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Méchante la pendule, méchante la poupée

Publié le 07 novembre 2009 par Didier54 @Partages
Méchante la pendule, méchante la poupée
Ils ont la soixantaine, bientôt la septante.
Désormais, ils tournent un peu en rond dans leur maison. Devenue presque trop grande, après avoir semblé si petite. Tellement remplie, pourtant, la maison. Tant d'objets, d'odeurs, de souvenirs.
Ils guettent, maintenant. Ils attendent. Bassottent, comme on dit dans certaines campagnes. Bedassent, dans d'autres. Bouinent.
Ils lisent le journal le matin. Regardent la télé le soir. Bouquinent en journée. Ou écoutent la radio. Demain est loin, hier aussi. Aujourd'hui est lourd. Trop lourd, peut-être.
Alors ils attendent des autres, ce qu'ils ne s'osent plus. Ils escomptent en craignant les escarres.
De l'air, vite, de l'air, peut-être que ça suffoquera moins.
De la lumière, vite, de la lumière, que le noir et blanc se teinte. Se pare. Se mire.
De la chaleur, vite, de la chaleur, que le frimas s'estompe, que l'humus s'émousse, et que se chasse cette buée devant ma glace. Perles grises.
De la vie, vite. Donnez votre vie, s'il vous plaît. Nous avons tellement donné la nôtre...
Ils veulent le prendre, cet air, il leur manque tellement, il ne leur appartient plus. Il leur est dû. Faire sien.
Avoir ce que l'on n'est plus. Voir que ce que l'on n'a pas. Escompter, même si ça esquinte. Escompter, pourvu que ça esquisse.
La machine à reproches s'astique les pinces à l'orée du jour, alors que la nuit, déjà, a écrasé les carreaux et que les volets se sont tirés comme un rideau de fumée. Un écran blanc pour lunettes de soleil. Fondu au noir.
On peut les imaginer, devant leur fenêtre, à finalement compter les voitures. Au pire les scooters. Les phares qui éclaboussent. Forcément vain, l'affût des heures à venir affûte la lame des heurts qui soupirent. Transpirent. Inspirent. S'expirent. Ils attendent. Tellement. Que dénicher ? Forcément suinte le coulis des grimaces, le courroux des aigreurs. La pendule, qui dit oui, qui dit non. La poupée qui fait oui, qui fait non. Non, surtout. Ils n'ouïssent plus les oui. Surtout le non, qui ne dit pas son nom. Méchante, la pendule. Méchante la poupée.

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