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Grandeur et décadence du panserbisme (1), par Éric Timmermans

Publié le 22 octobre 2009 par Roman Bernard

1. Les rêves brisés de la Grande Serbie

Des hauteurs des citadelles de Belgrade et de Novi Sad, on peut voir plusieurs ponts enjamber le Danube. Certains d'entre eux sont flambant neufs. La tour Usce, le plus haut édifice de Belgrade, revêt aussi cette même apparence de nouveauté. De fait, elle fut restaurée entre 2003 et 2005. L'on prévoit, en outre, la construction d'une tour jumelle en 2010. Au cœur du quartier administratif de Belgrade, l'on peut encore voir quelques immeubles éventrés, souvenirs du bombardement atlantique de 1999. À Novi Sad, une affiche défraîchie et partiellement taguée, montre l' « avant » et l' « après », des photos de ponts avant et après lesdits bombardements.

Alors que le soleil se couche sur le Danube, dont les eaux s'en vont rejoindre celles de la Save, avant de poursuivre leur route vers la Mer noire, pendant que les Belgradois déambulent sur leur joli piétonnier et que d'autres, tout comme moi, s'attardent dans les murs de la citadelle, à quelques pas du monument de la Victoire et de cet autre édifice, élevé en l'honneur de la France (1), il m'est bien difficile d'imaginer que, dix ans plus tôt, Belgrade et la Serbie étaient soumises aux frappes intensives de l'OTAN. Difficile d'imaginer aussi que je suis là au cœur d'un pays dont je n'ai eu de cesse, du fait de mon soutien à la cause croate, de dénoncer la politique, durant toutes les années 1990.

En mai 1989, Slobodan Milosevic est élu Président de la Serbie, l'une des entités fédérées de la Yougoslavie post-titiste. À l'occasion du 600e anniversaire de la bataille de Kosovo Polje (2), Milosevic proclame que personne n'a le droit de battre le peuple serbe et que personne, désormais, n'en n'aura plus l'occasion. Milosevic promet (3) à son peuple, la Serbie la plus forte, la plus prospère et la plus grande qui puisse être. La nouvelle Serbie fait fi, désormais, des autonomies du Kosovo –proclamé « berceau de la nation serbe »- et de la Voïvodine (4). Elle maintiendra, en outre, dans son giron la Macédoine et le Monténégro, l'allié de toujours, et s'étendra à tous les territoires peuplés de Serbes -fussent-ils, dans certaines régions, très minoritaires- à savoir à la totalité de la Bosnie-Herzégovine et les deux-tiers du territoire de la Croatie à laquelle Belgrade ne laisserait globalement que Zagreb et l'Istrie. Les quelques milliers de Serbes de Slovénie seraient toutefois « abandonnés à leur sort » dans la prospère république slovène contre laquelle ils semblaient d'ailleurs bien peu désireux de prendre les armes (5).

Ces discours aux accents virils vaudront à Slobodan Milosevic un large soutien populaire (6). Certains en viennent même à rêver de compléter le mirifique tableau grand-serbe de leur président par la restauration, en sus, de l'empire d'Étienne Dusan (7). La Grande Serbie, de la banlieue de Zagreb à la mer Égée, après tout, pourquoi pas ? La machine mégalomaniaque du nationalisme grand-serbe venait de s'emballer.

Le 24 mars 1999, dix ans après les folles promesses de Kosovo Polje, l'OTAN débute sa campagne aérienne contre la Serbie, en représailles de la politique de Belgrade au Kosovo dont on dit que Milosevic a entrepris de chasser la totalité de la population albanaise. Des rumeurs d'atrocités et de purification ethnique circulent, certaines fondées, d'autres fantaisistes. Les médias, en tout cas, s'en emparent et répandent les plus abominables rumeurs. Les opinions occidentales, ainsi conditionnées, sont désormais prêtes à accepter les frappes militaires qui vont s'abattre sur la Serbie. L'on espéra un temps que quelques jours de bombardement amèneraient Belgrade à la table des négociations, comme ce fut le cas pour la guerre en Bosnie, mais il n'en fut rien. La Serbie subira les frappes de l'OTAN durant 78 jours, période durant laquelle seront effectuées une cinquantaine de milliers de missions aériennes (pas exclusivement de bombardement, cela s'entend). Les frappes atlantiques prendront fin le 9 juin 1999 (8).

Au bout des dix années d'obstination pan-serbe de Slobodan Milosevic, la Serbie, à laquelle son chef avait promis l'expansion la plus grande, se trouvera finalement ruinée et réduite à la portion congrue, et ce, en plusieurs étapes :

