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Lettre ouverte à Melle S.

Publié le 21 septembre 2009 par Blogcoolstuff
Lettre ouverte à Melle S.
Mademoiselle S.,
vous avez eu la gentillesse de bien vouloir m'envoyer le communiqué de presse annonçant l'exposition de Monsieur Christian G. à la galerie Pierre C. ainsi que celui relatant le vernissage de la dite exposition. Je vous en remercie. Et vous invite à ne plus prendre cette peine dans l'avenir tant il me semble évident que ce ne peut être que par erreur que je reçois cette correspondance.
Je ne souhaite en effet en aucun cas être un "invité privilégié", ni de la galerie pour laquelle vous travaillez ni de tout autre lieu. D'une manière générale j'exècre les privilèges de quelque nature qu'ils soient, à plus forte raison quand ils sont associés à une pratique artistique que je goûte précisément pour son caractère foncièrement égalitaire.
Dans ces conditions vous comprendrez aisément que le fait d'apprendre que l'exposition à laquelle vous me conviez aura lieu sous les bons auspices de sa Majesté "Clotilde C., Princesse de Venise", loin de m'inciter à m'y rendre, aurait plutôt tendance à m'en détourner. Enfin peu me chaut d'apprendre que, "retenue aux Etats-Unis où Hollywood fait appel à son talent d’actrice", sa Majesté n'aura pas pu participer au vernissage mais qu'elle y "était représentée par son époux, le prince de Venise, Emanuele-Filiberto de S.". Vous l'aurez compris, vous vous adressez là à un gueux dont les rêves ne sont peuplés de têtes couronnées et de sang bleu que lorsque les premières se vident du second grâce à l'ingéniosité du bon docteur Guillotin.
Je confesse cependant de bonne grâce que le réel intérêt que j'éprouve pour le travail de l'artiste présenté par votre galerie m'aurait sans nul doute rendu la lecture de votre second communiqué attractive pour peu que, de ce travail précisément, il y en eut été question.
Force est de constater que tel n'est pas le cas et que, pour toute information, celui-ci ne comprend que la liste des illustres présents lors de la soirée d'inauguration : "la princesse Hélène de Y., la princesse Laure de B.-C., la princesse Hermine de C. T., la princesse Anne de B. S., Viviane B. (TF1), Sydney P., M., Ina Giscard d’E. et sa fille May, Pia de B." Sans doute aurais-je été fort impressionné par pareil casting si d'aventure j'avais eu une bonne raison d'être au courant de l'existence de ces personnes mais, puisque tel n'est pas le cas, je dois avouer que pareille "information" me semble tout à fait dénuée d'intérêt.
Pour les mêmes raisons, c'est sans aucune espèce de curiosité que je découvre la mine enjouée de ces illustres inconnus sur les photographies du vernissage que vous avez eu la gentillesse de joindre à votre correspondance. Je me permettrais qui plus est de regretter que les dites personnalités se trouvent au premier plan des prises de vue, dissimulant de la sorte ce qui constituait le prétexte de cette soirée, à savoir les oeuvres exposées.
Lettre ouverte à Melle S.
Je vous informe toutefois du fait que je prévois d'utiliser deux de ces photographies pour illustrer la présente lettre ouverte. En effet ces deux images sélectionnées se distinguent des autres que vous mettez si aimablement à ma disposition de par leur caractère involontairement significatif et révélateur de la vraie nature de la manifestation à l'organisation de laquelle vous avez participé.
Ces photographies ont pour point commun de présenter deux de vos prestigieuses invitées posant aux côtés d'oeuvres exposées. Sur la première une dame accompagnée d'un gendre idéal ouvre la bouche à la manière du modèle peint sur la toile devant laquelle elle prend la pose. L'effet comique visiblement désiré par cette illustre personne repose (ou plutôt "est censé reposer") sur le fait qu'elle possède une dentition parfaite quant le modèle portraitisé par l'artiste - un homme de la rue à n'en pas douter - est quant à lui presque totalement édenté. J'avoue ne guère goûter la boutade.
Sur la seconde image sélectionnée, le modèle, toujours une dame élégamment vêtue, prend la pose devant une autre oeuvre de l'artiste figurant cette fois une mendiante en haillons tendant la main dans l'espoir de recueillir quelque menue monnaie. Le "comique" laisse ici place à la tragédie, tragédie de deux mondes qui ne sont pas fait pour se rencontrer et dont la réunion fortuite dans une galerie d'art, loin de permettre une compréhension mutuelle, ne mène finalement qu'au mépris réitéré d'une classe sociale à l'encontre d'une autre.
Dans ces conditions vous comprendrez qu'il n'est pas utile de me faire parvenir "un CD avec ces visuels en haute définition". Il est des choses que je préférerais ne pas avoir à voir, que ce soit en haute ou en basse définition.
Il est temps maintenant pour moi de vous laisser. Non sans avoir réitéré le voeu de ne plus être le destinataire de votre communication que je ne saurais envisager de "diffuser auprès de mes lecteurs" comme vous en formulez la demande. Passionné de street culture, j'ose encore croire à la force subversive de celle-ci et ne saurais donc me résoudre à faire la promotion de ce qui, à mon sens, va à l'encontre de cette pratique et de la philosophie qui la sous-tend.
Bien cordialement à vous,
Some Cool Stuff

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