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Aminata Sow Fall : Le jujubier du patriarche

Par Gangoueus @lareus
Aminata Sow Fall : Le jujubier du patriarche
Toujours au Sénégal. Avec Aminata Sow Fall cette fois. Ce texte trouve son lieu d’action entre une grande ville sénégalaise et Babyselli fief des descendants de l’Almamy Sarebibi et l’intrigante et belle Doumania. Yelli est le descendant direct de cette lignée, fruit du croisement des prédicateurs mahométans et des peuples animistes du Fouta Djallon. Une grande épopée est rattachée à cette histoire familiale et celle de la ville de Babiselli. Mais au moment où commence ce roman, nous sommes dans le présent. Yelli, qui a connu des heures de gloire au travers de ses affaires, connaît une descente aux enfers, une faillite matérielle qui se traduit par la perte de sa magnifique demeure, de la pression d’huissiers malpropres, et surtout de la perte de son prestige et de son autorité au sein de sa famille.
Il est la risée de sa femme Tacko, qui ne supporte plus sa déchéance et qui fait payer à son mari, ses écarts passés, du temps de sa splendeur.

Il reçoit discrètement le soutien matériel d’une nièce dont l’éducation lui fut confiée il y a quelques années, et qui a réalisé un bon mariage. Naarou. Femme belle, fière, épanouie dans son ménage, grande sœur aimante, elle suscite la jalousie de Tacko, la femme de son oncle qui l’a pourtant élevée. Naarou voue une passion sans borne pour le chant des griots et l’histoire de son clan dont elle se sent partie intégrante. Une violente altercation avec sa belle-tante amère va faire exploser cette assurance et révéler la complexité des relations familiales, où des survivances de l’esclavage vont remonter à la surface.
Lorsque Yelli affaibli mentalement et physiquement par toutes ces dissensions apprend par la voix du griot de la famille que le vieux jujubier sec planté sur la tombe de son patriarche s’est remis bourgeonné, il y voit un signe de renaissance et lance un grand pèlerinage vers Babyselli.
Chaque fois que j’ouvre un roman d’Aminata Sow Fall, j’ai vraiment le sentiment d’apprendre quelque chose. L’écriture a un sens. Elle n’est pas son propre service, mais elle est l’occasion de l’exploration d’un fait social. J’avoue avoir eu du mal à pénétrer dans ce roman. Les références nombreuses à l’épopée familiale en début de texte peuvent perdre le lecteur qui comme moi, ne connaît aucune bribe des chants des griots du Fouta Djallon. La construction du texte pourra surprendre. Une première partie romancée se place dans le temps présent alors qu’une deuxième phase faite de chants, et usant d’une expression plus poétique remonte le temps à reculons pour expliquer l’épopée. Mais la fin de l’œuvre apporte un éclairage certain qui compensera les efforts du lecteur.

Musulmans, animistes, esclaves, maîtres, griots et surtout des femmes tiennent une place forte dans ce roman. Une compréhension du passé pour mieux supporter le présent et mieux modeler l’avenir.
Bonne lecture ! Aminata Sow Fall, Le jujubier du patriarcheEditions Khoudia, Collection Motifs (Serpent à plumes)1ère parution en 1993, 200 pages Un interview de l'auteure sur le blog d'Alain Mabanckou

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