  1. Slovénie : Le 23 décembre 1990, la population slovène se prononce à 90 % en faveur de l'indépendance de sa république. Les autorités yougoslaves font la sourde oreille. Le 25 juin 1991, la Slovénie et la Croatie proclament donc leur sécession de la Fédération yougoslave. Cette décision entraîne une riposte de l'armée yougoslave (JNA) mais celle-ci se heurte aussitôt à une forte résistance slovène. Au bout d'une guerre de dix jours (27 juin au 7 juillet 1991), la JNA doit se retirer du pays. Dès les premiers mois de la guerre, à Belgrade, les projets grand-serbe et yougoslave se confondent, le vernis légal yougoslave servant à couvrir les projets pan-serbes de Milosevic. Peu motivé par la faiblesse de la minorité serbe de Slovénie, Milosevic n'insiste pas. Il n'en sera pas de même en Croatie. Quoiqu'il en soit, le projet serbo-yougoslave vient de subir son premier revers.
  2. Croatie : Le 19 mai 1991, les Croates se prononcent à 90 % en faveur de l'indépendance de leur république. Le scrutin est toutefois boycotté par l'importante minorité serbe de Croatie, principalement rassemblée dans la « Krajina » (9) et en Slavonie orientale. Le 25 juin 1991, la Croatie et la Slovénie proclament leur indépendance d'avec la Fédération yougoslave. Évacuée de Slovénie, la JNA va pouvoir tourner tout son potentiel militaire contre la Croatie. Elle entreprend une guerre massive contre la république croate dès le mois d'août 1991. La ville croate de Vukovar, devenue le symbole de la résistance croate, tombe aux mains des troupes serbo-yougoslaves, le 18 novembre 1991 (10). La chute de Vukovar est une tragédie. Les exactions qui y sont commises par les troupes de Belgrade, de même que dans tous les territoires croates que celles-ci contrôlent ou assiègent, sont innombrables. La Croatie sera le premier pays à souffrir de la sinistrement célèbre politique de « purification ethnique », les populations croates étant systématiquement chassées des territoires contrôlés par les Serbes. Toutefois, l'offensive de Belgrade est définitivement stoppée : l'armée de Milosevic n'entrera jamais à Zagreb, pas plus que dans les villes du littoral, et se voit contenue en Krajina et en Slavonie orientale. La double résistance slovène et surtout croate porte rapidement ses fruits diplomatiques : le 15 janvier 1992, à l'instigation de l'Allemagne et de l'Autriche, l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie est reconnue par la Communauté européenne. Belgrade subissait son second revers et non des moindres. Il faudra toutefois attendre encore quatre ans pour voir le territoire croate enfin libéré de la présence militaire serbe : au mois d'août 1995, en quelques jours, l'armée croate, au cours de l'offensive « Oluja », écrase la république serbe autoproclamée de « Krajina ». Cette fois, le projet grand-serbe tourne à la débâcle. Celle-ci jettera sur les routes, pas moins de 200 000 Serbes de Croatie, qui craignent, non sans raisons, les éventuelles représailles croates. Ils ne sont depuis jamais retournés en Croatie.
  3. Macédoine : Le 8 septembre 1991, c'est cette fois au tour de la République yougoslave de Macédoine d'organiser un référendum sur la question de son indépendance : 95 % de la population macédonienne vote en sa faveur. Les pan-serbes ont, un peu rapidement, englobé la petite Macédoine dans leur projet géopolitique. Certes, il existe une minorité serbe en Macédoine, certes une partie de la population macédonienne est favorable à la Serbie (11), certes, comme les Serbes au Kosovo, les Macédoniens sont, dans l'ouest de leur république, en conflit latent avec les populations albanaises musulmanes (12), mais le peuple macédonien, pour être slave et orthodoxe, n'en n'est pas pour autant serbe. Linguistiquement et culturellement, il est à rapprocher du peuple bulgare. Au mois d'octobre 1991, la Macédoine proclamait donc son indépendance sous le nom biscornu d' « ex-République yougoslave de Macédoine », mieux connu sous la forme du sigle anglais FYROM. Cela, on le sait, est dû à l'opposition d'Athènes à l'utilisation par Skopje du nom de « Macédoine » qui renvoie, du point de vue grec, à l'histoire et à la culture helléniques notamment incarnées par Alexandre de Macédoine dit le Grand. Il va donc sans dire que lorsque nous parlons ici de « Macédoine » et de « Macédoniens », nous ne désignons que la FYROM et ses habitants et non la Macédoine hellénique historique, mais c'est là un sujet qui déborde le cadre de notre propos. Du fait de certaines résistances grecques, donc, l'indépendance de la Macédoine ex-yougoslave ne sera reconnue qu'en 1993. Quoiqu'il en soit, c'était là un bien mauvais départ pour une recréation de l'empire serbe d'Étienne Dusan : nouveau revers pour le projet grand-serbe.
  4. Bosnie-Herzégovine : Le 29 février 1992, la Bosnie-Herzégovine organise un référendum sur la question de l'indépendance : 99,4 % de la population se prononcent en sa faveur. Toutefois, les Serbes (32 % de la population de Bosnie-Herzégovine) boycottent le scrutin. Les milices serbes de Radovan Karadzic encerclent bientôt Sarajevo. C'est le début d'une guerre de trois ans particulièrement sanglante et meurtrière qui verra s'affronter les trois peuples de cette république : les Bosniaques musulmans (42 %), les Serbes orthodoxes (32 %) et les Croates catholiques (18 %), les 8 % restants étant pour l'essentiel des « Yougoslaves », issus de couples mixtes. Insistons sur cette classification pour mieux rejeter celle, absurde, de la prétendue « communauté internationale », apôtre du « vivre ensemble », qui voudra obstinément désigner comme « Bosniaques » tous les habitants de la Bosnie-Herzégovine, les subdivisant ensuite en Serbes, Croates et « Musulmans » (avec un « M » majuscule, comme s'il s'agissait là d'une nationalité…) (13). Ajoutons également que pour avoir été souvent politiquement et militairement alliés contre les Serbes, les Croates et les Bosniaques ne s'affrontèrent pas moins également à de nombreuses reprises, notamment en Herzégovine, terre traditionnellement peuplée de Croates. La cause croate n'avait suscité que bien peu de sympathie dans les opinions occidentales. La cause serbe, elle, était soutenue par le monde orthodoxe, notamment en Russie. Quant à la cause islamo-bosniaque, elle enflamma bientôt une bonne partie du monde musulman qui enverra sur place mercenaires djihadistes (14) et matériel, et fera, des années durant, pression sur les pays occidentaux, et particulièrement sur les États-Unis, pour qu'ils interviennent militairement en faveur des Bosniaques contre les Serbes. Malgré les batailles sanglantes que s'étaient livrées les peuples croate et bosniaque, les Croates de l'Herzégovine, vaincus et affaiblis, durent