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« Grand emprunt » : le temps des « nanars » !

Publié le 08 novembre 2009 par Alaindumait

commission_jupp_rocardLe débat sur le « grand emprunt » voulu par Nicolas Sarkozy a quelque chose de surréaliste.

Chacun convient que le principal problème de la France, du côté de ses finances publiques, est celui du déficit de ses comptes et de la dette qui en résulte. C’est aussi devenu la principale préoccupation des Français, à égalité avec le chômage. Ils souhaitent que l’Etat, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale réduisent leurs dépenses, équilibrent leurs comptes et commencent, au moins, à rembourser leurs dettes.

On aurait pu croire que, dans une démocratie d’opinion, le gouvernement en tiendrait compte. Que nenni ! Les déficits ne cessent d’augmenter et aussi la dette, de ce fait…

C’est dans ce contexte que, le 22 juin 2009, devant le Congrès, réuni pour la première fois à Versailles pour écouter une déclaration solennelle du président de la République, celui-ci a lancé l’idée d’un « grand emprunt ». Puis il a installé une commission, coprésidée par MM Alain Juppé et Michel Rocard, dont on attend le rapport d’un jour à l’autre.

Comme l’opinion y est majoritairement hostile (82% des Français disent même ne pas avoir l’intention d’y souscrire !), cette affaire ne serait défendable qu’à la condition que des arguments d’ordre technique viennent l’étayer. On n’en voit aucun…

Pour mériter son nom, le « grand emprunt » doit en effet être souscrit par les particuliers. S’il était réservé aux acteurs professionnels du marché du financement de la dette, ce ne serait qu’une opération de plus, parmi d’autres. Comme la dernière en date, le 5 novembre 2009, quand l’Etat, via son Agence France Trésor, a levé 7,7 milliards d’euros, au taux moyen de 3,25%, en émettant des OAT (obligations assimilables du Trésor) à échéances des 25 avril 2016, 25 avril 2017 et 25 octobre 2019.

Or, le taux moyen des obligations privées à cinq ans et plus, étant de l’ordre de 5%, il n’est pas certain que ce « grand emprunt » soit si facilement souscrit par les particuliers si le rendement proposé est du même ordre que celui qu’accepte les professionnels (moins de 3% sur 5/7 ans). Et si le taux offert est plus élevé, ce sera alors une mauvaise affaire pour l’Etat, et donc pour les contribuables…

Au plan économique, l’emprunt peut, en théorie, se justifier de deux façons.

La première renvoie au comportement familial.

Emprunter permet d’anticiper sur des rentrées futures. Dans le cas de l’Etat Français, cela voudrait dire que le « grand emprunt » ne serait rien d’autre qu’une anticipation des futures augmentations d’impôts. Après 2012 ?…

La seconde renvoie au comportement des entreprises : elles empruntent pour financer des projets dont la rentabilité attendue est supérieure au taux d’intérêt du moment. Si la rentabilité attendue est par exemple de 10%, il n’est pas idiot d’emprunter à 5%. C’est ce qu’on appelle l’effet de levier.

Mais l’Etat est-il crédible quand il prétend, avec son « grand emprunt », financer des investissements d’avenir à forte valeur ajoutée ?

Le passé ne plaide pas pour sa future bonne conduite… Les 1 520 milliards d’euros de dettes publiques accumulées depuis 35 ans n’ont jamais financé que des trous et des fins de mois.

Alain Juppé déclarait, il y a quelques jours que l’argent du « grand emprunt » irait principalement à la recherche et à l’innovation. C’est évidemment mieux que de dire qu’il servira à combler une petite partie du déficit de la sécu. Mais, pour qu’on en soit certain, encore faudrait-il que l’équilibre de la sécu soit assuré, alors qu’il recule de jour en jour.Dans ces conditions une opération de compensation, sorte de tour de passe-passe, est à craindre.

Quand bien même l’argent irait-il effectivement à la recherche et l’innovation, encore faudrait-il que ce soit en faveur d’une recherche qui trouve et d’une innovation qui paye. Rien n’indique que nos structures publiques soient pour cela les plus qualifiées.

Rien n’indique d’ailleurs non plus qu’un seul projet rentable soit actuellement en souffrance faute de financement.

C’est même l’inverse qui est à craindre : quand les taux d’intérêt sont bas – très bas, artificiellement bas, comme c’est le cas actuellement – des projets qui n’auraient pas pu êtres financés au taux d’intérêt naturel, dont on peut simplement dire qu’il serait plus élevé, peuvent l’être. Mais ces projets-là, souvent des « nanars », qui en fait n’auraient pas dû être financés, ne résisteront pas à la remontée des taux d’intérêt qui s’annonce. Ils ne sont constitutifs que d’une nouvelle bulle…

« Toutes les turpitudes de notre régime, j’en ai toujours trouvé la source dans des interventions de l’État. Les systèmes malthusiens donnent à leurs auteurs toutes les apparences de l’action généreuse, alors qu’ils organisent la misère et la ruine »(Jacques Rueff).


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