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« La crise actuelle peut représenter un moteur pour la microfinance»

Publié le 26 octobre 2009 par Delits

microfinance

La fin de la crise d’ores et déjà annoncée, Délits d’Opinion s’intéresse aux tendances émergeantes  qui pourraient se développer après la crise.

Nous commençons avec la microfinance, Délits d’Opinion a rencontré Arnaud Ventura, vice-président de PlaNet Finance.

Délits d’Opinion : Pouvez-vous nous présenter PlanetFinance, son histoire et les motivations de sa création ?

Arnaud Ventura : PlanetFinance a été créée il y a plus de 11 ans avec l’objectif de contribuer au développement de la microfinance. L’idée de la microfinance était à la base de sortir de la pauvreté des personnes exclues du système financier en leur offrant des outils financiers leur permettant de développer des activités créatrices de revenus, en premier lieu desquelles la création d’entreprise.

A cette époque existaient plusieurs milliers d’institutions pour près de 10 millions de personnes bénéficiant de leurs services dans le monde. Il y avait une grande diversité des acteurs avec des ONG, associations ou coopératives parfois un peu amateur qui essayaient de développer ces actions auprès de populations proches d’elles. Elles étaient notamment bien implantées dans des zones comme le Bangladesh.

L’idée était alors de contribuer au développement du secteur. En 10 ans PlanetFinance s’est transformée en un véritable groupe présent dans plus de 60 pays et actif sur 8 métiers. Il s’agit d’un groupe d’entreprises sociales avec plus de 1000 collaborateurs.

Durant la même période, la microfinance mondiale s’est développée d’un secteur décrit précédemment d’ONG et de coopératives à une véritable petite industrie : elle touche désormais plus de 150 millions de personnes. Beaucoup de ces institutions se sont transformées en sociétés ou banques commerciales avec un double objectif de résultat (« double bottom line ») : à côté d’un objectif de rentabilité se trouve un objectif social. 70 à 80% des personnes qui souscrivent à ce type de crédits sont désormais servies par des institutions professionnelles. Le principe est qu’on peut développer une activité rentable, qui n’est donc pas de la charité. Cette rentabilité existante a permis à certains groupes de devenir de véritables banques.

Il reste malgré tout encore une grande variété d’institutions avec une vocation commerciale et sociale. Aux côtés des grands groupes qui ont grandi durant toutes ces années existent encore des petites ONG qui travaillent auprès de populations dans les bidonvilles.

Notre organisme a développé une série d’actions qui permet d’aider à la création et au suivi d’entreprises. Existent désormais des activités de conseil auprès des acteurs institutionnels, de notation, de financement (gestion de fonds d’investissement socialement responsables). Il existe également un pôle de création de banques de microfinance. Parallèlement, nous avons mis en place des activités de microassurance avec une série de produits de microassurance, principalement dans les pays émergeants.

La France dispose déjà de structures de microfinance. Nous avons donc développé des activités complémentaires aux offres de microfinance actuelles. Elles consistent en un travail d’accompagnement qui permet dans les banlieues de suivre des jeunes dans la création d’entreprise. Il existe 6 antennes dans 6 banlieues françaises. L’idée est d’avoir un travail en amont avec cet accompagnement de création puis en aval : nous travaillons avec les entreprises qui après 2-3 ans d’existence ont besoin de se développer et ne peuvent plus faire appel à la microfinance sans pouvoir encore faire appel aux banques.

Un fond de capital-risque permet à ces entreprises de se financer jusqu’au moment où elles pourront faire appel au financement de banques traditionnelles. Cela passe par une prise de participation à l’entreprise. Nous mettons également en place un système de coaching et des équipes accompagnent ces entreprises dans toutes leurs démarches.

Ce modèle s’éloigne en partie de ce qui se fait à l’international, en raison notamment des différences de structures de la microfinance en France qui s’intéressent uniquement aux créations d’entreprises, qui par définition n’existent pas encore. A l’échelle internationale la microfinance s’intéresse à des activités existantes et qui expriment un besoin de financement. Cette démarche à l’international est moins risquée. C’est ce qui a permis à des grands groupes de se développer. Le métier en France est le plus difficile car plus risqué économiquement.

Délits d’Opinion : Une enquête Ipsos de 2005 montre que les Français connaissent encore relativement peu le microcrédit. La défiance actuelle vis-à-vis des institutions de crédit « classiques » n’est-il pas le moment idéal pour développer ce type d’activités ?

Arnaud Ventura : J’ai toujours considéré que la crise actuelle peut représenter un moteur pour la microfinance avec des banquiers réalisant qu’une finance plus responsable pourrait constituer un prolongement de leur activité. Cela pourrait également leur permettre de redorer leur image. Pour le moment on ne constate pas de mouvements massifs. De nombreuses banques sont actives dans la microfinance mais cela reste une activité marginale. Selon moi, ces faits et gestes se situent plus dans la communication et le marketing. La microfinance est considérée comme une activité de marketing, même si cela a beaucoup évolué.

Il y a 10 ans elle était considérée comme de la charité, désormais elle représente une activité viable et crédible mais reste encore marginale.

On voit également des collectivités publiques mettre en place des systèmes de microcrédits. Le retour d’expérience dont nous disposons aboutit à des conclusions assez négatives sur ce point. D’une manière générale, quand le secteur public s’en mêle, c’est plutôt nuisible : on n’attend pas de l’état des prêts mais plutôt des subventions. Le microcrédit n’entre pas dans son champ de compétences Du coup les différentes collectivités locales ou gouvernements qui se sont mis à faire du prêt ont plutôt connu des mauvais résultats. Il y a également un problème de manque de pérennité dans les actions menées dû à l’agenda électoral. Un entrepreneur a besoin d’un appui et d’un partenariat à long terme, qui dépassent généralement la durée du mandat électif.

Les collectivités pourraient soutenir des activités autonomes et indépendantes par une activité réglementaire, logistique ou même financière.

Notre idée reste que les pouvoirs publics sont plutôt là pour réglementer, mettre en place un cadre juridique et éventuellement aider sur la logistique mais par pour faire du microcrédit directement.

Délits d’Opinion : Le surendettement progresse fortement en France. Près de huit Français sur dix (79%) surendettés ont contracté des crédits pour faire face aux dépenses de la vie courante. 76% d’entre eux estiment qu’avant d’être surendettés, on leur a trop souvent proposé de recourir à des crédits . Dans quelle mesure le microcrédit, au travers par exemple du microcrédit social, peut constituer une solution à ce type de dérapage ?

Arnaud Ventura : Nous connaissons relativement peu le principe du microcrédit social. PlanetFinance ne s’intéresse en fait pas énormément à cela. Pour nous le microcrédit concerne avant tout les entreprises et pas les ménages. Ca ne rentre pas vraiment dans notre champ d’action. L’idée est à la base est que le microcrédit s’adresse avant tout aux ménages qui n’ont pas accès aux services financiers.

A priori si les ménages sont surendettés, c’est qu’ils ont déjà accès aux outils financiers. La solution passerait donc plus par une restructuration de la dette auprès d’organismes classiques.

Propos recueillis par Olivier.


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