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PublicAdCampaign contre les fils de pub

Publié le 19 août 2009 par Blogcoolstuff
PublicAdCampaign contre les fils de pub
PublicAdCampaign est un site internet militant. Créé par l'artiste américain Jordan Seiler, il a pour thème la ré-appropriation de l'espace public par la population. Jordan Seiler ne peut en effet se résoudre à voir les rues de sa ville, NYC, se transformer en espaces publicitaires géants. En outre il milite pour que cet espace vital qu'est l'espace public puisse être réinvesti par la population.
C'est un fait, jamais la population des villes n'a eu aussi peu le droit d'occuper l'espace public qu'aujourd'hui. Pourtant censé être le lieu de l'interaction entre les citoyens ("vous avez l'heure s'il vous plaît ?", "pourriez-vous à l'avenir éviter de mettre votre poubelle devant ma porte ?", "pousse toi de là que je m'y mette !"...) et donc de la démocratie réelle (à l'inverse de l'espace privé qu'est le domicile lequel, bien que garanti par la démocratie, est quant à lui un espace foncièrement apolitique), l'espace public se résume aujourd'hui le plus souvent à un espace vide de toutes relations intersubjectives autres que celles fondées sur le maintien de l'ordre... et du marché.
PublicAdCampaign contre les fils de pub
En lieu et place des espaces autrefois dévolus à l'expression libre de chacun (les plus jeunes d'entre vous qui ne voient pas trop de quoi je parle peuvent encore découvrir, dans tel ou tel village isolé, les "panneaux d'expression libre" qui autrefois pouvaient également être aperçus sur les trottoirs des villes...) sont apparus de multiples panneaux publicitaires qui, profitant de l'éternelle soif de rentabilité faisant office de conscience politique pour nos classes dirigeantes, se sont littéralement appropriés ce qui pourtant est censé nous appartenir à tous : l'espace public. Aujourd'hui une simple promenade dans la rue se transforme d'emblée en séance de lavage de cerveau : les promeneurs ne sont plus que des consommateurs en puissance.
La privation (pour ne pas dire la "privatisation") progressive de l'espace public est cependant un phénomène global qui prend bien d'autres formes que l'omniprésente publicité. Depuis plusieurs années la répression ne cesse de s'accroître contre les artistes de rue, quand bien même ceux-ci se contentent de peindre une façade appartenant à un bâtiment abandonné ou de jouer un air d'accordéon au coin de la rue. Par ailleurs, dans de nombreuses villes les SDF sont priés d'aller mendier ailleurs et les manifestants sont plus souvent accueillis par des forces de l'ordre surarmées que reçus dans le bureau du Sous-préfet.... Le constat est sans appel : l'espace public est devenu un simple espace de passage dans lequel le citoyen n'a que le droit de consommer (et de stationner payant) et surtout pas celui de s'exprimer.
PublicAdCampaign contre les fils de pub
Revenons en donc au PublicAdCampaign et la lutte d'intérêt général qu'il mène précisément dans ce domaine. Le PAC référencie en ligne les panneaux publicitaires illégaux de la ville de New York, véritables fléaux visuels et psychologiques dont sont conjointement responsables des sociétés d'affichage peu scrupuleuses, des propriétaires de murs désireux de se faire de l'argent facile et des autorités rechignant à faire appliquer la loi. Par ailleurs le site se fait l'écho d'actions artistiques prenant pour cible les emplacements publicitaires, que ceux-ci soient légaux ou illégaux.
Le PAC est également lui-même à l'origine d'opérations de sabotage de panneaux d'affichage. L'une de ses pratiques favorites consiste à apposer sur ces espaces des sortes de cartels annonçant, par exemple, de manière cynique : "bientôt à cet endroit, encore plus de publicités illégales et autres saloperies que vous n'avez pas demandées".

En avril dernier le PAC a passé la vitesse supérieure dans son activisme anti-pub. Il a en effet organisé une vaste opération de ré-appropriation de l'espace public intitulée "New York Street Advertising Takeover" en invitant une quarantaine d'artistes à peindre 120 panneaux publicitaires illégaux de la société NPA City Outdoor qui semble être spécialisée en la matière. Des artistes comme Ji Lee, Tristan Eaton ou encore Gaia étaient de la partie. Chaque oeuvre était accompagnée d'un petit texte précisant que les espaces publicitaires en question avaient été considérés comme illégaux par l'Office of Sign Enforcement du Department of Buildings et que, par conséquent, si la société NPA City Outdoor avait le culot de recouvrir les oeuvres par de nouvelles publicités, elle encourrait des poursuites en justice !
Récemment le ton est encore monté d'un cran entre PublicAdCampaign et la NPA. Le 04 août dernier, Jordan Seiler était averti que la dite société venait d'installer un nouveau panneau au coin de la 13ème rue et de Washington street. En l'occurrence ce coin de rue était orné depuis plusieurs mois par un superbe graff de Conor Harrington. La compagnie d'affichage ne s'en était bien évidemment pas soucié et avait tout simplement apposé son panneau sur le graffiti en question. Représaille à l'encontre des street-artistes et de leur campagne "New York Street Advertising Takeover" ? C'est peu probable : on imagine mal les dirigeants d'une telle compagnie se soucier d'autre chose que de profits et s'encombrer l'esprit de questions de principe. Mais précisément, des principes, PublicAdCampaign en a et tient bien à les défendre. C'est ainsi que le 12 août dernier, Jordan Seiler n'était pas peu fière d'annoncer sur son site que le pan de mur graffé par Conor Harrington venait d'être "libéré" (entendé par là que le panneau publicitaire avait été déboulonné) et que le travail de l'artiste était à nouveau visible.
PublicAdCampaign contre les fils de pubEtape 1 : le coin de la 13ème rue et de Washington street est orné d'un graff de C. Harrington
PublicAdCampaign contre les fils de pubEtape 2 : la NPA City Outdoor ne s'emmerde pas et le cache avec un panneau publicitaire illégal
PublicAdCampaign contre les fils de pubEtape 3 : PublicAdCampaign prend en main la situation et libère le pan de mur
En plus de son efficacité réelle, ce type d'action a le mérite de mettre le doigt sur une situation problématique valant aussi bien pour la France que les USA, à savoir l'empressement des autorités à poursuivre toujours plus sévèrement les artistes donnant à voir leur travail dans la rue et leur frilosité quand il s'agit de sanctionner des sociétés de publicité qui, en plus de s'asseoir sur les réglementations en vigueur, oeuvrent pour de toutes autres raisons que le bien commun.

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