accepter l'idée, en 1994, de la formation d'une « Fédération croato-musulmane », sous l'égide de Washington. Ce fut là le prélude à la grande offensive croato-bosniaque de 1995 qui se déroula parallèlement à l'opération « Oluja » en Croatie. Équipées par les pays occidentaux et musulmans et soutenues partiellement par les forces aériennes de l'OTAN, les troupes croato-bosniaques écraseront les troupes serbes de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic. C'est un nouveau désastre pour le peuple serbe. Le 21 novembre 1995, les accords de Dayton mettent un terme à la guerre. Ils empêchent toutefois la prise de Banja Luka (Bosnie occidentale) par les forces croato-bosniaques et partagent la Bosnie-Herzégovine, pour mieux établir son existence, en deux entités : la « Fédération croato-musulmane » (51 % du territoire) et la République serbe ou Republika Srpska (49 % du territoire). Si les accords de Dayton ont mis fin à un conflit sanglant, ils n'ont toutefois rien résolu sur le fond. Nous y reviendrons.
  5. Kosovo : Après les désastres politico-militaires des années 1991-1995, on pouvait raisonnablement penser que Slobodan Milosevic opérerait un certain virage diplomatique ou, qu'à tout le moins, la population serbe le chasserait du pouvoir. Bien au contraire, pour son malheur, elle l'y maintint et l'y conforta. Le résultat de cette situation fut un désastre bien plus grand encore pour les Serbes et la Serbie : la guerre du Kosovo. C'est au Kosovo qu'en 1981, à la suite du décès de Tito (15), commença la lente désagrégation de la Yougoslavie socialiste. La majorité albanaise du Kosovo se révolta donc contre le pouvoir de Belgrade et entra en conflit avec la minorité serbe de la région. Ce long conflit latent alimenta les haines réciproques, les Albanais criant à l'oppression serbo-yougoslave, les Serbes affirmant être victimes d'agressions de la part de la majorité albanaise. Deux logiques s'affrontent également, la logique historique, celle des Serbes, qui proclament que même peuplé majoritairement d'Albanais, le Kosovo n'en reste pas moins le « berceau de la nation serbe », et la logique géoculturelle, celle des Albanais, qui s'appuient sur une réalité démographique qui leur est largement favorable. Bref, le conflit s'envenime durant une quinzaine d'années, avec, notamment, la création de l'UCK (16) dès 1996. Les violences intercommunautaires se multiplient. Des rumeurs circulent bientôt à propos d'exactions voire de purification ethnique à grande échelle menées par les Serbes à l'encontre des Albanais du Kosovo. Si certaines de ces rumeurs se révélèrent fondées (17), il s'avère aujourd'hui que la justification humanitaire qui, en mars 1999, mena aux frappes atlantiques est, en définitive, d'une crédibilité douteuse (18). Mais l'habituelle intransigeance de Belgrade n'était toutefois pas faite non plus pour calmer le jeu. Les bombes atlantiques vont donc se déverser sur la Serbie. Après avoir détruit les défenses antiaériennes serbes, les forces aériennes de l'OTAN frappent les forces serbes présentes au Kosovo, puis entreprennent la destruction systématique des infrastructures militaires et civiles de la Serbie. Après 78 jours de bombardements intensifs, Slobodan Milosevic doit s'incliner. La Serbie, elle, est ruinée. Arrêté le 1er avril 2001, sous la présidence de son successeur, Vojislav Kostunica, un « nationaliste pragmatique », pour abus de pouvoir et corruption, Milosevic est finalement livré à l'ONU, par le gouvernement serbe, deux mois plus tard. Son procès débute le 12 février 2002, mais l'ancien président serbe n'en verra jamais la fin : Slobodan Milosevic décède au centre de détention des Nations-Unies à Scheveningen (Pays-Bas), le 11 mars 2006. Des rumeurs d'empoisonnement sont bientôt dissipées par le diagnostic des médecins : le décès de Slobodan Milosevic est dû à un infarctus du myocarde. Le Kosovo, lui, proclame son indépendance le 7 février 2008 et est aussitôt reconnu par Washington. Commencé au Kosovo en 1981, le processus de désintégration de la Yougoslavie post-titiste s'achève pratiquement dans la même région, dix-sept ans plus tard, après de trop nombreuses années de guerre. De cette triste épopée kosovare qui mena à l'ultime défaite de la Serbie et du peuple serbe, le musée de l'armée de Belgrade conserve, vraisemblablement avec fierté, des morceaux des deux avions US (F-16 et F-117) abattus au-dessus de la Serbie, un ou deux uniformes de GI's capturés et aussi rapidement libérés, et un vieux Hummer qui rouille lentement à l'entrée dudit musée. Derrière telle vitrine, on découvrira aussi un casque frappé du damier croate et présenté comme appartenant à l' « armée illégale » de Croatie (celle de 1991) et plus loin, une Kalashnikov ayant appartenu à un « terroriste » de l'UCK. L'armée serbe peut, dans son musée, faire et refaire l'Histoire, si tel est son souhait, mais ces quelques dépouilles « héroïques » valaient-elles la ruine de la Serbie et du peuple serbe ?
  6. Monténégro : C'est avec le départ du Monténégro que s'achèvera réellement l' « aventure serbo-yougoslave ». Le Monténégro, c'est, pour la Serbie, l'allié de toujours, la « république sœur ». À part l'histoire –les Monténégrins, contrairement aux Serbes, n'ont pratiquement pas connu l'occupation ottomane-, rien ne distingue, il est vrai, les Monténégrins des Serbes. Aussi, à l'occasion des premières élections libres, les Monténégrins choisissent-ils, le 9 décembre 1990, de rester dans la fédération yougoslave. Ce sera, avec la Serbie, la seule république de l'ancienne Yougoslavie titiste à ne pas proclamer son indépendance. Bien au contraire, le Monténégro prend part à la guerre contre la Croatie, notamment sur le front de Dubrovnik. Après la défection des autres républiques de la fédération yougoslave, la Serbie et le Monténégro forment, le 27 avril 1992, une « République fédérale de Yougoslavie ». Ce sera là sans doute le seul et, en outre, bien temporaire succès de la politique pan-serbe de Belgrade. Pendant que Belgrade engrangeait les défaites, de 1991 à 1999, le Monténégro évoluait, envisageant de plus en plus un avenir économique tourné vers l'Union européenne (UE) et le monde occidental. Le 4 février 2003, la fédération yougoslave, âgée d'une douzaine d'années à peine, se transformait en une « Communauté dtats Serbie-Monténégro » qui inclut la possibilité pour chaque partie de faire sécession. Le 21 mai 2006, au cours d'un référendum supervisé par l'UE, les Monténégrins votent massivement en faveur de l'indépendance de leur république. Celle-ci est proclamée le 3 juin de la même année. Avec le Monténégro, Belgrade ne perd pas seulement son plus fidèle allié et un peuple frère, mais également son accès à la mer.

