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Du bout des doigts – Sarah Waters

Par Theoma
Du bout des doigts – Sarah Waters
Du bout des doigts – Sarah Waters
« Nous élevons une nation de femmes cérébrales. Hélas !»

Imaginez le Londres de Dickens. Une ville sans pitié pour celui qui mendie du pain, pour l'enfant qui naît et particulièrement si elle est de sexe féminin ainsi que pour celui qui évolue dans la haute société et qui ne craint rien si ce n'est l'Opinion Publique.

Sue Trinder, orpheline, a été élevée par M'dame Sucksby, garde d'enfants dont le mari est le roi de la débrouille et des magouilles. Un jour, un escroc surnommé « Gentleman » lui propose un plan machiavélique visant à déposséder Maud Lilly, une riche héritière, orpheline également.

En dire plus sur l'intrigue serait indigne. Premièrement, parce que l'effet de surprise serait coupé. Ensuite parce qu'il est inutile de vouloir détailler un tel chef-d'œuvre sans constater avec une certaine désolation, que les mots choisis avec de bonnes intentions sont incapables de retranscrire un roman aussi puissant.

Sarah Waters nous offre une histoire passionnante et éclatante. Dès le début, elle m'a happée et baladée à sa guise. A chaque fois que je croyais comprendre, cerner, viser juste, j'ai pris une gifle aussi magistrale que cette marionnettiste de l'illusion.

Comme il a été délicieux d'être abreuvée de fourmillants détails sur une époque victorienne chère à mon cœur de lectrice ! Comme j'ai aimé qu'elle me parle de ces femmes totalement négligées et oubliées des historiens.

Même si des papillons virevoltent dans le ventre, Du bout des doigts n'est pas un roman « décadent » comme veut bien nous le faire croire l'éditeur. Ce n'est pas non plus une bluette romantique entre lesbiennes comme certains militants gays, et je les comprends, veulent le récupérer. Du bout des doigts est Les Haut de Hurlevent du XXIème siècle. Diabolique, machiavélique, dérangeant et virtuose. Résumer Sarah Waters à une auteure lesbienne serait facile et terriblement regrettable. Elle est la digne descendante de Charlotte Brontë et mérite d'être sur toutes les étagères. Le reste n'a aucune importance.

Une lecture commune avec...

aBeiLLe,  GeorgeJulesRestling

Extrait...

« Un reste de rougeur colore ses joues malgré tout ; elle fixe la glace d'un air mécontent, passe légèrement la main sur son visage... Rien de plus, mais je vois cette mimique et je sens à nouveau mon cœur défaillir – cette sensation de vide qui se creuse, de chute où il y a tant d'affolement et une telle noirceur que je l'avais crue l'expression de la peur ou de la folie. Elle se détourne, s'étire, va et vient dans la pièce selon son habitude, sans but précis, et pendant tout ce temps je la regarde, je la vois faire tous les gestes nonchalants, spontanés, que j'observe d'un œil envieux depuis si longtemps. Est-ce cela, le désir ? Comme c'est étrange que moi, justement, je n'en sache rien ! Je croyais pourtant le désir plus circonscrit, plus ordonné ; je me l'imaginais confiné dans les organes directement concernés, comme le goût est lié à la bouche, la vue à l'œil. Ce que je ressens là me hante et m'habite comme une maladie. M'enveloppe comme une seconde peau. »

Du bout des doigts – Sarah Waters
10-18, 749 pages, 2005

Les avis de...

Brize, Choupynette, Joëlle, Karine :), Marguerite, Nibelheim, Pimpi, Saxaoul, So, Sophie, Ys...

Les mots de la fin par Sarah Waters...

qui répond aux questions les plus fréquemment posées sur son site

Par Theoma - Publié dans : Romans étrangers - Communauté : ♦ Lecture pour tous ♦
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