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Lire en norvege, au fond des fjords

Par Abarguillet

LIRE EN NORVEGE, AU FOND DES FJORDS

Lire au fond des fjords

Toujours au Nord, comme le professeur Tournesol allant toujours à l’Ouest, nous continuerons notre route vers la Norvège pour rencontrer des grands auteurs dont deux Prix Nobel de littérature : Knut Hamsun, l’homme de tous les excès et Sigrid Undset, une grande pionnière du féminisme, qui tous les deux ont écrit merveilleusement sur l’amour et la difficulté d’aimer. « Avez-vous déjà, ne fut-ce qu’une seule fois, vu un homme épouser celle qu’il aurait dû ? » Et, notre troisième auteur, Aksel Sandemose aurait peut-être pu répondre à cette question mais ce misanthrope aigri n’aurait certainement pas répondu favorablement car son marchand de goudron ne fut, lui non plus, guère aimé.

Et pour partir dénicher ces grands auteurs au fond des fjords norvégiens quoi de mieux indiqué qu’un auteur de romans policiers ? Nous partirons donc en compagnie de Jo Nesbo, un des dignes représentants de ces auteurs de polards nordiques qui obtiennent depuis quelques années un succès qui dépasse nettement le limites du conseil nordique.

L’étoile du diable de Jo Nesbo (1960 - ….)

« Rien n’est plus long que de choper un tueur en série » et il faudra près de cinq cents pages à Nesbo pour nous livrer l’assassin de Camilla, Lisbeth et Barbara retrouvées toutes les trois dans des lieux différents, mais pas n’importe lesquels, avec une balle dans la tête, un doigt de la main gauche en moins et un diamant rouge en forme d’étoile déposé sur une partie de leur corps. L’inspecteur Waaler est chargé de cette enquête avec Hole pour le seconder mais Harry Hole n’aime guère son collègue qu’il soupçonne d’appartenir à une organisation responsable de la mort de la fille qui partageait son bureau quelque temps auparavant. Et, comme dans tout bon polar qui se respecte, Hole est un ivrogne invétéré qui a perdu la confiance de la femme qui essaie de partager sa vie et de sa hiérarchie qui fait de gros efforts pour ne pas le mettre directement à la porte. Il pourrait s’inscrire au club des policiers qui ont meublé avantageusement les rayons des librairies depuis un certain temps, les Pepe Carvalho, Montalbano, Rebus, Wallander et autres …. qui ont tous le même profil pochtron, grognon et franc tireur mais aussi flic de génie. A croire que le talent des policiers ne s’épanouit que dans l’alcool et à se demander comment la corporation n’a pas encore réagi à cette image récurrente.

Nesbo livre là un bon gros polar ligoté avec de la ficelle bien grosse, même un peu grosse, dont l’intrigue ne manque pas toutefois d’une certaine adresse bien que les thèmes utilisés soient un peu usés. On retrouve, évidemment, dans cette histoire des néo et des crypto nazis, des policiers corrompus, un complot international, des signes sataniques, etc… et le tout dans une ambiance un brin gothique. Et pour que la soupe soit complète et nourrisse bien le lecteur, Jo n’hésite pas à mettre en scène divers personnages appartenant aux milieux de la presse, du spectacle et de la marge. On doit reconnaître que l’auteur à un art consommé du suspens et qu’il sait utiliser tous les trucs du métier pour tenir le lecteur en haleine – gare aux nuits blanches – presque jusqu’au bout car hélas, comme dans de nombreux polars, la fin ne finit pas de finir, sans réel suspens d’ailleurs, mais avec l’éternel phénix qui renaît non pas de ses cendres mais de sa bouteille d’alcool.

Le seul point qui pourrait peut-être distinguer ce polar des autres, c’est qu’il n’est pas imprégné d’un quelconque misérabilisme générateur de névroses ou de motivations pécuniaires qui expliqueraient tous ces meurtres, mais au contraire il stigmatise la richesse brutale qui frappe la Norvège gavée de pétrodollars. « Malheureusement, nous vivons dans un pays qui est pour le moment si riche que les hommes politiques se battent pour être le plus généreux. Nous sommes devenus si bons, si gentils, que plus personne n’ose prendre la responsabilité de ce qui est désagréable. » Qui pensait que la misère engendrait l’insécurité ? Mais la richesse aussi peut-être mère de vices et de risques !


Victoria de Knut Hamsun  ( 1859 -  1952 )

Victoria, c’est un grand roman d’amour, l’histoire d’un amour impossible à la mode norvégienne. Victoria et Johannes s’aiment depuis l’enfance mais elle est la fille du châtelain et lui le fils du meunier et, dans la Norvège de la fin du XIX° siècle, on ne mélange pas les châtelains et le meuniers. C’est l’archétype du roman de l’amour impossible.

Hamsun a écrit ce roman juste après son mariage qu’il savait condamné à l’avance car il n’aimait pas sa femme et préférait s’adonner à la boisson et au jeu ce qui lui causa de graves ennuis. Admirateur précoce d’Adolf Hitler, il reçut néanmoins le prix Nobel de littérature en 1920, avant qu’Adolf ne devienne réellement Hitler.

Printemps de Sigrid Undset  ( 1882 - 1949 )

Sigrid Undset fut elle aussi honorée du Prix Nobel de littérature mais quelques années plus tard, en 1928. Printemps est le récit d’un amour qui n’en est pas un, c’est l’histoire d’une femme mariée avec un homme qu’elle n’aime pas, qui décide de rompre ce mariage et qui constate finalement que la vie avec ce mari de fortune n’est peut-être pas la moins bonne solution. Ce livre est une ode à la femme libérée, maîtresse de son sort et de son avenir et qui ose affronter les préjugés qui s‘abattent sur elle. C’est un livre profondément féministe écrit juste avant la première guerre mondiale.

Le marchand de goudron  de Aksel Sandemose  ( 1889 - 1965 )

Sandemose est un peu le Céline du nord, misanthrope virulent, il se proclamait volontiers frère jumeau des monstres. Dans ce roman, le marchand de goudron veut se venger d’un père qui n’a pas voulu le reconnaître à la naissance et de la femme dont il est séparée. Il mitonne une vengeance raffinée, œuvre de toute une vie, qui conduira le héros là ou la haine rejoint l’amour dans sa forme la plus exacerbée. Un roman de la passion qui emporte tout, détruit tout et conduit aux confins crépusculaires de l’âme. Un roman où je me souviens avoir trouvé aussi pas mal d’amertume.


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