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Le coup de Jarnac de Raffarin

Publié le 02 novembre 2009 par Hmoreigne

 Dites 25. Le duc du Poitou a frappé. Un coup de poignard dans le dos du souverain qui avait refusé il y a quelques mois de lui octroyer, au titre de sa servilité d’antan, le Palais du Luxembourg. Fronde pour certain, simple mouvement d’humeur pour d’autres, quoi qu’il advienne on peut faire confiance à l’Elysée pour conserver précieusement la liste des conjurés.

Dans une tribune publiée ce 1er novembre dans le Journal du dimanche, Jean-Pierre Raffarin et vingt-quatre autres sénateurs UMP ont annoncé qu’ils ne “voteront pas en l’état” le projet de suppression de la taxe professionnelle, réforme voulue par Nicolas Sarkozy. Même si le dernier mot reviendra à l’Assemblée, la manœuvre, faute de majorité UMP au Sénat, bloque l’adoption du budget 2010.

L’affaire prend une allure de bataille navale. Pas encore d’abordage. On se contente d’un combat à distance au son du canon de longue portée. “Ma capacité à reculer sur la taxe professionnelle, c’est zéro de chez zéro” a prévenu le chef de l’Etat.

Jean-Pierre Raffarin avait pourtant tiré la première bordée dès le 14 octobre sur RTL : “Je ne peux accepter un recul de la décentralisation”, “Nous modifierons le texte. Et je suis optimiste sur un changement radical.”

A défaut d’en être officiellement investi, l’ancien Premier ministre s’est auto-désigné grand chambellan protecteur des territoires et de leur édit, les lois de décentralisation de 2003 et 2004.

Jean-Pierre Raffarin semble subitement découvrir la volonté centralisatrice de Nicolas Sarkozy. Une stratégie gouvernementale qui consiste à mettre fin à l’autonomie fiscale des collectivités et donc, à les rendre dépendantes de la manne de l’Etat.

La manœuvre n’a pas échappé à l’Association des régions de France qui précise dans un communiqué : “L’Assemblée nationale, avec le rejet de l’amendement sur la taxe foncière proposé par des Parlementaires élus régionaux, poursuit le processus d’étranglement financier des Régions: si le Sénat ne modifie pas le texte, désormais, les Régions ne voteront plus qu’à peine 10% de leurs recettes. (…) En perdant cette taxe foncière sur les propriétés bâties, les régions ne disposent plus ni d’une fiscalité mixte ni d’aucun vote de taux en matière de fiscalité directe. C’est la disparition de toute autonomie fiscale et financière. (…) Dépendantes à 90% de la dotation de l’Etat, les Régions n’auront plus de marge de manœuvre. Elles ne seront plus à même d’assurer leurs services publics régionaux de proximité mis en place depuis 2004″.

Une vision en contradiction avec la Constitution qui grave dans le marbre “l’autonomie financière et la maîtrise par les collectivités d’une partie déterminante de leurs ressources” mais, Nicolas Sarkozy n’aime pas se sentir tenu par le carcan du droit.

Le projet de réforme est une façon subtile d’imposer la réduction du périmètre de la puissance publique voulue par l’exécutif aux collectivités territoriales constituées en de réels contre-pouvoirs locaux.

La dermite de Jean-Pierre Raffarin n’a pas que des origines psychosomatiques. Elle est également contagieuse. Le sénateur de la Vienne n’est pas aussi seul que pourrait le laisser penser la poignée de sénateurs qui lui ont emboîté le pas. Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, a beau tenter de minimiser les réserves sur la suppression de la taxe professionnelle en affirmant que tout le monde est d’accord,qu’il s’agit simplement d’une demande de précisions,il est bien le seul à le croire. Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée, dit par exemple comprendre “parfaitement les réserves” des sénateurs de la majorité.

L’ancien Premier ministre cristallise à la fois un rejet du caporalisme imposé par Nicolas Sarkozy à l’UMP mais aussi, une réelle résistance de la province au tempo d’enfer dicté par l’Elysée. Un certain bon sens paysan qui se refuse à mettre la charrue avant les bœufs et préfère prendre les choses dans l’ordre. Commencer par débattre de la réforme territoriale avant d’aborder la question de la taxe.

Les crispations de la majorité témoignent également d’un refus républicain à l’égard d’une injustice fiscale trop flagrante. Le transfert de charges supplémentaires de charges sur les ménages et un nouvel allégement à l’égard des entreprises dans une période marquée par la paupérisation des classes moyennes.


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