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Paso Doble n°158 : Qu’est-ce qu’un Etat (palestinien)

Publié le 18 novembre 2009 par Toreador

Etat du Droit, Droit des Etats

Gandalf m’ayant demandé mon avis sur la reconnaissance par l’ONU d’un Etat palestinien, je le donne. Juridiquement, il convient de rappeler qu’en droit international public, un Etat réunit trois caractéristiques essentielles pour qu’on puisse le qualifier ainsi. Ces trois critères objectifs sont l’existence d’un territoire, d’un peuple et d’un gouvernement effectif. Un quatrième critère subjectif est le degré d’intégration dans la communauté internationale, à savoir le nombre d’Etats reconnaissant comme tel leur homologue. Ce quatrième critère est ambivalent car il est nécessaire sans être dirimant. Taïwan est un Etat mais mal aimé par les siens, par exemple.

La Palestine est à Israël ce que Taïwan est à la Chine : un élément dont l’indépendance n’est pas admise car l’accepter signifierait fragiliser la construction nationale et identitaire de l’ensemble. La République Populaire de Chine ne saurait accepter qu’une seconde Chine – nationaliste mais démocratique de surcroît ! – émerge à ses cotés, sans fournir d’excellentes raisons aux oïgours ou aux tibétains de réclamer à leur tour leur indépendance, eux qui ne sont pas Han. La RPC s’oppose donc avec force à toute reconnaissance de Taïwan, qui n’est dans les faits reconnu comme un Etat que par une trentaine de pays. La plupart des grandes puissances ont préféré baisser pavillon et entretenir des relations semi-officielles avec l’île dissidente pour ne pas mécontenter Beijing.

J’aime tellement la Palestine que je suis content qu’il y en ait deux !

Il en va de même pour Israël dont personne ne cherche le courroux. Le cas de la Palestine est d’autant moins plaidable que, concernant les trois éléments objectifs dont je parlais un peu plus haut, on est loin du compte : il y a bien un peuple, quoique par ailleurs disséminé désormais dans toute la région, dont Israël ; il y a un territoire, mais il est coupé en deux ; il n’y a pas un mais deux gouvernements. Quant à l’effectivité de leur contrôle, il est permis de douter.

C’est ainsi qu’il faut lire la réaction de l’UE qui juge « prématurée » la reconnaissance. En effet, de toute évidence, le gouvernement légal n’a aucune autorité dans la bande de Gaza.

Coté palestinien, la demande est en réalité défensive : si l’ONU reconnaissait l’existence d’un Etat palestinien, alors le droit de la Charte serait susceptible de s’appliquer en cas de colonisation ou d’occupation israëlienne. Le Conseil de sécurité serait amené à intervenir sur la base du chapitre VII de la Charte alors que jusqu’ici, les guerres du Proche-Orient ont été gérées avec des casques bleus et des forces d’intermédiation, sur la base du chapitre VI. Enfin, l’argumentaire d’Israël s’écroulerait : ce pays a toujours en effet affirmé que les limites actuelles d’Israël découlaient des lignes d’armistice, donc d’une situation de fait, et que les annexions de Jérusalem ou du Golan étaient légales. Israël ne se réfère pas à la ligne de partage de 1948, l’ONU, oui.

En d’autres termes, en allant au-delà de la résolution (ambigue) n°242 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la communauté internationale se porterait garant de frontières palestiniennes. Reste que même si les Etats-Unis ou l’UE acceptait de reconnaître les frontières de la Palestine, probablement ceci ne ferait pas l’unanimité parmi les pays du globe. La Chine réfléchira à deux fois avant de créer une coutume permettant à l’ONU de remodeler à sa guise les frontières en reconnaissant de jure un nouvel Etat.


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