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Le parlement européen et Hadopi

Publié le 08 novembre 2009 par Dominique Lemoine @lemoinedo
Le Parlement européen prend des forces. Il ne veut plus se laisser marcher sur les pieds ou, du moins, plus aussi facilement qu'avant. Face au Conseil (les représentants des États membres), les eurodéputés ont tenu bon, mercredi 4 novembre, pour protéger les droits des citoyens sur Internet. Au menu : le paquet télécom, ensemble de directives européennes destinées à réguler les télécommunications dans l'Union et plus particulièrement la partie touchant aux droits des internautes, au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, et à l'interdiction des suspensions arbitraires des connexions. Face à eux, les délégations gouvernementales menées par la France ont essayé de vider le texte concerné de son sens. En trame de fond, la survie des lois antipiratage adoptées ou en cours d'adoption dans certains États membres, dont la fameuse loi Hadopi.
Menés par Catherine Trautmann, les parlementaires ont maintenu l'essentiel de leurs exigences . Corinne Lepage, eurodéputée et membre de la Commission ITRE (télécoms), raconte le calvaire de la négociation. La partie concernant la protection des internautes face aux suspensions de connexion a été l'objet d'une bataille politique sanglante. Principal point d'achoppement : l'opposition entre une procédure administrative, défendue par les États pour des sanctions plus efficaces, et une procédure judiciaire, défendue par le Parlement européen pour protéger les citoyens via la séparation des pouvoirs.
"L'obligation de passer par une procédure de justice préalable, c'était non négociable", explique la vice-présidente du Modem, qui a "twitté" la réunion en direct . Mais en milieu de soirée, "Catherine Trautmann est revenue de la concertation avec un texte inacceptable, le Conseil avait tout retoqué. La discussion a été très, très ferme" et les eurodéputés ont à nouveau maintenu leurs exigences. Visiblement experte du compromis, Catherine Trautmann est retournée voir le Conseil et "a bien négocié", selon Corinne Lepage, qui estime que Hadopi peut se faire du souci car le texte adopté par l'UE "ne colle pas" avec la suspension d'abonnement prévue par la nouvelle loi française.
Bras de fer sur les mots
Pourtant, ce texte ne fait pas l'unanimité. La Quadrature du Net, collectif citoyen impliqué dans la lutte contre la loi Hadopi, dénonce le jeu sur les mots . Avant la négociation, le texte exigeait une "décision" de justice préalable à la coupure d'Internet alors que les nouveaux termes se contentent d'une "procédure" préalable : la décision du juge ne doit plus être attendue pour suspendre une connexion. Une autre transformation sémantique laisserait par ailleurs le champ libre à des restrictions de connexion par le secteur privé. Malgré tout, le collectif reconnaît qu'il y a "de bons principes, très intéressants, comme l'exigence du respect de la vie privée et de la présomption d'innocence".
Corinne Lepage reconnaît des failles. "Ce n'est évidemment pas un texte parfait, mais compte tenu de la position très ferme du Conseil, nous ne pouvions pas faire mieux", explique-t-elle. "Et puis les pressions françaises ont été particulièrement fortes, contre la protection des libertés", poursuit-elle, refusant d'en dire plus. Catherine Trautmann, que lepoint.fr avait interviewée en avril 2009 , avait elle aussi dénoncé des "pressions qui viennent de tout en haut" de l'État français.
L'ancienne ministre de la Culture se félicite que "cette étape positive ouvre la voie à l'adoption pleine et entière du Paquet télécoms". En effet, le bras de fer sur la lutte contre le piratage a failli faire capoter l'ensemble de la nouvelle régulation européenne des télécommunications. Cela aurait eu pour conséquence de remettre à zéro toutes les négociations de l'Union et de ses 27 États membres, un travail titanesque que personne n'avait envie de recommencer. Le texte renégocié mercredi doit être voté au Parlement européen lors de sa séance plénière du mois de novembre, et adopté par le Conseil dans la foulée. Une "formalité" selon Corinne Lepage. Ensuite, il faudra attendre des procédures judiciaires, et la décision ultime de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), si elle est un jour saisie. Dans tous les cas, il faudra patienter plusieurs années pour connaître l'effet réel du Paquet télécom sur les libertés des internautes européens.
Lire l'article de Guerric Poncet dans Le Point

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