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Zone cinglée de Kaoutar Harchi

Par Sylvie

ROMAN ADOLESCENT

Zone cinglée
Éditions Sarbacane, collection "Exprim'", 2009
Un premier roman surprenant d'une jeune écrivain de 23 ans, qui tient à la fois du théâtre antique, du roman de science-fiction, du journal intime et du roman social.
Non, ce n'est pas un énième roman sur la banlieue et ses dangers. L'auteur recrée un univers à la limite de la science-fiction, une ville fantastique tout en clair-obscur : une ville-centre, territoire de la lumière, la cité, monde du béton, où les jeunes se brûlent les yeux, éblouis par la lumière et une zone de non droit, vaporeuse, faite de forêts et de marais, l'Antre, où les jeunes hommes se retrouvent....

La Cité, la zone cinglée, territoire de béton et d'ombres, est sous l'assaut de l'armée des Mères qui se sont regroupées dans un blokaus depuis que leurs fils se suicident après s'être brûlé les ailes et les yeux dans les lumières de la ville. Depuis, elles font la chasse aux jeunes hommes et filles pour qu'ils fassent des enfants...car seuls les jeunes enfants ne connaissent pas la mort...Ainsi, l'armée des enfants empêche les morts de visiter les vivants.
Dans cette cité en guerre, l'histoire nous est contée par Taarouck, un jeune homme de 26 ans, qui vit en reclus dans la cité, après la mort de sa mère, le retour de son père au bled ; il s'occupe de son petit-frère, champion de l'haltérophilie, qui rêve de devenir un poster...
La nuit, il se faufile dans l'Antre, zone de marécages et de forêts, où des ombres vagabondes se promènent ; son rêve : rejoindre ce territoire et les lumières de la ville-centre pour vivre son homosexualité...
Quelques poncifs de la banlieue, certes, comme les femmes battues, le père absent mais c'est tout. Là n'est pas l'essentiel.
Le territoire urbain devient un combat d'ombres et de lumières. Le long chemin vers la libération de Taarouck équivaut à un chemin vers la lumière.
Une écriture aux fulgurances poétiques qui rappelle le théâtre antique : mal-être et rêves du jeune-homme, choeur des mères en deuil, femmes drapées de noir qui évoquent les érinyes, les déesses grecques de la vengeance, qui poursuivent les ennemis de la cause, qui frappent, étranglent et déchirent ou encore les Troyennes d'Eschyle.
Le découpage des chapitres en actes renforce l'aspect tragique du récit. Une première oeuvre très rythmée qui fait place à l'oralité ; un drame urbain qui revisite les tragédies antiques en créant d'un côté un choeur de femmes et de l'autre un groupe d'hommes désoeuvrés. Entre les deux, une voix d'homme solitaire qui rêve de partir et d'assumer sa différence. A lire.


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