Magazine Société

"Les herbes folles" d'Alain Resnais

Publié le 03 décembre 2009 par Francisrichard @francisrichard
Il y a une quinzaine d'années, lors de vacances que je passais à Saint Palais-sur-Mer, j'avais pris l'habitude d'aller courir dans la forêt de la Coubre, toute proche, qui, peuplée de pins maritimes, de chênes verts et d'arbousiers, et d'une faune de cerfs, de chevreuils et de sangliers, suit la Côte Sauvage, dont elle retient le sable dans son filet végétal.

Un jour, tandis que je me livrais à cette activité, mon pied a incidemment heurté un portefeuille, partiellement recouvert d'aiguilles de pins. Une fois de retour à Paris, grâce au minitel, j'ai pu localiser la propriétaire et lui adresser un colis postal contenant son objet perdu, aussi bien enterré que son espoir de le revoir. Pour remerciement, je recevais par la poste, quelque temps plus tard, une boîte de chocolats... dont je suis friand et qui ont subi un sort rapide, sans être funeste.

Immanquablement Les herbes folles d'Alain Resnais m'ont fait penser à cet incident, depuis longtemps enfoui dans ma mémoire. Car, dans le film de Resnais, l'histoire commence un peu de la même manière.

Une femme, Marguerite Muir (Sabine Azema) [photo ci-contre en provenance d'Allociné ici], à la chevelure rousse et vaporeuse, et la cinquantaine gaillarde, entre dans une boutique de chaussures, dont la vendeuse a le don de lui prendre son pied en lui procurant un vague plaisir.

Au sortir de la boutique un jeune homme, monté sur roulettes, lui arrache son sac et ne demande pas son reste. Dans ce sac se trouve un portefeuille. Au pied d'une voiture, partiellement engagé sous une roue, dans un parking de centre commercial, ce portefeuille sera retrouvé, un peu plus tard, vidé de ses espèces, mais non pas de ses cartes, par un homme un tantinet plus âgé que la dame, un certain Georges Palet (André Dussolier).

C'est avec cet incident que l'histoire commence, alors que la mienne s'était terminée une fois la boîte de chocolats vidée de son contenu. En effet Georges , [photo ci-contre en provenance d'Allociné ici] va tout de suite être obsédé par la dame, pour laquelle il va se prendre de passion, avant même de la connaître, au point de devenir bizarre pour son entourage, qui ne comprend goutte à sa métamorphose.

Au lieu de retourner le portefeuille de cette dame par la poste et de recevoir en retour une boîte de chocolats, il va déposer l'objet perdu au commissariat du coin, ce qui nous vaut une scène d'anthologie avec Bernard (Mathieu Amalric) [photo ci-dessous en provenance d'Allociné ici] qui campe un improbable agent de police, capable de consternation, puis de compassion.

Pour remercier Georges, Marguerite lui téléphone et se fait maltraiter par ce dernier de manière complètement incompréhensible. Pour se faire pardonner, ce mufle ne trouve rien de mieux que de la harceler de plus en plus, puis quand il se rend compte qu'il lui est impossible de parvenir à ses fins, de couper les ponts, non sans avoir communiqué à Marguerite son obsession maladive, contagieuse comme une grippe épidémique.

A la fin la dentiste - Marguerite n'enlève pas ses pétales mais des dents, tout comme son associée, et confidente, Josepha (Emmanuelle Devos) - et le désoeuvré - la femme de Georges, Suzanne (Anne Consigny), lui laisse chaque matin une liste de tâches à accomplir, avant de partir travailler - vont s'envoyer au septième ciel de manière inattendue, mais, somme toute, prévisible, ce qui n'a aucune importance.

Ce film aurait dû s'intituler L'incident comme le livre de Christian Gailly dont il s'inspire, mais Resnais lui a préféré Les herbes folles :

"Cela me semblait correspondre à ces personnages qui suivent des pulsions totalement déraisonnables, comme ces graines qui profitent d'une pente dans l'asphalte en ville ou dans un mur de pierre à la campagne pour pousser là où on ne les attend pas".

Il ne faudrait pas savoir que Resnais a 87 printemps. Mais nous l'oublions très vite parce que ce réalisateur fait avec sa caméra des prises juvéniles et tourbillonnantes, parce que la voix off d'Edouard Baer berce, avec des mots scintillants, le rêve éveillé, au royaume de l'inconscient, dans lequel nous sommes transportés, parce que les dialogues font mouche avec une grande simplicité et une grande économie de mots, parce que nous passons du calme à la tempête, et retour, ce qui nous laisse tout de même un peu étourdis.

Quoi de neuf ? Resnais.

Francis Richard

Extraits du film et d'une conférence de presse donnée par Resnais :

    
Nous en sommes au

502e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani, les deux otages suisses en Libye

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine