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Les Impromptus Littéraires ramassent "les feuilles mortes"!

Par Sandy458

C'est l'automne chez les impromptus et ils nous demandent de ramasser les feuilles mortes... je me suis exécutée... voici mon petit tas de déchets végétaux...

 

Impromptus Littéraires ramassent


"a woodcut", illustration extraite de "National Institutes of Health", wikimedia commons, domaine public.

« Les feuilles mortes se ramassent à l’appel… »

Cette petite phrase sibylline sifflotée sur un tempo mélancolique ne pouvait être qu’une sorte de code annonciateur  d’une opération imminente les concernant tous.

Il n’en démordait pas depuis qu’il l’avait captée au détour d’un couloir !

Un code…

Oui, ce ne pouvait être que cela ou alors il s’agissait de l’une de ces étranges expressions prononcées naguère sur les ondes de la TSF par des militaires exilés, bien décidés à porter secours à leur concitoyens plongés dans l’affliction…

Piqué au vif, il se mit à arborer à tout-va un air de conspirateur inspiré ce qui ne manqua pas d’intriguer ses camarades.

Il se répandit en allusions mystérieuses, il se prit à opposer une méfiance bornée envers le personnel et surtout envers le directeur de l’Institution qui était forcément de mèche avec « les ennemis » qui qu’ils soient…

Entre la purée Mousseline et la compote pomme/pruneau, les repas se muèrent en messes basses et les tables des convives devinrent de véritable QG de résistance contre « la menace ».

Car il avait réussi, à force de ténacité et de propagande toute personnelle, à rallier ses compagnons à  ses idées saugrenues.

A contrario, gagner le soutien inconditionnel de Mademoiselle Lulu fut chose des plus faciles puisqu’elle en était éperdument tombée amoureuse depuis le premier jour de son placement à l’Institution.

Les jours se succédèrent sans événements notables mais il demeura l’esprit en alerte, prêt à analyser promptement les aléas pourtant improbables qui pourraient se présenter dans leurs existences si routinières et si bien réglées par le planning de l’Institution.

Le signe non équivoque que « cela » était en passe de survenir dans leur quotidien arriva curieusement par le biais des ondes terrestres numériques.

Un soir, alors qu’ils étaient silencieusement réunis autour du poste de télévision, un bulletin d’alerte météo fut annoncé pour la nuit suivante.

Plongés dans leur léthargie vespérale, ses camarades ne bronchèrent pas,  conservant les yeux mi-clos dans le meilleur des cas ou laissant s’écouler un filet de bave du coin des lèvres dans le pire.  Il fut le seul à bondir sur ces jambes, tel un zébulon-tournicoti-tournicoton pour hausser le son du poste et ne pas perdre une miette des explications cabalistiques de la présentatrice météo.

En jetant un œil par la fenêtre du petit salon des loisirs, il constata avec une pointe d’excitation les nuages sombres qui s’amoncelaient dans le ciel.

Enfin, on y était ! C’était pour bientôt, il en était sûr et certain !

Une méchante nervosité d’insomniaque le tint éveillé plusieurs heures durant.

N’y tenant plus, il se coula hors de son lit en plein cœur de la nuit.

A certaines heures, le personnel se faisait rare dans l’Institution faute de crédits suffisants alloués ce qui facilita ses déambulations nocturnes. Il alla secouer vigoureusement ses camarades simplement assoupis sur leurs matelas ou shootés aux médicaments-sur-prescription-médicale-uniquement s’il vous plait !

Il les exhorta à le suivre et il sut si bien se faire entendre et gonfler le moral de sa drôle de troupe de clopins-clopants qu’ils se regroupèrent très vite au pied de l’escalier d’accès au toit de l’édifice.

Poussés par un regain de vie et de soif d’aventure, ils abandonnèrent les cannes, les déambulateurs et les fauteuils roulant pour carcasses immobilisées et débouchèrent dans la fraîcheur de la nuit.

Mademoiselle Lulu semblait impressionnée et interdite par ce qu’elle faisait, elle, toujours si discrète et si effacée ! Il lui saisit la main et l’embrassa tendrement sur le front. Elle esquissa un timide sourire se maudissant intérieurement d’avoir oublié son double dentier dans le verre à Stéradent.

Ils levèrent les yeux vers les cieux tumultueux, là où un maelström incroyable déchirait la nuit.

C’était intense.

C’était dangereusement beau tout simplement.

Soudain, un grand coup de vent magistral emporta le toit de l’Institution « Les feuilles mortes » moissonnant au passage les vieilles branches ragaillardies par le bouillonnement d’une sève trop longtemps retenue.

Longtemps, on a  raconté qu’ils étaient partis loin, très loin des affres de la vieillesse et de la déconsidération.

Et si c’était vrai, après tout…

Alors  « Bon voyage, les Feuilles Mortes! »


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