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Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion

Publié le 26 novembre 2009 par Littlestylebox
La marque Matières à Réflexion reste assez peu connu du grand public. Et pour cause, son concept lui-même ne permet pas une diffusion large: Laetitia et Cyrille fabriquent eux-même dans leur boutique atelier au coeur du Marais des collections de sacs à partir de vestes en cuir vintage. Chaque sac est unique par le choix de la veste et son positionnement. Non content de proposer ces sacs, la boutique propose également une sélection de prêt-à-porter et de bijoux de créateurs parisiens indépendants, auxquels il est difficile de résister...
J'ai rencontré Cyrille pour qu'il nous en dise un peu plus.
Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion
Est-ce que tu peux nous présenter Matières à Réflexion ?
A la base on est deux, Laetitia et moi. On a commencé en 2002 avec du textile de décoration, on faisait notamment des coussins, des plaids et des revêtements de chaise.
Un jour, un de nos clients qui a une boutique rue des St Pères nous a dit : votre coussin est bien, mais si vous le pliez en deux, vous pouvez en faire un sac.
Laetitia sortant du milieu de la mode n’était pas totalement à fond pour y retourner, mais on s’est quand même plié au jeu. Le premier sac s’est appelé le pillow bag, c’était un sac tout mou un peu doudou. On l’a vendu à la boutique Rare rue de Grenelle, et Shade rue des St Peres. On a commencé comme ça en tâtonnant pendant 2-3 saisons puis on a enchainé les salons jusqu’à avoir une trentaine de points de vente en France, Europe, Chine et Japon.
En 2005, on a lancé une ligne homme puis fin 2006, on a ouvert notre boutique rue de Poitou.
Comme notre production est très artisanale, on a alors diminué le nombre de points de vente. Il en reste une petite quinzaine dans le monde.
La grande force de Matières à Réflexion est son concept, peux tu nous l’expliquer ?
Laetitia adore travailler le cuir vintage. C’est un cuir qui a vécu, il est beaucoup plus vivant que la peau 'neuve'. On a donc eu l’idée de produire tous nos sacs à base de vestes vintage en cuir, et on les produit ici même dans la boutique rue de Poitou.
Quel est l’intérêt d’utiliser des vestes en cuir ?
D’abord c’est une très belle matière à travailler, elle a une vraie sensualité. Ensuite selon les vestes dans lesquelles on réalise un modèle de sac, le résultat sera très différent. En retravaillant les vestes vintage, on a un choix de placement. Même si c’est le même gabarit, les détails sont différents. L’idée est toujours de retravailler le sac autour des détails de la veste. On garde des coutures, des poches, des boutons, des détails de fronces, de surpiqures, les empiècements, les cuirs martelés…
Le type de veste va te donner un résultat différent : par exemple si on veut faire un sac super rock, on choisira un perfecto d’homme.
Tu utilises aussi du cuir neuf ?
Sur chaque sac, on associe quasiment toujours cuir neuf et cuir rétro. De manière technique, le cuir vintage donne la souplesse et le cuir neuf structure le sac.
Cela nous permet aussi d’avoir des couleurs qu’on ne peut pas avoir en cuir vintage.
On travaille également la bâche militaire, des costumes d’hommes et du vieux jean. Sur cet hiver on a acheté des anciens pantalons des chasseurs alpins. Ils sont en laine épaisse bleus avec des liserais jaunes. On les a associés avec du cuir noir pour des sacs d’homme.
Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion
Comment s’organise la production ?
Les machines en boutique ne sont pas là pour la déco. La très vieille machine est celle qui nous a servi pour les premières séries. Maintenant, on est passé à des machines un peu plus puissantes. En semaine, les machines en boutique tournent tout le temps. Il y a juste le samedi et le dimanche où on ne s’occupe que de la vente.
Le fait de travailler avec des vestes vintage empêche toute industrialisation.
Bien sûr, on essaye d’optimiser. On organise notre production par tranche. On va faire la coupe sur 25 pièces d’un modèle, puis on va en lancer dix, qu’on réalisera par bout: la doublure, le zip, l’assemblage…
On fait aussi très attention à respecter l’environnement : on n’utiliser aucune colle, ni de carton. Tout est doublé en tissu et si on a besoin de renforcer, on renforce en cuir. Le seul modèle sur lequel on a du carton est le sac de voyage.