Je me suis donc rendu en Serbie, à Belgrade et en Voïvodine (Subotica, Novi Sad), dix ans après son écrasement par les forces aériennes de l'OTAN, et vingt ans après le discours de Slobodan Milosevic à Kosovo Polje. En vingt ans, l'idéologie pan-serbe initiée par Slobodan Milosevic, mais également par le Parti radical serbe (SRS), aura conduit le peuple serbe de désastres en défaites, réduisant la Serbie, promise par ses chefs à un avenir grandiose, à une peau de chagrin dont nous montrerons qu'elle peut encore se réduire au cas où de nouvelles aventures devaient être tentées. À moins que Belgrade ne choisisse la voie de l'ouverture à l'Occident. « Mais à quel Occident », m'objectera-t-on ? Ne serait-ce pas plutôt le « post-Occident globaliste » ? De fait, entre l'enclume nationaliste et le marteau globaliste, la marge de manœuvre de la voie civilisationnelle a toujours été extrêmement faible, pour ne pas dire quasi-inexistante, en Orient comme en Occident. C'est celle-ci, toutefois, qui, en 1991, guida les occidentalistes identitaires vers le choix de la Croatie, comme nous l'expliquerons demain.

Éric Timmermans, Bruxelles

Criticus, le blog politique de Roman Bernard.
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(1) Deux mythes ont hanté, en France et dans le monde francophone, les débats sur les guerres « post-yougoslaves » des années 1991-1999 : celui d'une « haine fratricide éternelle » entre les Croates et les Serbes, et celui d'une amitié franco-serbe, non moins « éternelle ». Ce sont pourtant là des idées récentes, nées durant les première et deuxième guerres mondiales. Elles ont hélas largement influencé la politique extérieure de la France dans le contexte de la désintégration de la Yougoslavie.

-Le mythe de la relation particulière qui existerait entre la France et la Serbie est né dans les tranchées de 1914-1918, pas avant. L'attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914, et la guerre austro-serbe qui a suivi et qui ouvrit la voie à la Première guerre mondiale, a surtout permis à la France de se venger de l'humiliation qui lui fut infligée par les Prussiens, en 1870, et de récupérer enfin l'Alsace-Lorraine. Serait-ce vraiment exagéré que de considérer comme « l'une des causes de la guerre la détermination française de récupérer coûte que coûte l'Alsace-Lorraine » et de considérer également que « la thèse selon laquelle il aurait été inconvenant de laisser la Russie seule défendre la petite Serbie » est vraiment peu crédible ? (Requiem pour un empire défunt - Histoire de la destruction de l'Autriche-Hongrie, François Fejtö, Edima / Lieu commun, 1988-1992, p. 35-36). Paris soutint donc logiquement la partie serbe, mais certes pas par altruisme, ni par amour. De cette alliance toute pragmatique, est né le mythe de la « fraternité franco-serbe ». Rappelons toutefois que jusqu'à cette époque, la France, qui, au cours de l'Histoire fut notamment l'alliée de l'Empire ottoman, se souciait fort peu du sort des Serbes. En outre, si j'ai bonne souvenance, les « snipers » serbes de Bosnie n'ont jamais hésité à faire feu sur les soldats français qui y étaient déployés (sur 39 soldats français tombés en ex-Yougoslavie, 16 furent tués par des tirs directs des « parties en présence »), ou à s'emparer de leurs armes (Croatie, 1993). Il faudra attendre l'assaut des Français contre le pont de Vrbanja, le 27 mai 1995, pour voir l'honneur de l'armée française lavé de trois années de harcèlement et d'agressions, notamment serbes, le sacro-saint pacifisme onusien l'ayant empêchée d'agir durant tout ce temps.

-L'autre mythe est celui de la « haine éternelle » qui opposerait les Croates aux Serbes. Après les défaites infligées aux Autrichiens par les Turcs, nombre de Serbes émigrèrent dans l'Empire d'Autriche. On les installa en Voïvodine, mais également dans des « Confins militaires » situés en territoire croate. Là, côte à côte, deux siècles durant, les Croates et les Serbes firent front ensemble face à l'islam ottoman. Lors de l' « éveil des peuples » du XIXe siècle, les Slovènes, les Croates et les Serbes de l'Empire s'allièrent pour défendre les droits des « Slaves du sud ». Ainsi, comme l'explique François Fejtö, « l'arrivée au pouvoir en Hongrie du comte Tisza, symbole du nationalisme conservateur, compliqua encore la situation du gouvernement de Vienne. En prenant des mesures répressives contre les nationalistes croates, Tisza permit au roi Pierre de Serbie de s'instituer protecteur de ces derniers et amena les députés croates du Reichsrat de Vienne à se rapprocher des Tchèques qui faisaient obstruction au Parlement en raison de leur différend linguistique avec les Allemands de Bohème. » (Requiem pour un empire défunt - Histoire de la destruction de l'Autriche-Hongrie, François Fejtö, Edima / Lieu commun, 1988-1992, p. 41). Au cours de la Première guerre mondiale, des dirigeants croates participèrent au Congrès national yougoslave constitué à Londres. Mais c'est avec la création, en 1921, d'un « royaume yougoslave » totalement dominé par les Serbes, que les tensions entre Serbes et Croates vont apparaître. L'assassinat du Croate Stjepan Radic (1928), en plein Parlement, à Belgrade, par un député monténégrin ; l'assassinat, par un Macédonien travaillant pour les oustachis croates, du roi Alexandre de Yougoslavie et du ministre des Affaires étrangères français, Louis Barthou, à Marseille (1934) ; les exactions et les massacres dont les Serbes furent les victimes dans la Croatie d'Ante Pavelic (1941-1945) ; les exactions et les massacres dont les Croates furent les victimes à la fin et après la fin de la guerre, notamment le massacre de Bleiburg (mai 1945), tels sont les événements qui alimentèrent les haines qui exploseront au cours de la guerre de 1991-1995. Les racines du mal sont donc à trouver dans le royaume serbe de l'entre-deux-guerres, dans la Croatie oustachie de 1941-1945 et dans la Yougoslavie titiste, mais en aucun cas dans une fantaisiste « haine traditionnelle et ancestrale » croato-serbe.

À une époque (1991-1992) où nous aurions aimé voir l'axe franco-allemand se concrétiser par autre chose que des poignées de main et de ridicules cérémonies formalistes, c'est-à-dire par la création d'un axe solide entre le monde latin et la Mitteleuropa, par exemple, nous n'assistâmes, en définitive, qu'à des disputes d'un ménage de vieillards hantés par les chimères du passé. La France, pays de tradition chrétienne occidentale, n'aurait-elle pas pu se souvenir, à cette époque, que c'est Bonaparte lui-même qui avait initié la création des « provinces illyriennes », en 1812, des provinces peuplées de Slovènes et de Croates, peuples de tradition chrétienne occidentale ? Le buste de l'Empereur est encore visible à Ljubljana, et aux Invalides, une plaque commémorative honore les Croates qui combattirent sous les couleurs de la France. Ne retenir, en 1991-1992, que les symboles de l' « amitié franco-serbe » et en tirer la conclusion qu'il fallait s'opposer à la Croatie en 1991, fut une grave erreur et une occasion, que nous ne retrouverons sans doute jamais, de réaliser l'unité de l'Occident européen, fut ainsi manquée.

(2) Kosovo Polje (en albanais : Füshe Kosovë) est une commune du Kosovo située dans le district de Pristina. C'est aussi et surtout, historiquement parlement, le lieu d'une bataille qui, le 28 juin 1389, opposa l'Empire ottoman à une coalition de princes chrétiens. Parmi ces derniers l'on comptait notamment, certes, le prince serbe Lazar Hrebeljanovic, mais également le roi albanais, chrétien, Gjergj II Balsha, et d‘autres princes albanais, également chrétiens. L'interprétation nationaliste de cet événement par le panserbisme qui présente Kosovo Polje, élevé au rang de « berceau de la nation serbe », comme une bataille menée par des Serbes chrétiens -et d'ailleurs perdue par ces derniers- contre des « Turco-Albanais » musulmans, relève de la manipulation comme toutes les interprétations du même genre. Nous pourrions citer, dans le contexte occidental, la bataille des Éperons d'Or (11 juillet 1302), grand mythe nationaliste flamand, durant laquelle les « Flamands » auraient vaincu les « Français ». Le mythe fut même ensuite récupéré au niveau belge, les « Belges » étant, cette fois, les vainqueurs des « Français ». Faut-il donc rappeler, une fois de plus, qu'au XIVe siècle, l'on n'est point « citoyen d'une nation » mais « sujet d'un prince » ? Lesdits sujets, en dépit de la langue qu'ils parlaient, suivaient donc leur seigneur et maître, et ainsi retrouvait-on souvent dans les deux camps des gens de même langue et de même culture (voire, dans le cas de Kosovo Polje, de religions différentes). Ce fut le cas aux Éperons d'Or, ce fut également le cas à Kosovo Polje. Il est par contre exact de dire que, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, le Kosovo fut habité par de nombreux Serbes, nous évoquerons d'ailleurs cette question.

(3) À la suite, notamment, du Parti radical serbe (SRS; fondé le 23 février 1991) de Vojislav Seselj. Ce Serbe de Sarajevo apparaît, en effet, comme l'un des principaux idéologues de la Grande Serbie. Seselj s'est rendu au tribunal de La Haye, en février 2003 où il comparaît pour « crimes contre l'humanité ». Seselj a été vice-président de la Serbie, en 1998 et en 2000. On lui reproche principalement d'avoir recruté des miliciens afin d'organiser la politique de purification ethnique serbe en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

(4) Le 28 mars 1989, Slobodan Milosevic, conformément au programme grand-serbe, fait supprimer les autonomies régionales du Kosovo et de Voïvodine. Un nouveau statut d'autonomie pour la Voïvodine fait actuellement l'objet d'un débat au Parlement serbe.

(5) Belgrade tentera, malgré tout, de maintenir la Slovénie par la force dans le giron yougoslave. Sans succès : au bout d'une semaine de combat (27 juin au 7 juillet), l'armée yougoslave se retire de Slovénie.

(6) Président de la Serbie de mai 1989 à octobre 2000 et de la République fédérale de Yougoslavie de juillet 1997 à octobre 2000.

(7) Le royaume serbe d'Étienne Dusan (1331-1355) s'étendait du Danube à la mer Égée.

(8) Dire que cette verte correction infligée par l'OTAN à la Serbie de Milosevic a meurtri les partisans de ceux qui, des années durant, s'étaient opposés au panserbisme, notamment en Croatie, serait pour le moins hypocrite. Mais prétendre que cela suscita chez eux une véritable exultation, serait également très excessif. Certes, le régime de Belgrade et le peuple qui l'avait tant soutenu, subissaient là le retour du bâton de dix années d'errements politiques et militaires. Toutefois, voir la Serbie écrasée sous les bombes au profit de certains intérêts parallèles globalistes et islamiques, les forces de l'OTAN apparaissant, en quelque sorte, comme les supplétifs des grandes puissances énergétiques du Proche-Orient, protectrices de la Bosnie et du Kosovo, n'avait pas de quoi réjouir. Je m'exprimerai en ce sens dans le texte suivant, Les désastres du Kosovo et de Macédoine, révélateurs de la menace globaliste dans l'ouvrage collectif réalisé sous la direction du général Pierre-Marie Gallois et intitulé Guerres dans les Balkans - La nouvelle Europe germano-américaine (Ellipses, 2002, p. 45-68).

(9) La Croatie se subdivise en cinq régions : Zagreb, la Slavonie, l'Istrie, la Dalmatie et Dubrovnik; on aimerait pouvoir y ajouter l‘Herzégovine. La « Krajina » n'est donc pas une région de la Croatie mais une ancienne « marche militaire ». À la fin du XVIIe siècle, de nombreux Serbes fuient le Kosovo après la défaite des troupes autrichiennes face aux Turcs. Ils seront réimplantés sur les frontières de l'Empire, notamment en Voïvodine et dans les Confins militaires créés en Slavonie croate (1702) et en Croatie proprement dite (1737). Ce sont les descendants de ces Serbes, jadis réfugiés dans l'Empire d'Autriche, qui menèrent la guerre contre Zagreb et créèrent la « république serbe autoproclamée de Krajina », en 1991, avec Knin pour capitale. Elle se maintiendra jusqu'à l'offensive croate du mois d'août 1995.

