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Camus et les instituteurs

Publié le 21 novembre 2009 par Rendez-Vous Du Patrimoine
Camus et les instituteurs
On connaissait les antipathies de certains à l'égard de la Princesse de Clèves (roman de Mme de La Fayette), on va pouvoir gloser sur celle de M. Pierre Bergé vis à vis de Camus (et accessoirement d'André Malraux).M. Bergé, bien connu dans le monde des arts et de la culture s'exprimait ce matin sur Parlons.net (repris par Rue 89). A propos de la suggestion présidentielle d'envoyer Camus au Panthéon, il exprime son désaccord total (c'est son droit), en expliquant que c'est un auteur qu'il n'aime pas (c'est son droit, on aimerait d'ailleurs en savoir un peu plus), mais il ajoute ceci : " Je trouve que c'est un écrivain pour instituteurs. Je pense qu'aujourd'hui Malraux et lui sont considérés comme deux serre-livres, qu'on pose sur des étagères et qu'on ne lit pas. ». Passe pour "les serre-livres", ils ne se défendront pas, mais les instituteurs ? Je suis persuadée qu'ils ne manqueront pas d'apprécier le mépris que traduit une telle formule. Les instituteurs forment nos enfants et éduquent leurs esprits. Ils exercent l'un des plus beaux métiers qui soient et, dans leur diversité, peuvent aimer Camus et Malraux ( écrivains pour instituteurs d'après M. Bergé), Céline et Giraudoux ("vrais écrivains" d'après M. Bergé).Ou alors c'est moi qui ne comprends pas. M. Bergé aurait-il associé "les instituteurs" à une classe d'érudits en voie de disparition seuls capables de lire les "serre-livres" ? A vous d'apprécier... En tout cas, il me paraît plus courtois de s'attaquer aux auteurs qu'on n'aime pas qu'à leurs lecteurs supposés, qui du coup tombent aussi dans le discrédit. L'hommage que Camus rend justement à son instituteur, M. Germain, sous le nom de M. Bernard, dans Le premier homme, suffira à laver l'affront : " Avec M. Bernard, cette classe était constamment intéressante pour la simple raison qu'il aimait passionnément son métier.
Au dehors, le soleil pouvait hurler sur les murs fauves pendant que la chaleur crépitait dans la salle elle-même pourtant plongée dans l'ombre des stores à grosses rayures jaunes et blanches. La pluie pouvait aussi bien tomber comme elle le fait en Algérie, en cataractes interminables, faisant de la rue un puits sombre et humide, la classe était à peine distraite.
... Il savait toujours tirer au bon moment de son armoire aux trésors, la collection de minéraux, l'herbier, les papillons et les insectes naturalisés, les cartes ou... qui réveillaient l'intérêt fléchissant des élèves. Il était le seul dans l'école à avoir obtenu une lanterne magique et, deux fois par mois, faisait des projections sur des sujets d'histoire naturelle ou de géographie. En arithmétique, il avait institué un concours de calcul mental qui forçait l'élève à la rapidité d'esprit....Les manuels étaient toujours ceux qui étaient en usage dans la métropole. Et ces enfants qui ne connaissaient que le sirocco, la poussière, les averses prodigieuses et brèves, la sable des plages et la mer en flammes sous le soleil, lisaient avec application, faisant sonner les virgules et les points, des récits pour eux mythiques où des enfants à bonnet et cache-nez de laine, les pieds chaussés de sabots, rentraient chez eux dans le froid glacé en traînant des fagots sur des chemins couverts de neige, jusqu'à ce qu'ils aperçoivent le toit enneigé de la maison où la cheminée qui fumait leur faisait savoir que la soupe aux pois cuisait dans l'âtre... Dans la classe de M. Bernard, (l'école)... nourrissait en eux une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme et qui est la faim de la découverte... pour la première fois, ils sentaient qu'ils existaient et qu'ils étaient l'objet de la plus haute considération : on les jugeait dignes de découvrir le monde..." La vidéo concernée sur Rue 89.Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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