Où trouves tu les vestes vintage ?
Le cuir, on l’achète chez Emmaüs ou au Relais, via les circuits d’insertions. Il y a un gros circuit de tri et nous on rachète par lot. Ils ont des stocks énormes en vrac. Je choisis en fonction de ce qu’on aime travailler. Pour sortir 40 vestes, il me faut environ 2-3 bacs de 300kg. Pour les militaires, on bosse directement avec des fripiers militaires.
Quelle est la gamme de prix ?
Les sacs coûtent de 95€ à 500€.
Comment peux tu avoir de tels tarifs avec des produits fabriqués à Paris ?
On n’est que tous les deux, on n’a pas de frais de structures, pas de publicité, peu d’investissements, pas de stocks à gérer. Nous n’avons donc pas tous les frais que peuvent avoir les grosses marques, ce qui nous permet de pratiquer des tarifs plus bas. Et puis pour nous, il faut que le prix reste raisonnable, sinon ça n’a pas vraiment de sens...
Tu as donc très peu de stocks ?
On n’a jamais plus que ce qui est en boutique. On fait toujours des petites séries : si un sac plait, on peut en refaire. Cela nous arrive aussi en pleine saison de lancer un nouveau modèle. Cette saison, on a chiné assez tardivement des ceintures cloutées années 80. On a alors produit des sacs avec ces ceintures en guise de bandoulière.
En fait, on a tellement peu de stock qu’on passe notre temps à noter les adresses mails des clientes qu’on doit avertir lorsque le modèle arrive.
Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion
Est-ce que vous pouvez adapter un sac aux besoins de la cliente ?
Cela nous arrive très souvent de répondre à des besoins spécifiques des clientes. Parfois des clientes nous demandent un sac qui irait avec une paire de chaussures. On cherche dans le stock 3-4 vestes d’une couleur proche. Elle peut choisir celle qu’elle veut puis elle peut choisir les détails. C’est vraiment de la demi-mesure.
On peut aussi avoir des clientes qui viennent avec leurs propres vestes pour les faire transformer en sac. Une fois, une fille est venue avec la veste de son mec qu’elle ne pouvait plus supporter et elle l’a fait transformer en cartable pour lui offrir pour son anniversaire.
Quel est le prix d’une telle commande ?
C’est le même prix qu’un sac normal. D’ailleurs si la cliente vient avec sa veste, on lui fait une remise de 10% car elle amène la matière première.
Et quel sont les délais ?
Habituellement, il faut compter trois semaines. Mais si une bonne cliente veut une pochette pour un mariage dans dix jours, on doit pouvoir le faire.
Mais est ce qu’une cliente peut vous demander n’importe quel forme de sac ?
Créer un sac de zéro nécessite beaucoup de travail notamment pour refaire les patrons. Nous travaillons donc principalement autour des formes de notre collection, mais on peut adapter les formes selon les besoins. Il y a deux saisons, une cliente trouvait que notre mini-moon, un sac un peu rond avec un rabat, était un peu trop petit. On l’a développé en plus grand et on l’a ajouté à notre collection.
On a aussi un très bon client qui est venu un jour pour un sac de voyage. Il aimait bien un modèle existant mais il voulait le modifier. On l’a donc réadapaté, repatronné et on l’a maintenant dans la collection.
Mais il s’agit toujours d’un travail autour de nos formes d’origine. Il arrive que des clientes viennent avec un sac de marque en nous demandant de le copier, ça on ne le fait pas. On ne fait pas non plus de réparation ni de réinterprétation de sacs vintage.
Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion
Et de vraies commandes spéciales ?
De temps en temps, on fait des choses un peu particulières. Pour un film avec Audrey Tautou, on a créé un sac pour répondre aux besoins du film. La costumière voulait un sac qui irait avec la besace fétiche d’Audrey Tautou rapportée du Pérou. Elle le voulait avec un look naturel et vieilli. On a donc travaillé un de nos modèles avec des cuirs vieillis marron et des empiècements de toiles péruviennes.
Pourquoi vous êtes vous installés rue de Poitou ?
On a eu le coup de cœur pour cette boutique avec ses grands murs en pierre et pour le Haut Marais, un petit bastion de l’art contemporain à Paris plein de petites rues ou l’on se perd avec plaisir ! A l’origine, il y avait seulement Shine, l’Habilleur et Hoses rue de Poitou. Il n’y avait pas encore Lemaire, la rue était aux 2/3 vide. C’était un peu un pari. Maintenant la rue est un passage obligé après la rue Vieille du Temple.
Tu ne vends pas que les sacs en boutique ?
On ne voulait pas faire une boutique de sacs car on trouvait que cela ne véhiculait pas une ambiance. On a tout de suite pris des bijoux et prêt-à-porter femme et un tout petit peu d’homme. En prêt-à-porter, on n’a que des créatrices qui sont un peu comme nous. Elles ont entre 30 et 40 ans et font de petites productions en France : Eple & Melk, Karine Jean, Elsa Esturgie qui est un peu la plus senior du lot, Please Don’t
En bijoux, on a à la fois une sélection de créatrices qui travaillent l’argent ou l’or Lyie van Rycke, Adeline Cacheux (qui fait également des collections pour Cristofle) ) ou des pièces fantaisie et/ou rétro, La Tonkinoise, Viveka Bergström, Trois Petits Points, Marine de Diesbach, Louise Hendricks et House of Done.
Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion
Qu’est ce qui marche le mieux ?
La boutique actuellement vend 3/4 de femmes et 1/4 d'hommes.
Après pour les produits, cela dépend des mois, c’est hyper varié. Les sacs sont un peu liés à l’offre qu’on a : quand on en a moins, on en vend moins.
Les vêtements, , ca dépend plus de la météo ! Par contre, nos client(e)s viennent très régulièrement acheter leurs cadeaux à la boutique – surtout des accessoires, sacs ou bijoux !
Comment vous vous organisez avec Laetitia ?
On est hyper complémentaire. Laetitia s’occupe de la création, moi sur la gestion. Laetitia fait aussi beaucoup de vente. Elle adore le contact avec les clients et leur apporte de véritables conseils.
Comment Laetitia travaille un nouveau modèle ?
Laetitia part toujours de la veste pour créer son modèle. Elle dessine son modèle directement sans patron, de manière hyper spontanée.
sSon inspiration, c’est le cinéma, les expos, les magazines, l’air du temps… elle travaille de façon totalement intuitive, et ne suis pas du tout un raisonnement marketing. Elle fait ce qu’elle aime, quand elle le sens !
Quels sont les clés du succès pour une jeune marque ?
Première Classe est le passage obligatoire pour une marque qui se lance, mais il faut savoir se démarquer et rester toujours fidèle à ses principes. On voit trop de marques qui essayent de séduire le client à tout prix, en perdant leur identité.
On a eu de la chance parce que les clients ont tout de suite accroché sur notre style. Bien sûr, ce qui a été difficile au début a été d’expliquer à une boutique que si elle commande dix pochettes noires, elle aura au final dix pochettes différentes, donc ce n’est pas sûr qu’elle les aimera toutes. Cela a été un peu un frein, notamment sur le Japon. Mais ils pouvaient aussi nous spécifier certains points ou cadrer un peu : je ne veux pas de zip, je veux des fronces....
Le 2e passage obligatoire est d’avoir son propre point de vente. Avoir la relation directe avec le client final est hyper important. Le client t’apprendra plein de choses sur tes propres produits. Si tu n’as pas de boutiques, tu livres tes revendeurs en début de saison et tu n’as aucun retour. Tu n’as aucun moyen de savoir ce qui marche.
La saison où on a ouvert la boutique, la collection n’avait pas marché lors des salons : seulement 4 points de vente avaient acheté. Mais en boutique, la collection a marché tout de suite. Après tu peux aller voir tes revendeurs et leur expliquer le modèle qui marche. Tu deviens beaucoup plus crédible.
Merci Cyrille !!
Entretien avec Cyrille Railliet, cofondateur de Matières à Réflexion
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Matières à Réflexion
19 rue de Poitou, Paris 3e
Tel : 01 42 72 16 31
Ouvert tous les jours de 12h à 19h
Site internet: www.matieresareflexion.com

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