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Escalators et télévision

Par Hortensia

C'est l’histoire d’un écrivain qui reste chez lui, à Berlin, pour écrire un livre sur Le Titien. Sa femme part avec son enfant en Italie pour les vacances d’été. Il se retrouve seul, face à ses pages blanches minutieusement préparées. Le flot de l’histoire est tranquille, comme un ruisseau qui poursuit tranquillement son chemin, comme si l’on voyait au fur et à mesure de notre déambulation tous ses moindres tournants, ses enchevêtrements.
L’écrivain éteint la télé. Pour toujours. Ainsi son sevrage. Ainsi son quotidien, devant l’écran noir, le dos tourné aux feuilles blanches qui décidément, ne veulent pas se remplir. Il passe trois semaines à se demander s’il doit nommer le peintre Titien, Le Titien, Titiano Vicenzo, ou autrement encore ! Il n’a pas écrit une ligne.

Je lis le livre consciencieusement dans ce métro bondé de la ligne 13. Lorsque je suis montée, à Mairie de St-Ouen, un homme a fait semblant de dédaigner la seule place assise qui restait. Je ne sais ce qui lui a pris mais j’en ai profité pour me glisser doucement vers le siège, en prenant mon temps, au cas où il changerait d’avis. Il est resté debout, le dos contre la porte inactive. Je me suis assise confortablement dans le large siège du métro rénové.

Le livre de Toussaint a continué son chemin sous mon regard promeneur. Les gens autour de moi descendaient et montaient. Les genoux se frôlaient, je continuais sur l’histoire de l’Ecrivain. Il avait décidé d’aller se promener sur les rives d’un lac. A Berlin, on peut se dénuder. Il l’a fait, petit à petit. La chaleur estivale a eu raison de ses habits de toile, de sa chemise blanche, pourtant bien ouverte au début.

Il fait chaud dans ce métro. Il est chauffé. Ça détend, Il s’est levé pour aller se baigner. A Berlin, les nudistes côtoient les gens habillés normalement. Tout est naturel. La nudité et le contraste. Il se dirigeait vers le lac quand il rencontra le professeur de lettres qui lui avait octroyé sa bourse, accompagné d’un écrivain Cess Noteboom. Situation loufoque mais à l’écriture impassible. Aucune gêne écrite, ni chez le narrateur ni chez les personnages. Il y a juste le lecteur, voyeur, moqueur, lui qui ne connait de Berlin que les mots du narrateur.

Le métro arrive à Saint-François Xavier. Je descends et monte les escaliers. Le livre est rangé dans mon grand sac noir. Je sens mes jambes travailler, mes mollets se durcir à chaque enjambée. Je me dis que cela fait du bien. Je n’aime pas les escalators. Je n’aime pas la télévision. Le narrateur l’a sentit. Ce sont deux indispensables de notre monde qui ne sont la que pour flatter notre passivité, nous faire oublier de regarder, de penser, de marcher. Nous apaiser, comme il dit.

Devant l’Eglise de Saint-François Xavier, je décide de faire mon chemin retour sur le côté droit pour une fois. Un nouveau chemin. Sous la pluie noire vespérale, cela ne se voit pas trop que je découvre un peu. Je longe l’Église très rapidement. Je traverse l’avenue et me retrouve devant ce nouveau restaurant à la mode, aux lampes blanches, à l’intérieur mauve. Je remonte l’avenue de Breteuil. Je ne pense qu’à La Télévision. J’ai hâte de retrouver l’impassibilité de l’auteur belge. De m’assoupir enfin sur la normalité de quelque chose de bon. Un livre, un bon livre.


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