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Roméo, Phèdre et les SS

Par Magda

Roméo, Phèdre et les SS

Kate Winslet dans “The reader”, 2008

L’année dernière en février, je courais les cinémas de Berlin pour la Berlinale. Tout le monde se pressait aux projections du Liseur, (The Reader), le film de Stephen Daldry pour lequel Kate Winslet remporta un oscar. Moi seule peut-être, parmi les festivaliers, m’abstins, trop occupée par la rétrospective Winter Adé sur des films interdits pendant l’ère soviétique en RDA, Pologne, Tchécoslovaquie, etc.

Je me souvins soudain qu’avant le film, il y avait eu un livre de l’auteur allemand Bernard Schlink, et qu’on me l’avait offert en poche. Je lus donc Le liseur. Je m’aperçus alors qu’on m’avait raconté toute l’histoire, sans m’épargner aucune articulation du récit, et cela me mit en colère.

Mais la prose de Schlink, d’une simplicité et d’une humilité rare, sait créer des émotions bien vivantes chez son lecteur . Elle fait oublier les rebondissements trop connus du public à force de médiatisation autour du film. L’histoire du Liseur est formidablement bien construite, utilisant trois espaces-temps entre lesquels le narrateur fait des allers-retours : le temps de l’adolescence avec Hanna, puis le temps du procès d’Hanna 7 ans plus tard, et enfin le temps présent, celui qu’on devine être l’âge mûr d’un homme qui n’oubliera jamais son histoire d’amour passée. Cette histoire est même si crédible en dépit de son sujet énorme (un ado de 15 ans, amoureux d’une femme analphabète de 36 ans, accusée de crimes atroces dans les camps de la mort pendant la Seconde Guerre Mondiale) qu’on finit par se demander quelle est la part autobiographique dans le récit à la première personne écrit par Bernard Schlink.

Un sujet passionnant et une prose sans chichis qui, à force de narration et de patience, s’imprime avec force dans l’imagination du lecteur : voilà ce qu’on peut dire du Liseur, un petit bouquin court qui a tout d’un très grand. Une belle histoire d’amour dans la veine romantique du XIXe, puisque Michaël, le héros, aimera jusqu’au bout, malgré la différence d’âge, malgré le passé nazi de l’aimée, malgré la prison, et même au-delà de la mort d’Hanna. A une époque où Beigbeder déclare que L’amour dure trois ans (titre de son roman publié en 1997), on se réjouit de voir que certains auteurs croient au contraire qu’il peut durer tant que dure une âme.

Schlink a aussi le mérite d’affronter le passé de l’Allemagne et de le regarder non pas avec indulgence, mais avec objectivité. La génération qui prit part aux crimes de guerres ou qui en fut le témoin malgré elle, doit-elle être punie ? Dans quelle mesure peut-on juger l’Histoire et les actes de nos parents, dans de tels contextes violents ?

Je verrai bientôt The reader – le film. A la lecture du roman, on se demande en effet qui mieux que Kate Winslet pourrait interpréter ce rôle troublant, charnel et profondément humain. La suite bientôt sur ce blog…


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