(10) Nous serons quelques uns à penser et à clamer que l'Europe était morte à Vukovar, à une époque où l'opinion publique française et francophone réservait sa sympathie aux « amis éternels serbes » ou aux « victimes musulmanes de Srebrenica ». Il y eut toutefois, dans la Francité, quelques défenseurs de la Croatie et quelques pourfendeurs du panserbisme, au premier rang desquels on trouva notamment, venant d'horizons idéologiques bien différents, Christophe Dolbeau et Alain Finkielkraut.

(11) En 1997, j'ai effectué mon second voyage en Macédoine ex-yougoslave. Pur voyage d'agrément, à la différence de mon précédent voyage dans ce pays, en 1993, où j'avais pris quelques contacts politiques. Nous étions donc quelques uns sur un terrain de Skopje où était organisé un genre de « Kebab Party ». Différents groupes, dont le nôtre, s'étaient organisés autour de feux sur lesquels nous faisions griller notre viande. On trouvait sur ce terrain des groupes de Slaves et des groupes d'Albanais, certes, mais gardant quelques distances entre eux : de quoi relativiser, une fois encore, le « vivre ensemble » de nos « élites »… Au fil de la discussion, nous en vînmes à parler des événements géopolitiques des dernières années. J'avouai donc mes sympathies pro-croates à mes auditeurs Macédoniens proserbes et Serbes, avec lesquels je parviendrai toutefois aisément à m'entendre en défendant l'idée d'une Europe bipolaire Orient-Occident, dont les deux parties seraient alliées contre l'islam djihadiste et califatiste. De fait, ce discours fut très bien accueilli et notre « Kebab Party » se poursuivit dans la bonne humeur.

(12) En janvier 2001, dans la foulée de la guerre du Kosovo de 1999, un conflit éclate, en Macédoine, entre Macédoniens et Albanais (et non, comme l'a prétendu la presse globaliste, entre « Slaves » et « albanophones » macédoniens). Le conflit est essentiellement le résultat d'un débordement des activités de l'UCK kosovare, en Macédoine occidentale, où vit principalement la communauté albanaise de ce pays. On a alors évoqué l'hypothèse d'un Grand Kosovo, voire d'une Grande Albanie. L'UCK, bénéficiant de l'appui de la majorité de la population albanaise de Macédoine, prendra même le contrôle (8 juin) de la ville d'Aracinovo, une localité située aux portes de Skopje. Au cours de mon voyage du mois de mai 2001, je tenterai de me rendre à Tetovo (en région albanaise), où je m'étais rendu l'année précédente, mais cela me sera sérieusement déconseillé ; je m'abstins donc, n'ayant aucune raison professionnelle de m'y rendre. Tout cela, en tout cas, confirma l'impression de nette séparation entre Macédoniens et Albanais, que j'avais pu constater lors de ma « Kebab Party de 1997. Toutefois, sous la pression de l'OTAN, un accord de paix sera finalement signé entre Skopje et les rebelles albanais, le 13 août 2001. Aux dernières nouvelles, Skopje a établi des relations diplomatiques avec le Kosovo indépendant.

(13) Lors de l'avènement de la Yougoslavie titiste, en 1946, la Bosnie-Herzégovine est érigée en république distincte. Les Bosniaques musulmans, que les Croates et les Serbes considèrent respectivement comme des « Croates islamisés » ou des « Serbes islamisés », sont d'abord répertoriés comme « Yougoslaves », sans autre indication. Ils sont ensuite élevés au rang de « nation » en tant que « Musulmans », avec un « M » majuscule. La Bosnie-Herzégovine est donc alors peuplée de Croates catholiques, de Serbes orthodoxes et de « Musulmans ». Cette terminologie passablement artificielle sera reprise ensuite par les adeptes du « vivre ensemble » qui y verront un moyen de justifier le maintien de l'unité de la Bosnie-Herzégovine, le qualificatif « bosniaque » devant être appliqué à tous les habitants de la Bosnie-Herzégovine, qu'ils soient Croates, Serbes ou « Musulmans ». Toutefois, la réalité a commencé progressivement à prendre le pas sur la fiction, en désignant logiquement comme Bosniaques, les seuls « Musulmans », qu'ils convient de distinguer des Serbes et des Croates de Bosnie-Herzégovine qui, majoritairement, aspirent au rattachement aux républiques croate et serbe voisines.

