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Le rateau de Dubaï

Publié le 30 novembre 2009 par H16

Si reprise il y a, elle est chaotique. On dirait même, comme ça, de suffisamment loin pour ne pas entendre les piaillements de pom-pom girls extatique de la Ministre de l’Economie, que cette reprise est chimérique. Le nombre de chômeurs continue d’augmenter, et nous abordons maintenant les pentes escarpées de records jamais atteints en matière de (non)emploi en France. Et tout ça parce que certains scheiks n’étaient pas provisionnés…

En effet, la ruade boursière subie en cette fin de mois de novembre doit beaucoup à la demande de moratoire d’au moins six mois sur sa dette de la part de Dubaï World, principale société de l’état de Dubaï en charge, essentiellement, d’immobilier, et qui doit faire face à des remboursement de plusieurs milliards d’euros (39… Oui oui, 39).

Remboursements qui sont donc maintenant en suspend et qui mettent leurs créanciers dans une bien fâcheuse position. A la suite de quoi, la notation de plusieurs entreprises phares de Dubaï a pris une claque.  Or, comme ces entreprises sont partiellement ou totalement étatiques, c’est bien la notation d’un état qui, en réalité, a été dégradée ; et en pratique, cela veut dire que l’Etat et ces entreprises vont maintenant avoir beaucoup plus de mal à emprunter, et à fonctionner.

On pourra d’ailleurs lire avec bénéfice l’intéressant billet de Vincent Bénard qui aborde le Skyscraper Index et qui montre que les gratte-ciels géants peuvent servir de marqueurs, lorsqu’ils sortent du sol comme des champignons, d’une bulle monétaire en phase d’explosion…

La dégradation de ces entreprises illustre parfaitement la situation que ce blog expose depuis quelques années déjà : celle de l’état français dont les finances ne laissent en rien augurer un retour à l’équilibre ou même une meilleure gestion dans les mois ou années qui viennent.

La question n’est encore, bien évidemment, pas au menu des principaux médias mainstream qui se contentent de commenter, un peu en roue libre, sur les déboires de Dubaï, de l’immobilier et, dans une certaine mesure, sur la finance islamique, à la mode actuellement. Il faut aller sur les blogs, comme sur celui de l’Insolent ou de Toréador, pour voir poindre une réflexion sur l’endettement français ou européen en général et les ennuis qui nous pendent au nez.

Le rateau de Dubaï

Et maintenant ?

A présent que des signes extérieurs de richesse faiblesse se font jour dans des endroits qui, il n’y a pas si longtemps, étaient considérés comme sûrs, on doit réellement s’interroger sur toutes les autres places qui ont été présentées comme en plein essor.

Ici, évidemment, j’évoque les fameux pays émergents dont, on le rappelle, la croissance quasi-explosive doit absolument perdurer pour prendre le relai des pays développés qui, actuellement, tentent de relancer leurs marchés par des injections keynésiennes massives, avec l’effet absolument … nul qu’on observe.

Et on aurait raison de s’interroger : la Chine, par exemple, ne semble pas mieux en point que Dubaï.

Régulièrement, tant dans les commentaires de ce blog que sur d’autres blogs, on peut lire le navrant couplet des dépensiers qui disent, en substance, que la dette, c’est du bon, fumez-en, que l’état peut et doit donc relancer en endettant les prochaines générations, que le paiement, en tout état de cause, pourra attendre voire être, purement et simplement, oublié sans souci, et que tout ceci se résoudra de lui-même, avec plus ou moins de bonheur, moyennant quelques petites respirations rapides, resserrements de sphincters et exhortations volontaires à ne pas faire de catastrophisme.

Mais voilà : catastrophisme ou pas, actuellement, les Dubaïotes ne sont pas joyce ; certains diront qu’en face de leurs dettes, ils n’ont que du sable et des yeux pour pleurer, et ce n’est pas le cas en France. Sauf que Dubaï n’est pas aussi endetté que la France, en proportion et en volume, et que le patrimoine français est déjà totalement hypothéqué. De surcroît, on n’a pas de pétrole, et on n’a plus d’idées depuis bien longtemps.

Autrement dit : ce qui leur arrive va nous arriver aussi, et avec la force correspondante à la puissance de notre état. Les Émirats Arabes Unis, calculant que laisser tomber Dubaï signait leur propre arrêt de mort, feront autant que possible ce qu’il faut pour arrondir les angles d’une situation pénible. Lorsque ce sera le tour de la France, qui, exactement, pourra venir à son secours ?

L’Allemagne ?

Oooh, on me dira que la probabilité est faible d’une telle échéance elle-même lointaine : l’exposition de l’économie européenne à la déconfiture dubaïote est très très faible, voyons. Ce sont les banques qui le disent elles-mêmes (et elles sont fiables, hein, on peut leur faire confiance).

Et puis, ces mêmes banques ont affiché récemment d’insolents bénéfices. C’est donc qu’elles sont en bonne santé !

On peut alors s’étonner qu’aux US, ces institutions continuent de péricliter. Pourtant, c’est la reprise, que diable ! Et comme en plus, tout ce beau monde a l’assurance d’avoir le soutien de l’état, il ne devrait pas y avoir de crise de crédit, par exemple.

Ah. Zut, il y a bel et bien crise de crédit.

Et comme en plus, les normes comptables, assez sympathiques pour les banques jusqu’à présent, vont changer début 2010, les obligeant à recapitaliser massivement, on peut s’attendre à ce que ce problème persiste : l’argent disponible n’est pas infini, et ceux qui en ont (qu’ils soient des moutontribuables ou des entreprises) sont déjà lourdement mis à contribution pour financer les relances épileptiques d’états de plus en plus dispendieux.

L’avenir n’est pas rose : la relance keynésienne, comme prévu, ne fonctionne pas. Elle a repoussé toute résolution réelle de la crise – qui passe de toute façon par le remboursement des dettes et une déflation – en l’aggravant au passage par différents leviers, les bulles monétaire, immobilière et maintenant écologique étant une illustration de ce que ça peut donner lorsque la locomotive échappe aux piètres machinistes qui brûlent notre argent à toute vapeur…

Devant ces constats, la seule question qui vaille en fait est : combien de temps ce système basé sur l’endettement irréfléchi va-t-il encore tenir ?


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