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A propos de jeunes filles (rediffusions)

Publié le 22 novembre 2009 par Bababe

Deux rediffusions en attendant le prochain billetA propos de jeunes filles (rediffusions)

Pullo Burkina

 *NUIT DU POUSSIN DANS UNE CALEBASSE REMPLIE D'EAU AU TEMPS DES VIERGES par G.Pullo

Pour toute mère peule, la naissance d’une fille est une source de préoccupations et de soucis majeurs. Il faut lui assurer une éducation morale et sociale afin qu’elle soit une future digne épouse. Et surtout veiller scrupuleusement à sa bonne moralité pour qu’elle arrive vierge au mariage.

Je me souviens de celle que j’appellerai Nénooye dont les premières angoisses éclatèrent quand sa fille Wuuri Malé vit son sang (règles) pour la première fois.

Ces angoisses s’accentuèrent quand Wuuri Malé, entre 16 et 18 ans, repoussa toutes les candidatures de mariages imposées par les parents ou les arrangeurs de fiançailles. Wouri Malé resta célibataire.

Le fait que sa fille ne soit pas mariée entraîna la honte pour Nénooye. Cette honte jusque là contenue se mua en une honte et une culpabilité qui envahirent ses nuits. C’est ainsi que Nénooye commença à passer des nuits comme celles du poussin dans une calebasse remplie d’eau.

L’attente devint très longue pour Nénooye.

Dès lors, Nénooye entreprit de consulter les esprits tout en redoublant de vigilance sur les sorties et les fréquentations de sa fille.

Pendant que les uns traitaient Wuuri Malé « d’avoir coupé les cordes », c’est à dire rebelle, d’autres affirmaient qu’elle étaient « travaillée » (On lui a jeté un sort).

Dans ce contexte, Nénooye confuse et malheureuse entreprit de consulter les « Esprits ». De recommandations de port de grigris, du sacrifice de six poules noires et un coq blanc, tout y passa pour conjurer le sort abattu sur une famille réputée depuis plusieurs générations.

De leurs côtés, deux confidentes de Wuuri Malé, Kardo Mboubri et Malaado Wuné ( dont les noms signifient respectivement : Rassasiée d’ombre et Chanceuse) juste jeunes mariées et en attente de bébés, confectionnèrent discrètement une corbeille d’intimité garnie de produits magiques sensés séduire.

Plus le temps passe, plus Nénooye craignait que Wuuri Malé trébuche sur ces vagabonds que les filles aiment aimer et qui ne se marient guère.

Elle redoutait surtout d’être obligée de recourir à la méthode qui consistait d’arroser le petit pagne blanc de la mariée avec du sang de poulet et du coq pour prouver sa virginité et ainsi sauver l’honneur.

Ainsi le sang du coq et des poulets calmeraient les angoisses d’une mère et redoreraient la respectabilité d’une famille "réputée de pur sang".

Wuuri Malé suivait tantôt agacée, tantôt amusée toutes ces manigances. Décidément les us et les coutumes ont la vie dure chez les peulh.

Et moi, rédigeant ces pages à l’automne de ma vie à des milliers de kilomètres de ma case natale, je pensais que wuri Malé, la jeune rebelle, la vierge rétive pourrait faire sien ce vers de Corneille : « Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu » et le réécrire ainsi : « J’offrirai mon sang pur comme je l’ai reçu à l’homme que j’aurai moi même choisi".

Wuuri Malé, tu mérites bien ton nom. Littéralement ton nom signifie « Tu vivras heureuse ». Tiens bon ! L’avenir est en ta faveur. Non, tu ne mérites pas, mais alors pas du tout d’être offerte en aumône au dernier almuudo de passage ou au derniers "foccinairé" venu de la capitale comme cela avait été envisagé, pire encore recommandé à une certaine époque !

Par G.Pullo

(Lire les commentaires dans Archives Mai 2007)

*DEUX MERES

A propos de jeunes filles (rediffusions)

  • Une mère d'AUJOURD’HUI…

Raki Korka, une tante, s’adressant sur un ton badin à ses nièces leur demandant si les prétendants ne se sont pas encore annoncés, fut interrompue par les sonneries persistantes du portable de l’une d’elle, Mignel. Ce qui l’amena à interpeller cette dernière :

"Hé, Mignel, j’ai remarqué que toi, ton portable sonne trop ! Il sonne sans arrêt ! Attention, rassemble bien et serre fort tes jambes ! Ne les desserre surtout pas ! "(allusion à la virginité).

C'est alors que Bandel, la sœur de la tante, dit d’une voix presque désabusée : « Mignel, elle au moins, on entend son portable sonner et on l’entend parler. Les gros soucis kay, c’est Dikel. Elle, on la voit penchée sur son portable et se mettre à rigoler comme une fille aux yeux secs (délurée)! Avec leurs SMS, on ne les entend plus parler… Comment peux-tu, dans ces conditions leur donner des conseils ?

Mon Dieu, moi qui ai six filles, qu’est-ce que je peux faire ? Surtout des filles qui ont fait des études, qui sont persuadés qu’elles ont toujours raison et veulent à tout prix te le prouver ! Tout change, quelle époque ! »

  • Une mère d'HIER…

A son fils venu lui annoncer son intention de se marier avec la fille de son choix, une mère répondit :

« Mon fils, ce que tu viens de me dire, je l’avais déjà deviné car les plaisirs du cœur traversent les yeux. Celle que tu veux attacher à toi, je n’ai rien entendu dire de mauvais sur elle. Mais fais attention aux jeunes filles d’aujourd’hui. Elles ont le pas et le regard très allongés. Elles vont plus loin que leur chemin et elles regardent de côté ; Elles ont de l’audace dans la nuit, ou bien elles dorment au lieu de filer le coton. Elles ne veulent plus travailler. Au lieu de piétiner le linge, elles le frappent avec du bois, ce qui va plus vite mais l’use rapidement. Elles préfèrent acheter du riz dans les boutiques que de le cultiver au bord de l’eau. Et maintenant qu’il y a des machines pour moudre le mil, elles n’auront plus rien à faire.

Fais attention à ne pas donner ton argent avant de savoir ce qui est caché. Les jeunes filles de mon temps n’allaient pas ainsi. Elles faisaient ce que faisaient leur mère et leur grand-mère. Celles de Maintenant, lèvent la tête et ont un caractère qui leur appartient !

Tu m’as dit qu’ils t’ont demandé 70 francs. C’est de l’argent. En y ajoutant 21 francs, de mon temps, tu aurais eu un esclave. Le monde a marché depuis ce temps.»

Tenez-vous bien, ce dernier texte est extrait du roman « Diato « d’André Demaison, publié en 1923, grand prix du roman de l’académie française .

C’était à une époque où le Mali « s’appelait » le Soudan, les crocodiles et les hippopotames se prélassaient sur les berges du Niger, les lamantins y broutaient les feuilles à fleur d’eau, les pintades, sauvages, les bancs de carpes et de mulets grouillaient, les perdrix s’alourdissaient de graisse, bref quand partout , c’était liesse et bombance et que la nature prodiguait sans compter à toute sa progéniture.


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