Magazine Focus Emploi

A qui profitent les classements des universités ?

Publié le 13 novembre 2009 par Infoguerre

Stand Out and Be Heard par Ryan Brenizer

Ryan Brenizer

Dans le cadre de la compétition de l’économie de la connaissance, les classements des universités sont devenus incontournables : prestige national, ego du corps professoral, fonds alloués. Depuis cinq ans, nous voyons une transformation assez radicale des modes de fonctionnement des universités, que ce soit au niveau du recrutement, du financement, des formations proposées ainsi que des modes d’obtention des diplômes.

En 2003, « le classement de Shanghai », ou Academic Ranking of Word Universities (ARWU) a créé une innovation, il n’y avait pas classement international des universités mais seulement national. Ce classement fut créé par l’université de Shangu Jiao sous la présidence de Xie Shengwu, membre du Comité Central Chinois, non pas pour comparer les universités du monde mais pour connaitre la place des universités chinoises par rapport aux autres universités de renom. Les Chinois veulent se projeter sur le long terme, se doter d’universités de classe mondiale. L’année d’après ce fut au tour du Times Higher QS de se doter d’un classement similaire en ajoutant des critères propres aux anglais.

Les critères du classement se font par rapport aux nombres d’articles publiés et de professeurs nobélisés, entre autres. Un certain nombre de professeurs sont contre ce système, notamment en France : les critères choisis ne reflètent pas le vrai niveau de compétence des cours dispensés. Ainsi une analyse critique des articles publiés par des professeurs nord-américains avant la crise financière démontrerait qu’une partie d’entre eux ont écrit des articles soutenant l’évolution du fonctionnement du monde de la finance depuis vingt ans et qui, si ils étaient pris en compte par le classement de Shanghai, porteraient préjudice à l’image et à la réputation d’un certain nombre d’universités anglo-saxonnes. On remarque depuis plusieurs années l’accentuation de la dérive de certaines pratiques dans le monde universitaire des Etats-Unis d’Amérique. Les professeurs doivent publier en moyenne deux articles par an pour conserver leur poste. Cette pression les amène à faire plancher des dizaines d’étudiants en amphi devant des ordinateurs afin de valider des thèmes de recherche par le quantitatif aux dépens du qualitatif. Dans le même ordre d’idées, la compétition entre les universités cotées nord-américaines incite certaines d’entre elles comme Harvard à augmenter le quota de bonnes notes afin d’être plus attractives pour les futures recrues.

Néanmoins, chercheurs et étudiants français attendent ce classement avec impatience (seulement trois établissements dans le top 100). Pourtant la France est dotée de bonnes universités avec des budgets conséquents suivant les pôles de recherche (472 millions d’Euros pour Paris VI.), certes loin d’Harvard, avec ses 26 milliards de dollars. Valérie Pécresse, lors d’une interview, alors que la France était à la présidence de l’Union Européenne, a suggéré que l’UE crée sont propre classement. L’Europe des 27 aurait tout intérêt à créer sont propre classement, en choisissant ses propres critères pour de se démarquer de celui de Shanghai. Le classement de Shanghai est purement scientifique, alors que la France préconise d’ajouter les sciences sociales. Ce qui permettrait à la France de remonter au classement. En effet, afin de maintenir leur compétitivité au sein de l’économie de la connaissance, les universités de l’UE se doivent de mieux utiliser leurs ressources pour rester attractives auprès des étudiants et des chercheurs et ainsi éviter la fuite des cerveaux.

Même si les Etats Unis consultent peu ces classements, celui de l’US News & World Report est celui qui a le plus de résonance. De plus, ces classements sont quand même utilisés afin de maintenir et de construire une position et une réputation institutionnelle. Qu’on le veuille ou non, ils influent sur les partenariats et collaborations au niveau national et international. Aujourd’hui cela sert d’outil marketing en ces temps de crise. Le nerf de la guerre reste l’argent et les chercheurs sont toujours à la recherche d’argent frais.

Rebecca Hughes de l’Université de Nottingham (GB) pose ainsi le problème : la transparence des classements aura-t-elle pour effet de promouvoir ou d’entraver les collaborations inter-établissements à l’échelon international ? Les universités en haut de l’affiche qui présentent leurs programmes, peuvent ainsi mieux cibler le choix des partenariats qui ont un intérêt stratégique aussi bien national qu’international. Ainsi quels que soient les critères utilisés dans les classements, cela sert les intérêts des fournisseurs d’enseignement supérieur et les responsables politiques nationaux.

On peut dire qu’en France la réforme des universités découle, en partie, de ces classements. Nous avons vu qu’il y avait un débat important sur la qualité et les performances des établissements d’enseignement supérieur (EES), sur la manière dont ces critères sont établis et dans quel but.

Les implications politiques sont très importantes notamment sur l’éducation de l’opinion publique et des meneurs d’opinion. Chaque entité, chaque Etat doit se doter d’outils lui permettant, soit de se maintenir en première position, soit d’essayer de contrer la montée inexorable des EES des pays émergents.

Les Etats Unis ont, de loin, les meilleurs outils de travail grâce entre autres à leurs moyens financiers. L’Europe, avec le traité de Lisbonne, va essayer de développer l'échange d'informations et d'expériences sur les questions communes aux systèmes d'éducation des États membres. La Chine, quant à elle, mise sur la venue de nouveaux chercheurs et la tenue de conférences pour multiplier les partenariats dans le but d’accroitre son économie de la connaissance.

La bataille des élites ne fait que commencer dans cette compétition de l’économie de la connaissance.

Cédric Goffard


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Infoguerre 2399 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte