Cliché R. Rambaud
L'invasion des images favorise-telle la lecture de notre monde ?
Pas si sûr...
Quand on voit, et j'y contribue, l'avalanche de photos qui inondent le web, les affiches dans les rues, les illustrations des magazines, on a presque envie de dire :
"un peu de silence... chut ! "
Et puis de temps en temps, un visage émerge qu'on oubliera pas, une lumière douce qui nous rappelle un souvenir, un cadrage audacieux qui montre notre planète dans sa beauté et/ou sa cruauté, une juxtaposition émouvante ou au contraire trop banale.
Alors l'image est pleinement dans son rôle : l'émotion, la dénonciation, la représentation du monde. Aux antipodes de la consommation et de son hystérie.
Comme l'affirme la philosophe Marie-José Mondzain ("Qu'est-ce que tu vois ?", "L'image peut-elle tuer ?... ") , l'image fait voir, créée du lien ; elle permet de vivre ensemble parce qu'elle est un "opérateur" de partage. Elle assemble des sujets différents reliés par la parole. Il lui faut lenteur, durée et grâce.
Tout le contraire des images qu'on nous donne à consommer et qui doivent être immédiatement digérées dans une sorte de fusion et de soumission qui n'a rien à voir avec la liberté de ceux qui voient.
Le dernier numéro de Livres-hebdo est à cet égard très évocateur du paradoxe où nous sommes. On y "voit" une superbe photo de paysage (David Parker), deux rochers "penchés l'un vers l'autre" en pleine mer, l'ensemble de couleur bistre pâle, avec en surimpression un titre "Flammarion Beaux livres 2009" et un sous-titre : "une image vaut mille mots, Confucius".
Une telle couverture est très étudiée. Sa qualité est évidente et l'on ne peut qu'être bienveillant, attiré que l'on est par cette cohérence image/texte et la beauté de l'ensemble.
Mais le doute subsiste car rien de tout ceci n'est gratuit, ni la belle photo ni la citation de Confucius. Il faut bien vendre les belles images et les éditeurs le savent, business is business là aussi, les photographes doivent vendre leur production. Noël approche.
Oui, "une image vaut mille mots ", mais Confucius ne voulait-il pas seulement dire que la simplicité de l'image fait sa force ? Quand aujourd'hui on entend le froissement des billets derrière le mot "valeur" ? Et qu'on utilise sa parole pour faire vendre ?
Voir les images et se représenter le monde vaut patience, détachement et un peu de silence...
Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !