ministre de l'immigration Éric Besson, ancien responsable socialiste passé de l'autre côté de la frontière, politique cette fois, celle de l'UMP.

J'ai eu l'occasion de dire ici-même la joie que j'avais éprouvée, en 1998, lors de la représentation d'une autre pièce de Horváth, Sladek soldat de l'armée noire, mise en scène par Jacques Osinski, au théâtre de Gennevilliers avec un Jérôme Kircher étonnant. Si vous avez aimé ce texte, courez donc place Colette. Horváth montre une nouvelle fois son dégoût d'un monde cédant à la facilité de l'intérêt privé.

Vous serez peut-être, comme moi, sous le charme de la mise en scène de Jacques Lassalle - dont je garde en mémoire le travail autour de Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute au théâtre de la Colline – et qui, pour moi, restitue parfaitement cette « merveilleuse » lâcheté bourgeoise.

J'ai été frappé par l'aspect très visuel des personnages qu'on croirait tout droit sortis de toiles du caricaturiste Otto Dix – ou des Damnés de Visconti -. Attention : cette mise en scène ne verse pas dans la caricature pas plus qu'elle ne dénonce avec de gros sabots. Elle essaie de déceler le moment où s'opère le passage dans la lâcheté, l'opportunisme. Pendant près de trois heures – entracte compris – le spectateur est ainsi tenu en haleine. Un spectateur invité à regarder d'abord en lui-même.

Figaro divorce, de Ödön von Horváth, mise en scène de Jacques Lassalle, Comédie-Française, salle Richelieu

Reste maintenant à remonter dans le temps en assistant à tout ce qui précède le divorce, autrement au Mariage de Figaro. Le spectacle sera repris du 11 au 18 juillet de l'année prochaine, toujours à la Comédie-Française. A inscrire sur les calepins ou son agenda électronique !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Irigoyen 43 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine