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Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel Ungaro

Publié le 22 octobre 2009 par Littlestylebox
A la demande de Chonchon, je devais vous faire un petit topo sur ce qui s'est passé chez Emanuel Ungaro pour le défilé Printemps-Eté 2010, défilé que certains qualifient déjà de défilé de la honte...
Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel UngaroLa marque Ungaro a eu du mal à revenir sur le devant de la scène depuis le départ de son fondateur en 2004. Emanuel Ungaro formé par Balenciaga et Courrèges avait marqué la mode des années 70-80 par ses mélanges d'imprimés et ses drapés. La marque avait ensuite été vendue à Ferragamo en 1996 puis à l'entrepreneur Asim Abdullah en 2005. Après le départ d'Emanuel Ungaro, les directeurs artistiques se sont succédés: Giambattista Valli (2004), Vincent Darré (2005), Peter Dundas (2006), Esteban Cortazar (2008)... Etonnament (ou pas), tous ces directeurs artistiques se sont fait descendre par la critique lors de leur passage chez Ungaro. Cela peut paraitre étonnant à posteriori pour des designers souvent expérimentés et qui ont vu depuis leur carrière décoller: Giambattista Valli s'occupe de sa propre marque et dessine la collection Gamme Rouge de Moncler, tandis que Peter Dundas a repris avec beaucoup de talent la direction artistique de Pucci. La marque Emanuel Ungaro serait il donc maudite ?
Il semble bien que oui... Esteban Cortazar remercié, c'est Estrella Archs qui reprend le difficile flambeau ! Formée à la célèbre St Martins de Londres, Estrella Archs a officié chez Hussein Chalayan, Nina Ricci, Pucci avec Christian Lacroix ou Prada. Elle a notamment fait un passage éclair à la direction artistique de Cacharel et a lancé sa propre marque Estrella Archs. Avec un tel background et un style personnel et romantique, Estrella avait très probablement la vision nécessaire pour réussir à la tête d'une marque comme Ungaro. Qui plus est, pour cette nomination exceptionnelle, Estrella Archs s'est vu adjoindre Lindsay Lohan comme conseillère artistique. Nommer une fashionista branchée comme Lindsay Lohan, voilà un gros coup médiatique pour la marque !
Mais, la nomination a tout de suite été critiquée par la presse spécialisée et les professionnels. Et au final, pourquoi pas ? L'expérience a montré que certains people ont réussi dans le milieu de la mode comme Chloé Sevigny pour Opening Ceremony, les soeurs Mary Kate et Ashley Olsen avec leur marque The Row ou Gwen Steffani avec LAMB. Lindsay Lohan, digne représentante de la jeune cliente branchée américaine, pouvait être un bon tremplin pour moderniser la marque...
Le résultat n'a pas déçu. Le show a été considéré pour beaucoup de professionnels comme une mascarade de défilés: robes ultra-courtes quasi déshabillées, mélanges de couleurs plus qu'audacieux, du rose barbie à ne plus pouvoir le voir en couleur, et des petits coeurs qui se multiplient sur les tenues et se collent sur le front ou en cache-téton... Les critiques s'en sont donnés à coeur joie.
WWD: As for the clothes, they looked cheesy and dated, as has often been the case chez Ungaro during the post-Emanuel revolving door of designers. Hot pink, orange and flashy, with an overworked heart motif relentless in its execution, the collection displayed none of the promised younger side Lohan was supposed to deliver. Nor in a million years would one guess that the lineup was designed by one young woman and creative directed by another. Glitter heart pasties all around, ladies?
Syle.com: This quickly devolved into a bad joke of a fashion show, one with questionable color combinations, "bad eighties" draped silk jackets and drop-crotch pants, old-fashioned and ill-judged fur stoles, and, yes, tasteless sequin pasties. To top it off, the fabrics and the construction lacked the finesse you expect from a famous Avenue Montaigne brand.
Le Figaro: Chronique d’un naufrage annoncé chez Emanuel Ungaro… mais coup médiatique remarquable et payant. « Lindsay Lohan est chez Ungaro », entend-on ici et là. Ce n’est pas tout à fait ça : en fait, elle conseille la nouvelle créatrice maison Estrella Archs. Mais tout le monde s’en fout, l’actrice de seconde zone remporte la mise. Alors silence gêné lorsque Archs et Lohan sortent au finale après un consternant travail de démolition de la griffe entrepris sous l’égide de son président, Mounir Moufarrige.
New York Times: Ms. Lohan’s arrival at a 45-year-old Paris house known for $1,500 dresses and a tradition of couture craftsmanship is entirely different, something akin to a McDonald’s fry cook taking the reins of a three-star Michelin restaurant.

Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel UngaroEstrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel Ungaro

Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel Ungaro
Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel Ungaro

Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel Ungaro
Estrella Archs et Lindsay Lohan, le défilé de la honte chez Emanuel Ungaro


Les raisons de cet échec sont nombreuses: La nomination de Lindsay était une première hérésie. Même si Lindsay Lohan fait souvent les pages mode des magazines people, on oublie trop souvent que comme quasiment toutes les stars américaines, ce sont des stylistes qui l'habillent pour les grandes occasions.
Ensuite, l'alliance d'Estrella Archs et Lindsay Lohan: pas facile de faire une collection à quatre mains, surtout avec des goûts aussi différents. Au final, il semble que ce soit Lindsay, simple conseillère, qui ait eu le mot de la fin sur les looks: Lohan’s involvement became clear during a preview when a seamstress, speaking in French, complained to Ms. Archs that she did not want to make further changes to a dress until “Mam’selle” had made up her mind. (source: NYT). Une telle union aurait pu marcher un peu mieux si Lindsay avait laissé faire son travail à Estrella, se contentant d'un rôle de muse et de conseil (et non pas de design).
Ensuite, le temps bien sûr, la collection a été accouchée en à peine un mois, ce qui est simplement du suicide...
Enfin, l'establishment mode était bien sûr trop heureux de pouvoir tirer à boulets rouges sur cette nomination iconoclaste. Comment oser mettre une starlette sans la moindre formation en design à la création d'une maison aussi prestigieuse ?
Au final, la catastrophe était donc prévisible et annoncée. Mounir Moufarrige, président d'Ungaro depuis mars 2006, était clairement conscient de la polémique qui allait être générée par un tel défilé, mais estimait que la publicité serait suffisante pour soutenir des ventes en plein plongeon avec la crise. Il avoue avec humour au NYT: I’ll tell you one thing on the level, I am crazy. Someone said there are not enough crosses to put me on.
Après tout, qui lit WWD ou le New York Times à part les professionnels de la mode ? Ce que les clientes retiendront, c'est que Lindsay Lohan est chez Ungaro, et ce sera probablement suffisant pour drainer une foule de jeunes fashionistas curieuses dans ces magasins.
Pour conclure, est ce que je pense que ce défilé était si raté que cela ?
OK, ce n'est pas du tout mon style... et j'ai trouvé ce défilé juste moyen, voire parfois de mauvais goût. Mais il ne méritait peut être pas un tel acharnement. Beaucoup de défilés simplement ratés font l'objet de critiques évasives. La mode étant une affaire de goûts et de ressentis, la ligne entre le génie et la médiocrité est très fine... Emanuel Ungaro a un peu joué à quitte ou double: un défilé réussi aurait eu une couverture médiatique sans pareille, tandis qu'un échec est encore plus retentissant.
Ce qui a agacé au final les fashion editors (souvent très conservateurs), c'est de tourner en dérision un sujet aussi sérieux que la mode. Le message est clair: on ne peut pas s'improviser styliste, c'est un métier et il faut du talent !

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