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(Trop) sage comme une image

Publié le 18 octobre 2009 par Boustoune

Après la très médiocre série des Astérix (à l’exception notable de Mission Cléopâtre), les calamiteux Iznogoud et Les Dalton, et en attendant le Lucky Luke de James Huth, le cinéma comique français puise une nouvelle fois dans l’œuvre du génial René Goscinny en adaptant Le petit Nicolas.
Il fallait oser s’attaquer à cette série de nouvelles qui, comme les titres précités, est profondément ancrée dans l’imaginaire collectif. Comment retranscrire à l’écran le savoureux style de narration mis au point par Gosciny ? Comment rendre le trait unique de Jean-Jacques Sempé, qui avait illustré les récits de ses dessins épurés ?
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Impossible, évidemment. D’ailleurs le réalisateur Laurent Tirard n’essaie même pas. Il se contente d’empiler certaines des histoires marquantes de l’œuvre. Celles montrant le petit Nicolas à la maison, assistant aux disputes et aux réconciliations de ses parents à propos de tout et n’importe quoi – un poste de télévision, des leçons de conduites pour Maman, le travail mal payé de Papa, exploité par Monsieur Moucheboume – mais aussi les engueulades de son père avec le voisin, Monsieur Blédurt… Et puis, surtout, les histoires qui montrent Nicolas en classe avec ses copains. On retrouve donc Alceste, le gros qui mange tout le temps, Eudes le bagarreur qui aime bien mettre des coups de poing sur le nez, Rufus dont le papa est policier, Geoffroy dont le papa est très riche, Agnan le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse et Clotaire le cancre rêveur. Seuls manquent à l’appel Maixent, celui qui a toujours les genoux sales, curieusement oublié, et Joachim, qui est terrible aux billes. Mais lui, son absence sert de point de départ au scénario.
Car pour éviter de donner l’impression d’une succession de sketches, les scénaristes ont relié les séquences avec une intrigue confrontant Nicolas, comme son copain Joachim, à l’hypothétique arrivée d’un petit frère. Un événement anodin qui, dans son imaginaire d’enfant, se transforme en scénario angoissant. Et si ses parents l’abandonnaient après la naissance du bébé, comme dans ce conte que la maîtresse a lu en classe, « Le petit Poucet »?
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Ce faisant, les auteurs retrouvent les ingrédients essentiels des récits imaginés par René Goscinny : l’observation de l’univers complexe des adultes par le prisme d’un regard d’enfant, et le traitement de sujets dans lesquels peuvent se reconnaître aussi bien les plus jeunes que leurs parents. Bien qu’ancrées dans les années 1950, les aventures du petit Nicolas sont à la fois assez universelles et intemporelles, capables de toucher des spectateurs contemporains. Fidèle à l’esprit de l’œuvre originale, porté par le charme des personnages et l’humour des situations, Le petit Nicolas version cinéma est donc capable de séduire un public familial assez large.
Le problème, c’est qu’il est plombé par une réalisation très plate, trop « scolaire » si j’ose m’exprimer ainsi… Laurent Tirard n’est certes pas un Clotaire de la mise en scène, mais n’est pas un Agnan non plus. Il peine notamment à insuffler à sa comédie le rythme nécessaire. C’est d’ailleurs assez curieux, car bien que les petites histoires s’enchaînent un peu trop rapidement, l’ensemble dégage une impression d’apathie. Le long-métrage manque également cruellement de cette poésie et cette folie qui imprégnait les récits de Sempé et Goscinny.
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Bref, c’est assez fade et bien trop sage, à l’image de l’acteur choisi pour incarner le rôle-titre. Le jeune Maxime Godart a certes une bonne bouille, mais il est trop figé, trop discipliné, trop raisonnable. Dommage, car le film repose en grande partie sur lui… Il aurait mieux valu confier le personnage de Nicolas à son partenaire Victor Carles, assez irrésistible dans le rôle de Clotaire, à la fois doux rêveur et plein d’énergie, plus proche de l’idée que l’on pouvait se faire du tempérament du jeune héros.
C’est la seule « erreur » dans un casting plutôt bien choisi. Les gamins ressemblent physiquement aux personnages, surtout Vincent Claude (Alceste) et Damien Ferdel (Agnan). François-Xavier Demaison s’amuse comme un fou dans le rôle du Bouillon, le surveillant de l’école, surnommé ainsi parce qu’il dit toujours « Regardez-moi dans les yeux » et qu’il y a des yeux dans le bouillon. Sandrine Kiberlain, assez effacée, apporte néanmoins sa fraîcheur à la maîtresse d’école. Une chouette maîtresse, plus sympathique que celle campée par Anémone, parfaite en peau de vache autoritaire. Et s’ils ne ressemblent pas vraiment aux personnages tels que Sempé les avait imaginés, Kad Merad et Valérie Lemercier sont plutôt convaincants en parents du petit Nicolas, apportant même les rares touches de folie d’un film qui en manque cruellement.
On sent que les acteurs ont pris du plaisir à jouer dans ce film et leur enthousiasme est en partie communicatif. C’est malheureusement insuffisant pour faire de ce Petit Nicolas autre chose qu’un divertissement basique, trop lisse et trop consensuel.
Bien sûr, vous pouvez vous laisser tenter et passer quand même un agréable moment en famille. Mais vu le prix de la place de cinéma, je vous conseille plutôt d’investir dans l’achat des livres de Sempé et Goscinny, qui sont autrement plus « chouettes » (*)
Note : ÉtoileÉtoileÉtoile

(*) « Le petit Nicolas », « Les récrés du petit Nicolas », « le petit Nicolas et les copains », « les vacances du petit Nicolas », « Le petit Nicolas a des ennuis » de Jean-Jacques Sempé et René Gosciny – coll. Folio Junior – éd. Gallimard / « Histoires inédites du petit Nicolas » (T1 et T2), « Le ballon et autres histoires inédites » de Jean-Jacques Sempé et René Gosciny – éd. Imav Eds
Le petit Nicolas

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