(14) En novembre 1992, je me rendrai à Split (Croatie), ainsi qu'à Tomislavgrad (Herzégovine). À l'occasion d'un passage dans un hôpital de Split utilisé par l'armée et où l'on acceptait des combattants blessés au cours des combats sur les fronts de Dubrovnik et d'Herzégovine, j'aurai l'occasion de rencontrer l'un de ces « volontaires islamiques » qui m'avouera être originaire du Pakistan. Contrairement à une idée répandue, bien avant l'alliance croato-bosniaque de 1995, largement « encouragée » par les États-Unis, les premiers ennemis des Bosniaques n'étaient pas les Serbes, mais les Croates de l'Herzégovine. Voici quelques témoignages d'époque :

-« Kaboul, 1992. Les derniers blindés de l'armée rouge quittent la capitale afghane. Le Hezb Izlami de Hekmatyar et Djamiat Islami de Chah Massoud commencent à s'entre-déchirer pour le contrôle des villes et des axes qui y mènent. Les Arabes qui avaient participé à la guerre contre les Soviétiques et le régime Najibullah ne savent pas comment réagir face au conflit qui oppose leurs héros de la veille. Ils croyaient être là pour le djihad, ils se retrouvent dans une querelle de chapelle. Ce qui n'arrange rien, ils sont indésirables dans leurs pays, et le Pakistan ne tarde pas à montrer son impatience à les voir déguerpir de Peshawar. Ils sont alors quelque trois mille, dont neuf cents Algériens, cinq cents Égyptiens et deux cents Jordaniens. Le djihad a des ressources, et la guerre sainte plusieurs fronts. (…) Mais aux yeux des vétérans d'Afghanistan, c'est assurément la Bosnie qui symbolise les nouvelles croisades. Près de deux mille cinq cents d'entre eux rejoignant alors la Bosnie. À l'époque l'ennemi principal n'est ni Pale ni Belgrade, mais les chrétiens de Croatie. Donc, pas question de passer par Zagreb. Tirana devient le point de transit obligé à destination du Kosovo, de Travnik, où les moudjahidine reçoivent leur équipement de combat et leur affectation dans des unités, et enfin de Zenica, cadre du casernement de l'escadron. » (Des moudjahidine dans les Balkans, par Cherif Ouazani, Jeune Afrique n°1812, 28/09 – 4/10/1995). De fait, la 7e brigade de l'Armija de Zenica était célèbre pour son contingent d'origine étrangère, de même que pour sa férocité.

-« Après les vétérans d'Afghanistan, voici venu le temps de ceux de Bosnie. Le Caire, par la voix de son ministre de l'Intérieur, le général Hassan El Alfi, s'inquiète déjà de leur sort et tire la sonnette d'alarme, mettant en garde les pays arabes contre ce nouveau danger. Hassan El Alfi estime, en effet, que les quelque 4000 moudjahidin islamistes qui ont combattu en Bosnie, dont une majorité d'Égyptiens et d'Algériens, représenteraient un danger similaire à celui des vétérans d'Afghanistan. Priés de quitter le pays par le gouvernement bosniaque, sous la pression de Washington, ceux-ci pourraient, à l'instar des combattants d'Afghanistan, rejoindre leur pays d'origine pour encadrer et renforcer le maquis terroristes. (…) Les moudjahidin de Bosnie, qui ont fait preuve d'un zèle religieux farouche dans leur engagement aux côtés de l'armée bosniaque à majorité musulmane, seraient susceptibles de se replier vers leur pays d'origine où ils alimenteraient les maquis déjà existants. » (Les vétérans de Bosnie, un vivier pour le GIA ?, La Tribune (Algérie) via le Courrier international, 25-31.01.1996).

-« Selon TTU [ndr : Très Très Urgent, lettre hebdomadaire d'informations stratégiques], les États-Unis, malgré les assurances données par le gouvernement de Sarajevo, sont surtout inquiets de la présence de plus de deux cents Gardiens de la Révolution iraniens. Car à la différence des autres volontaires venus sans la caution de leur pays d'origine –Afghanistan, Algérie, Arabie saoudite, Égypte, Libye, Pakistan, France, etc…-, les Iraniens ont été officiellement envoyés par Téhéran. L'Iran n'a d'ailleurs jamais fait mystère de son soutien militaire et financier aux Musulmans bosniaques. En témoignent les cargaisons d'armes saisies par les Croates dans des avions iraniens transportant officiellement des médicaments ou des vivres. » (Le danger des volontaires islamistes, Raids n°117, février 1996).

(15) Le décès de Tito intervient le 4 mai 1980. Les troubles au Kosovo commencent dès l'année suivante. Tito avait instauré l'autonomie du Kosovo et celle-ci fut confirmée en 1974. Après la mort de Tito, les Albanais du Kosovo conçurent des craintes à l'égard de Belgrade et d'une éventuelle reprise en main de la Yougoslavie par les Serbes, craintes que les événements ultérieurs allaient bientôt confirmer, et les troubles débutèrent.

(16) Les revendications albanaises suivirent longtemps une voie pacifique, initiée par Ibrahim Rugova. Mais l'échec de celui que d'aucuns avaient, un peu naïvement, baptisé du nom de « Gandhi des Balkans », conduisit finalement à une radicalisation des Albanais et à la création de l'UCK, en 1996.

(17) Human Rights Watch a ainsi estimé le nombre d'Albanais expulsés du Kovoso, vers la Macédoine et l'Albanie, à environ 800 à 900.000 personnes. Les rumeurs concernant un génocide qui aurait prétendument été perpétré par les Serbes à l'encontre des Albanais du Kosovo, furent, quant à eux, largement exagérés.

(18) Un cahier spécial sur le Kosovo, Le Monde diplomatique, 1er janvier 2006.


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