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No waking call

Publié le 12 novembre 2009 par Timothée Poisot

Pourquoi le spectaculaire n’est pas la meilleure forme de communication

L’autre jour, je parlais avec un ami des mobilisations diverses et variées, et notamment contre le réchauffement climatique. Tout naturellement, on en est venus à parler du waking-call qui date d’il y a quelques mois (ça devait être fin septembre). En quelques mots, partout dans le monde, des gens ont fait sonner des réveils pour attirer l’attention sur le réchauffement climatique. Pour la personne avec qui je discutais, c’était 10000 personnes prêtes à faire parler du réchauffement climatique. Intuitivement, j’aurais traduit ça par 10000 personnes assises sur leur cul avec des réveils en plastique pour qu’on parle d’elles (en vrai, je pense que j’ai été encore pire).

Parce que finalement, pendant les journées entières d’autocongratulation entre ceux qui l’avaient fait, je n’ai pas entendu parler de réchauffement climatique. J’ai entendu les justes et les vertueux se féliciter de leur engagement, et rappeler ô combien ils étaient des citoyens modèles. Le seul réchauffement auquel on a été confrontés, finalement, c’était celui du discours d’auto-valorisation de ceux qui l’ont fait.

Avant de continuer, que les choses soient claires. Le réchauffement climatique est un problème sérieux. Réel. Et l’activité humaine n’y est pas pour rien. Voilà mon opinion, et c’est la même qu’une vaste majorité de scientifiques. Le réchauffement climatique pose un problème de biodiversité incroyable, modifie notre écosystème beaucoup trop vite, on le sait, et on commence a mesurer les conséquences. Il faut changer les habitudes, et faire pression sur les gouvernements et les entreprises.

Faire sonner des réveils, ça ne change rien au problème. Et je pense même que ça aggrave la situation. Se retrouver dans une foule comme ça renvoie des signaux positifs de tous les côtés. On se retrouve persuadé du bien-fondé de l’action, et surtout on se laisse guider par ceux qui pensent pour nous. On se décharge de la responsabilité, mais on récupère le bénéfice individuel, en quelque sorte.

Mais surtout, ce type d’évènement s’adresse surtout à ceux qui y participent. Parce que dans les journaux, le lendemain, on ne lisait pas qu’il fallait stopper le réchauffement climatique. On lisait que des gens avaient fait sonner des réveils. Félicitations les gars, toute cette encre utilisée pour vous ne sera pas utilisée pour sensibiliser la société au problème contre lequel vous pensez lutter…

Augmenter l’awareness (comme on me l’a formulé après…), ça ne se fait pas en faisant beaucoup de bruit. Ca, c’est pour faire de la pub aux grosses ONG, qui n’en ont pas besoin. D’une part on applique des techniques de buzz à la con, mais en plus on les applique à mauvais escient. Pour des alter qui sont censés lutter contre les dérives d’une société capitaliste, le bilan est brillant!

Il faut peut être que tous ceux qui se jettent dans ce type de manifestations se posent la question du travail de fond. Plus difficile. Plus personnel. Plus discret. Moins spectaculaire. Moins gratifiant dans l’immédiat, et qui se pense sur le long terme. Faire passer une information, c’est comme faire de l’expresso. Il faut que les idées percolent à travers la société, et pour ça, il faut les faire passer, même les pousser un peu. Mais il faut laisser le temps que le mélange se fasse. Sinon, on parle du sujet pendant 3 jours, et ça retombe dans l’oubli.

Si on crée un bruit de fond scientifique, on permet deux choses. D’une part, on assure que le sujet est couvert en quasi-permanence, de manière paisible, sans grand spectacle. D’autre part, et c’est sans doute le plus important, on donne à chacun les moyens de comprendre pourquoi et comment c’est dangereux que la planète se réchauffe, et pourquoi et comment on peut lutter. De même pour le créationisme, les légumes produits localement, et la supériorité des Bordeaux sur les vins de la Loire.

Mais le travail de fond ne crée pas de héros. Des petites mains affairées, avec toujours un concept a expliquer, les arguments d’un crackpot a démonter, des faits a mettre sur la table ou le comptoir d’un bar. En agissant dans ce sens, on peut transmettre les connaissances, et d’autres se mettront à agir pareil. C’est une des idées qui est derrière la création d’initiatives comme Plume! ou le C@fé des Sciences. Il faut faire de la diffusion à long terme, pour que chaque personne puisse se renseigner sur les enjeux des débats.


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