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Underwater! (La Vénus des mers chaudes)

Par Sylvainetiret
Le faux espoir d'un bain de jouvence
Les antiquités du cinéma prennent souvent moins de rides qu'on pourrait le croire. « Le petit Lord Fauntleroy » ou « Le mouron rouge » vous plongent en quelques minutes dans un bain de nostalgie se muant rapidement en un doux bain de jouvence. « La Vénus des mers chaudes », de son vrai nom « Underwater! », est pour sa part une excellente illustration de cette règle, dans la mesure où elle fait figure d'exception, de ces exceptions qui sont supposées venir confirmer la dite règle.
Le film vit le jour en 1955, sous la direction de John Sturges. Juste histoire de se fixer les idées, c'est au même John Sturges qu'on devra, deux ans plus tard, « Les sept mercenaires ». Du lourd donc, pourrait-on dire. A la production on trouve Howard Hughes, et sur les planches Jane Russell, celle-la même pour qui Hughes, ingénieur de formation, avait quelques années plus tôt, inventé un soutien-gorge spécial destiné à rehausser encore son anatomie déjà avantageuse.

Le cadre historique étant ainsi dressé, on peut simplement ajouter pour mémoire que si le film date de 1955 et se déroule à Cuba, un peu à terre mais pour l'essentiel en mer le long de ses côtes, la révolution castriste n'interviendra sur l'ile que quatre ans plus tard.
Dominique Quesada (Gilbert Roland) et Johnny Gray (Richard Egan) sont deux plongeurs qui explorent les côtes cubaines. Découvrant une épave de galion espagnol, ils se mettent en tête de la fouiller et d'en extraire un trésor potentiel. Renseignement pris auprès de l'Université de La Havane, l'épave se confirme être celle d'un navire perdu contenant un fastueux trésor, en particulier une statue de la Vierge grandeur nature en or massif. Reste à convaincre Théresa (Jane Russell), l'épouse de Johnny et filleule de Dominique, de gager leurs biens pour investir dans l'aventure. Ses réticences initiales conduisent Dominique à embarquer dans l'affaire une jeune conquête, Gloria (Lori Nelson), qui se trouve avoir été abandonnée dans le port de La Havane à bord d'un voilier dont son protecteur indélicat lui a laissé la propriété en s'enfuyant devant ses créanciers. Une fois Théresa finalement convaincue de faire plaisir à son mari, les deux couples peuvent alors se lancer dans l'aventure, accompagnés par le Père Cannon (Robert Keith), un prêtre archéologue de l'Université.
Les plongées se déroulent de manière rapidement fructueuse et sans difficulté notable si ce ne sont les visites intempestives du bateau de Rico Herrera (Joseph Calleia), un pêcheur de requins qui ne croit manifestement pas à la couverture qu'ils lui servent de scientifiques en campagne d'exploration géologique sous-marine.
Lorsque la découverte du trésor se confirme et que le groupe remonte un lot de lingots d'or, la confrontation avec les malandrins se précise. Parallèlement, la fin de la fouille est perturbée par divers incidents de plongée et finalement par la rupture de la coque du galion, dont la partie contenant la statue précieuse convoitée tombe dans un précipice sous-marin la rendant dès lors inaccessible.
Globalement, l'histoire est largement survolée, sans appesantissement notable sur quelque subtilité que ce soit. Bien au contraire, le film est manifestement d'abord l'argument à présentation de multiples séquences de plongée sous-marine libre avec bouteille, encore largement méconnue, dans un décor de fonds tropicaux. Il est ensuite l'argument à filmer la plastique abondamment oestrogénique de Jane Russell dans une large collection de maillots de bain aux pointes effilées. L'ensemble est traité avec une note humoristique gentillette qui finit de reléguer l'histoire au magasin des accessoires.
Parler du jeu des acteurs paraît dans ce contexte relever de la gageure tant la question semble simplement hors de propos. Gilbert Roland en fait des tonnes dans le genre séducteur andaloux, moustache linéaire en avant, manches roulées jusqu'à la racine des deltoïdes, canotier penché sur le front, sourire imperturbable, professionnel du mambo, et guitariste à ses heures. Richard Egan fait pâle figure à côté malgré ses biceps musculeux à faire craindre en permanence pour la survie des manches de ses chemisettes, son ratelier de publicité pour dentifrice, sa voix caverneuse de mâle-comme-on-n-en-fait-plus. Lori Nelson est tellement absente qu'on en oublie simplement vite qu'elle est là. Les pirates cubains sont à l'avenant, avec une petite subtilité de répartition des rôles entre le chef, roublard comme un Rapetou et goguenard, le matelot sourd-muet inexpressif, et le mécanicien bougon. Reste Jane Russell, à qui on n'en demandait pas tant, et qui se pique pourtant pour une raison obscure de chercher un peu de crédibilité qui, par contraste, semble la qualifier d'office pour l'Académie Française, ou pour l'équivalent anglo-saxon qu'on voudra. Non, finalement, le seul à réellement faire l'acteur avec un minimum de sérieux est encore Robert Keith.
Côté technique, les décors sont soit naturel dans une ambiance essentiellement aquatique tropicale, soit d'un kitch d'opérette assez distrayant. Inutile de chercher le raccord entre l'aspect extérieur du petit voilier du groupe et l'aspect intérieur de la cabine aux dimensions de hall de gare. La lumière est traitée comme quantité négligeable si ce n'est sa luminosité dans les rares scènes d'extérieur à terre. Les scènes à bord, même sur le pont, sont manifestement pour la plupart tournées en studio dans un éclairage artificiel basique. Les rares scènes de navigation, quasiment à chaque changement de plan, proposent des changements de tonalité de couleur difficilement attribuables à un vieillissement hétérogène de la pellicule. Même les plans larges du bateau sur fond majestueux de coucher de soleil sombrent dans un rouge sanguin du plus bel effet émétisant. Les prises sous-marines ont pour elles l'excuse de la nouveauté, … mais c'est probablement la seule.
La mise en scène, de son côté, ne se pose pas de question superflue. Pas de mouvement de caméra excessif, pas d'angle de prise de vue acrobatique, pas de traveling ingénieux. On doit en venir au sujet du tournage sous-marin, alors on se concentre sur le sujet, en remplissant rapidement le reste du film de quelques shootages express pour faire liaison. On a du mal à retrouver la patte du John Sturges des « Sept mercenaires », du « Vieil homme et la mer », de « Règlement de comptes à OK Corral », …
Au bout du compte, parti pour un bain de jouvence, Tonton Sylvain, votre serviteur, bien en peine d'étancher ici sa soif de vieillerie, se rue alors sur sa zapette pour brancher compulsivement TCM et d'avaler tout cru « Témoin à abattre », de la même année et avec Edward G. Robinson. Mais ça, c'est une toute autre histoire !

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