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C’est un chef d’oeuvre ? C’est un grand film? C'est un bon divertissement? Non, c’est… Cinéman !

Publié le 29 octobre 2009 par Boustoune

Cinéman
n’est pas franchement un super-héros, plutôt un type ordinaire qui se retrouve, par la grâce d’un artifice scénaristique plutôt tiré par les cheveux, doté d’un bien curieux pouvoir. Régis Deloux, prof de mathématiques aigri et coincé, va en effet avoir la possibilité de réaliser un fantasme de cinéphile en pouvant passer de l’autre côté de l’écran, en rentrant dans le film. Ainsi, il peut se glisser dans la peau de quelques figures marquantes du septième art, d’Harold Lloyd à Robin des Bois, de Tarzan à Barry Lyndon, et tenter de sauver une demoiselle en détresse kidnappée dans Sissi impératrice et traînée depuis de film en film par un méchant tyrannique et cruel…
Une idée de départ plutôt sympathique pour un résultat … des plus décevants.
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En sortant de la projection de Cinéman, personne ne pourra contester que le réalisateur du film, Yann Moix, est un garçon bourré d’idées originales doublé d’un cinéphile patenté, connaissant ses classiques sur les bouts des doigts.
Mais il sera aussi évident qu’il n’est absolument pas un grand directeur d’acteurs, contrairement aux grands noms du cinéma qu’il invoque. Dans Podium, il avait fait illusion car les acteurs qu’il avait engagés, Benoît Poelvoorde, Jean-Paul Rouve et Julie Depardieu, sont aussi à l’aise dans le cabotinage comique que dans le registre de l’émotion.
Ici, Yann Moix a commis l’erreur de confier le rôle principal à Franck Dubosc (1), qui n’est pas un acteur mais un bouffon au registre plus que limité. De tous les plans du film, ou presque, en roue libre, Dubosc fait du Dubosc. Il joue exactement de la même façon que dans Camping, Disco et Incognito (où il était toutefois un peu mieux canalisé), avec cette emphase comique horripilante, ce détestable côté « m’as-tu-vu » et cette outrance théâtrale.
Soyons francs, il arrive à une ou deux reprises à nous extirper un sourire, grâce aux répliques que Moix lui a écrites. Et même à nous bluffer quand il se glisse dans la peau de certains personnages, car, à l’aide du travail exceptionnel des costumiers et maquilleurs, le mimétisme avec le Eastwood du Bon, la brute et le truand ou l’Errol Flynn des Aventures de Robin des Bois est assez stupéfiant. Mais la plupart du temps, il plombe le film par son jeu outrancier et grotesque, insupportable.
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On ne peut même pas se raccrocher aux autres personnages: l’héroïne est cantonnée à une fonction de potiche et, dans le rôle, la regrettée Lucy Gordon ne se montre pas vraiment à son avantage. Quant au « méchant », incarné par un autre clown pathétique, Pierre-François Martin-Laval, il réussit la prouesse d’être tout aussi agaçant, voire plus mauvais que Dubosc. C’est dire…
Seul Pierre Richard, dans son propre rôle, apporte une touche d’élégance lunaire à l’ensemble, mais on se demande bien ce qu’il vient faire dans cette galère, son personnage n’ayant aucune fonction concrète dans le film sinon de meubler les trous d’un scénario d’une vacuité confondante.
L’idée de faire voyager un homme de film en film, au cœur de l’histoire du cinéma, était bonne et aurait probablement pu se suffire à elle-même. Quand le cinéaste fait se télescoper les références cinématographiques au cœur d’une même scène, c’est très réussi. (par exemple la séquence newyorkaise où Dubosc, parodiant De Niro dans Taxi driver - « you talkin’ to me ? » - se voit confronté aux punks d’Orange Mécanique). Il aurait fallu jouer plus cette carte-là, allant crescendo dans le rythme et le burlesque, plutôt que de faire ces allers-retours lourdingues entre les films et la « vraie » vie du prof de maths - et ses pitoyables tentatives de séduire sa jeune collègue (Anne Marivin, elle aussi cantonnée à un rôle de potiche).
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Mais apparemment, Yann Moix a totalement délaissé le scénario pour se concentrer sur le challenge technique que constituait son long-métrage. De ce point de vue, il n’y a rien à dire, c’est techniquement parfait. Chaque séquence respecte scrupuleusement l’esthétique des œuvres auxquelles elle rend hommage, ainsi que les mouvements de caméra, les cadrages, etc… Pour tourner ces scènes, le cinéaste et son équipe d’opérateurs ont utilisé des pellicules d’époque et le matériel adéquat pour les prises de vue et les éclairages. D’où un rendu visuel saisissant, qui montre bien l’évolution des technologies depuis l’invention du cinématographe.
On en dira pas autant sur la qualité sonore du film. Les musiques et chansons choisies (certains tubes des années 1970/1980 qui ont mal vieillis) sont souvent assez surprenantes et ne collent pas du tout aux images. Mais c’est surtout la postsynchronisation du film qui est calamiteuse. Les voix des acteurs semblent en décalage constant avec les mouvements de leurs lèvres, comme dans un soap-opéra de seconde zone. Pour Lucy Gordon, passe encore, l’actrice britannique ayant été doublée, mais pour Pierre Richard, Dubosc ou Pef Martin-Laval, c’est plus gênant… On n’a pas entendu un truc pareil depuis le Blanche de Bernie Bonvoisin, dont les dialogues étaient le plus souvent inaudibles…
Plusieurs points hautement négatifs pour un seul petit point positif, voilà qui range le Cinéman de Yann Moix du côté des nanars plutôt que des grandes comédies françaises qu’il ambitionnait d’imiter. La déception est à la hauteur des attentes et des rumeurs trop flatteuses qui tournaient autour du film, longtemps avant sa sortie. On se dit qu’avec des vrais acteurs et un vrai scénario, ça aurait pu être un long-métrage tout à fait correct, voire, soyons fous, un grand film. Là, c’est tout le contraire. Cinéman ne rend pas hommage aux chefs d’œuvres qu’il cite, il les salit de son humour lourdingue et de la présence insupportable de Franck Dubosc.
A fuir, donc… A la place, revoyez plutôt La rose pourpre du Caire ou Sherlock Junior, qui reposent sur le même principe…
Note : Étoile
(1) : A l’origine, c’est bien Poelvoorde qui devait jouer le rôle, mais Yann Moix et lui se sont brouillés. Beaucoup de rumeurs ont couru à l’époque. Poelvoorde aurait quitté le tournage parce qu’il jugeait le scénario affligeant ; Moix aurait viré Poelvoorde parce que l’acteur, dépressif, était agressif et violent sur le plateau… En définitive, il semblerait que Moix en ait eu assez d’attendre que Poelvoorde soit disponible et ait décidé de faire le film sans lui. Ceci a fortement agacé l’acteur belge, qui est même sorti de ses gonds quand il a lu dans la presse à scandales les propos peu amènes de Moix à son égard. Ils se sont depuis réconciliés et préparent un nouveau film ensemble.
(2) : L’actrice anglaise s’est suicidée le 20 mai dernier, à l’âge de 29 ans
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